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Débats : La crise au Mali vue par l’ex Ambassadeur Français, Nicolas Normand
Publié le mercredi 6 mars 2019  |  La Sirène
Nicolas
© AFP par SEYLLOU
Nicolas Normand,
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L’Institut français de Bamako a organisé, le 21 février dernier, une conférence-débats en invitant l’Ambassadeur Nicolas Normand pour s’exprimer sur la crise au nord Mali. Le diplomate a été ambassadeur au Mali durant plusieurs années. Il était invité pour parler de son livre paru il y a quelques mois et qui est une contribution majeure aux différentes réflexions sur l’avenir et le devenir de l’Afrique.

Des anciens Premiers ministres, ministres et cadres de partis politiques ont pris part à la rencontre. M. Boubacar BA, de l’ONG EVEIL/WALDE PINAL a fait le rapport de synthèse de la rencontre qui renseigne que, venu pour participer au Forum de Bamako sur la thématique de l’immigration, Nicolas Normand a organisé à l’Institut français de Bamako le 21 février 2019 un débat sur son ouvrage : « Le grand livre de l’Afrique », édition Eyroles 2019.

La conférence a été modérée par le Pr Issa Ndiaye, professeur de philosophie et ancien Ministre. Le livre a été préfacé par l’académicien Érik Orsenna . Cet ouvrage constitue un outil unique de découverte et d’étude, agrémenté par des pistes d’analyse sur de multiples crises que traversent les pays africains avec un focus sur le cas malien. À rebours des idées reçues, cet ouvrage dresse un panorama complet de la réalité africaine, pour comprendre le présent et appréhender l’avenir. Il aborde successivement les questions de politique, d’économie et de culture, sans omettre les sujets d’actualité que sont le terrorisme, la pauvreté, l’aide au développement et des approches et formes de gouvernance. A l’entame de ses propos, le conférencier s’est interrogé sur la question suivante : comment sortir de l’Etat de guerre et du terrorisme, est-ce encore possible ?

Il a, par la suite, souligné que les conflits ont changé de modus-operandi et qu’il n ya presque plus de conflits interétatiques, mais plutôt d’affrontements sous forme de rébellions et d’insurrections internes aux Etats. On ne peut plus négliger le conflit malien, car c’est là que se jouent une crise grave et des affrontements multiples ou, sinon, un drame avec des conséquences graves dans la sous-région ouest africaine.

Au nord du pays, il a mentionné trois éléments simultanés qui ont affecté la crise que traverse le Mali : l’implantation des terroristes algériens, la chute de Kadhafi et l’ambition du chef Touareg Iyad Ag Ghali. Selon diverses analyses, la stabilité sécuritaire et politique du pays a connu diverses évolutions avec des facteurs d’influence et de connivences ayant conduit à la déliquescence de l’Etat. Au nord du pays, les groupes terroristes ont réussi à parasiter une rébellion récurrente pour la marginaliser finalement, grâce au rôle ambiguë entre chefs d’AQMI et Iyad Ag Ghali. Divers facteurs expliquent ce bouleversement de la géopolitique des conflits : lutte des classes (entre l’aristocratie locale et les tributaires), compétition pour le narco trafic et des armes, effets inappropriés de la démocratie égalitaire, modes de communication et diverses formes d’appréhension des questions de gouvernance. Un tournant de la crise malienne a été marqué par deux évènements majeurs. Le premier facteur est le nœud gordien non tranché depuis 2012 où les autorités maliennes ont été empêchées par l’armée française de rétablir leur autorité à Kidal. Cette ingérence a créé une instabilité en opposant Ifoghas de la CMA (ex-rebelles) aux Imghads de la plateforme (loyalistes) et les effets pervers sur la cohésion communautaire. Le second facteur est la visite contestée du Premier Ministre malien en mai 2014 à Kidal provoquant une défaite de l’armée malienne avec des conséquences incalculables et un bouleversement des rapports de force sur le terrain. S’agissant de la paix, elle n’a guère progressé depuis la signature de l’accord de paix d’Alger signé à Bamako en 2016. Même si, celui-ci a permis un cessez – le – feu entre les belligérants et des arrangements sécuritaires sous l’égide de la communauté internationale suite à de multiples affrontements intercommunautaires au nord du pays. Dès lors, plusieurs tendances préoccupantes ont été élucidées : la contagion djihadiste et l’extension de l’insécurité au centre du Mali avec l’implantation de la Katiba Macina, une branche locale d’Ansar dine dont le fondateur est Iyad Ag Ghali. Ces groupuscules ont exploité la faible présence de l’Etat, les différentes frustrations accumulées, les conflits fonciers locaux incessants et des rivalités provenant d’une stratification sociale et religieuse dans le centre du pays. L’Ambassadeur Normand a essayé d’établir un diagnostic du contexte malien tout en décryptant aussi objectivement que possible certains questionnements en tenant compte diverses hypothèses. La première hypothèse porte sur la question liée à l’accord de paix de 2015, à l’irruption du djihadisme et au rôle que jouent les autorités maliennes et la communauté internationale dans la mise en route de cet accord. La deuxième hypothèse est en rapport avec la géopolitique locale marquée par le faible contrôle par l’Etat malien de la crise malgré les alertes et les prémisses depuis les années 2000 (création de zones grises au nord du pays, prises d’otages avec paiements de rançons, irruption de prêcheurs en provenance du Pakistan, etc.). La troisième hypothèse est en relation avec l’action de substitution des FAMAs par des groupuscules armés (GATIA, MSA) dans diverses zones au nord et principalement dans les espaces transfrontaliers. La quatrième hypothèse est relative au rôle stratégique que peuvent jouer certains pays comme l’Algérie dans la régulation de la crise malienne. La cinquième hypothèse est relative aux schémas quelquefois stéréotypés de résolution des conflits et des crises : RDC, Centrafrique, etc. avec l’organisation d’élections souvent contestées et l’envoi de casques bleus dans ces pays. Le résultat reste est très souvent mitigé avec l’absence de solutions escomptées soit par manque d’imagination ou d’impuissance de la communauté internationale. Une autre hypothèse est relative à la question du rapport entre l’islam et la modernité, à l’islam avec la politique, à la réforme du courant salafiste et enfin au concept de djihadisme (une déviance ou une instrumentalisation de la religion).

A la suite des débats/échanges, divers sujets ont été soulevés parmi lesquels la fragilité de l’Etat confronté à une crise multidimensionnelle dont l’aboutissement a été le bouleversement de 2012, la problématique de la dé- légitimation et la déresponsabilisation des actions de développement avec la substitution à travers des ONGs internationales, le rôle et la responsabilité des PTFs dans l’accompagnement de l’aide public au développement (consolidation de la gouvernance économique, la justice et l’éducation), et enfin aux efforts de reconstruction de l’armée avec des perspectives de sortie de crise globale dans la sous-région ouest africaine.

Salif Diallo

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