La crise au centre du Mali a entraîné le déplacement de nombreuses femmes. Celles-ci sont pour la plupart installées sur le terrain du parc à bétail de Faladié, un quartier de Bamako, où elles manquent du minimum vital. Pas d’eau encore moins de toilettes, ces femmes déplacées vivent dans des conditions inhumaines.
Au parc à bétail de Faladié, des huttes à perte de vue (hangars faits de paille et de plastique qui flottent en l’air) attirentl’attention du visiteur. Une fumée noire s’élève vers l’horizon et réduit la visibilité. Une odeur nauséabonde se dégage. À l’approche, des femmes s’affairent devant des paillotes qui font office de cuisine. Des enfants jouent à côté des habitations de fortune.
Assise sur une natte en plastique et entourée de deux fillettes d’au moins six ans, Malado Diallo, mère de cinq enfants,a fait le voyage sur Bamako- dont les frais ont été payés à l’arrivée-, il y’a de cela cinq jours. Regard fuyant, un foulard enroulant la tête, Malado a fui le village martyr de Koulôgô dans le cercle de Bankass où elle a abandonné toutes ses activités.
Fatiguée,la voix enrouée, Malado affirme avoir fait deux jours sur le trajet. «J’ai beaucoup vomi et j’avais du rhume qui a été prise en charge ici par des médecins», déclare-t-elle. Celle qui vivait du tressage et de la vente du lait, des activités qui lui permettaient de subvenir à ses besoins. Malado a aujourd’hui tout perdu. Elle affirme cependant avoir reçu des autorités un peu de sucre, du riz, du lait en poudre et du thé.
Plus loin, on retrouve Débé Moussa, une autre femme déplacée. Âgée de vingt ans, un enfant porté au dos, Débé est originaire de N’Gassé près de Boni d’où elle s’est enfuie avec son mari. Elle se retrouve aujourd’hui sans aucune nouvelle de ses proches,puisque son village a comme été rayé de la carte (mis à sac). «C’était le sauve-qui-peut», témoigne-t-elle.
Son père, quant à lui, est incarcéré à Bamako depuis juin. Sur le choix de s’installer sur le terrain du parc à bétail de Faladié, elle affirme avoir appris la présence de Peuhls dans cet endroit. Débé n’a pour le moment reçu que de la viande. Elle se dit aujourd’hui impatiente de vivre la fin de la crise pour rentrer chez elle.
Non loin d’elle, Awa, la quarantaine révolue, mère de sept enfants, est originaire de Diallassagou, dans le cercle de Bankass,qu’elle a quitté depuis près de deux mois. Elle s’est enfuie avec son mari et ses enfants. Assise sur une boîte au milieu d’un tas d’ordures, un garçon d’au moins un an sur ses jambes, Awa fait la vaisselleavec del’eau souillée. En l’absence d’une source d’eau potable, elle affirme payer de l’eau à raison de cinquante FCFAle bidon de vingt litres.
Les services de protection civile livrent de l’eau mais destinée à ceux qui vivent dans une cour aménagée par l’Etat. Les autres doivent se débrouiller. «Nous payons trois à quatre bidons par jour. Ce qui fait qu’on ne peut pas se permettre de se laver tous les jours. Nous n’avons même pas de toilettes où on peut se soulager», regrette-t-Awa dont le visage illustre toute sa souffrance. L’insalubrité semble peu l’importuner que la fumée qui cause, selon elle, du rhume, une maladie qu’elle traîne depuis son arrivée au parc à bétail de Faladié.
Quelques mètres plus loin, Mariam s’affaire autour de ses marmites. Elle porte au dos son enfant d’un an. Visage efflanqué, le bébé semble souffrir de malnutrition. Trois jours plus tôt, Aïssata Diallo, venue du village de Yalèma, dans cercle de Bankass, avait perdu le sien du même âge.
«Depuis le décès de mon enfant, je n’ai pas fermé l’œil la nuit.Chaque semaine, on reçoit des informations sur de nouveaux cas d’attaque», déclare Aïssata Diallo, qui s’est enfuie seule, laissant derrière elle son mari et les autres membres de sa famille. Depuis trois mois, sans téléphone, elle atteste n’avoir eu aucune nouvelle de ses proches.
À côté d’elle, Salimata Diallo, 40 ans, est originaire du village de Koulôgô où plus de trente personnes ont été tuées par des chasseurs traditionnels dogons le 1erjanvier. Mère de six enfants, Salimata a perdu son mari. «C’est mon enfant qui m’a envoyé de l’argent afin que je vienne à Bamako», confie-t-elle. Depuis sa venue, Salimata déclare avoir reçu un peu de riz, du sucre, du lait et un peu de thé.
Elle souhaite la fin de la crise pour pouvoir rentrer chez elle. Salimata doit toutefois tout reconstruire d’autant qu’elle a tout perdu dans l’attaque de leur village.
Par ailleurs, un espace a été offert près de l’aéroport de Bamako par une personne de bonne volonté. Les femmes déplacées espèrent qu’il sera vite aménagé afin qu’elles quittent le parc à bétail de Faladié.
Abdoul Madjid Sanogo
Encadré
Site de déplacés àFaladié : vers une catastrophe humanitaire ?
C’est un truisme de dire que les déplacés du centre installés sur le parc à bétail de Faladié vivent dans des conditions extrêmement difficiles. Ce sont des huttes qui font office d’habitat précaire.
Le site manque d’eauet d’électricité. Une odeur nauséabonde s’y dégage. La défécation se fait à l’air libre. «Il y a des toilettesoù l’on peut uniquement uriner. Pour le reste, on doit se chercher un coin pour se mettre à l’abri des regards», déplore une femme déplacée.
Des tas d’ordures jonchent le sol. C’est au milieu de ces immondices que les femmes cuisinent. La plupart des personnes rencontrées souffrent de maladie. Il urge pour le gouvernement et les organisations non gouvernementales de prendre toutes les dispositions nécessaires pour éviter une catastrophe humanitaire.
Les services de la protection civile apportent certes de l’eau. Mais cette eau est destinée à ceux qui vivent dans une cour aménagée par de bonnes volontés. Ce qui ne constitue qu’une goutte d’eau dans la mer d’autant qu’elle ne concerne qu’une infime partie des plus de sept-cents âmes qui vivent sur le site.