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Kamissa Camara : l’égérie de la diplomatie malienne
Publié le jeudi 7 mars 2019  |  Nouvelle Libération
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© aBamako.com par A S
Conseil de cabinet à la primature
Bamako, le 12 septembre 2018 le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, a eu une première rencontre avec les membres de son gouvernement: Photo: Kamissa Camara
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À l’occasion du 8 mars, journée internationale de la femme, nous ouvrons nos colonnes à des dames qui en ont tout le mérite. Elle est du nombre de ces femmes au destin exceptionnel, à un âge encore pimpant. Kamissa Camara, vous n’aurez pas à deviner son nom, se raconte au fil de ces articles de presse que nous avons concoctés pour vous. Focus !

Nommée ministre des Affaires étrangères du Mali, le 9 septembre 2018, Kamissa Camara avait été présentée dans nos colonnes en août 2015. Retour sur le récit d’une jeune vie pas comme les autres.

«Française, Malienne et Américaine», avions-nous dit de cette femme de 32 ans à l’époque. Nous ajoutions : «Cette battante vit aux États-Unis où son parcours se nourrit de la sève de l’Afrique».

Kamissa Camara, nommée le 9 septembre 2018 chef de la diplomatie du Mali dans le gouvernement que le président Ibrahim Boubacar Keïta vient de former avec à sa tête SoumeylouBoubèyeMaïga, s’était ouverte au Point Afrique. Flashback.

«Je vis aux États-Unis depuis 8 ans. Je gagne bien ma vie et je suis propriétaire de ma maison. J’ai le meilleur des trois pays.» Kamissa Camara affiche sa réussite et la revendique. Française, elle a fait le choix de s’expatrier aux États-Unis où elle poursuit une brillante carrière. La raison ?

Plus d’opportunités au sein d’un système plus flexible. À sa façon, Kamissa Camara symbolise le nouveau visage de la diaspora désormais en situation de «double immigration», avec des enfants qui choisissent de s’expatrier du pays d’immigration de leurs parents.

Une enfance franco-malienne

«Je suis née et j’ai grandi à Grenoble, de parents maliens ayant immigré en France dans les années 70.» Ses origines, Kamissa Camara y tient beaucoup et est reconnaissante envers son père de lui avoir permis de garder ce lien fort avec le Mali. «Mon père avait peur que l’on perde nos attaches avec son pays quand il ne serait plus là. Il a tout fait pour que nous créions nos propres liens avec la famille restée là-bas. On allait souvent en vacances à Bamako l’été, on passait plusieurs mois à vivre le quotidien du pays ; maintenant, le Mali fait partie de moi.» Et la France alors ?

Kamissa y a fait un parcours universitaire sans fautes –classe prépa hypokhâgne, diplôme de relations internationales et master en économie internationale–, mais des «épreuves particulières» la maintenant régulièrement dans la case immigrée l’ont conduite à nourrir un rêve d’Amérique.

Son rêve d’Amérique se concrétise…

«Je connaissais bien les USA. J’y étais souvent allée, que ce soit pour mon stage de licence au bureau des Nations unies à Washington où durant mon année «au pair» à Concorde dans le New Hampshire». En 2007, elle saute le pas, après avoir obtenu sa carte verte, précieux sésame permettant de vivre et de travailler sur le sol américain.

«Un ami avait joué à la loterie pour moi, à mon insu. Un jour, il m’appelle et me dit que j’avais ma carte. J’étais en stage de fin d’études à la Banque africaine de développement à Tunis. Ce jour-là, j’ai su que ma vie allait enfin commencer.» C’est donc avec son master en poche que Kamissa Camara prend un aller simple pour les États-Unis. Avec 3 000 dollars en poche, elle atterrit chez des amis à Washington.

Sans job, mais avec l’envie de mettre le monde à ses pieds. «Mon premier achat a été une voiture. J’y ai investi 1 000 dollars. De là, tout est allé comme sur des roulettes : j’ai tout de suite trouvé un poste à l’InternationalFoundation for Electoral Systems (IFES), Fondation internationale pour les systèmes électoraux.» Au sein d’IFES, elle est en charge de l’Afrique de l’Ouest.

… avec l’Afrique

Kamissa va ainsi former des centaines de personnes travaillant dans des commissions électorales sur des sujets aussi pointus que la délimitation des circonscriptions électorales, l’enregistrement des électeurs ou la technologie d’enregistrement des votes ; des activités essentielles à la démocratie sur le continent.

En 2012, elle rejoint le National Endowment for Democracy (NED)*, Fondation nationale pour la démocratie. «Ça faisait presque 5 ans que j’étais à IFES, j’étais fatiguée, et puis je m’étais trop spécialisée dans les élections ; je voulais me diversifier. Au sein du NED, le poste de responsable pour l’Afrique de l’Ouest se libérait : j’ai sauté sur l’occasion.» Elle y travaille maintenant depuis 3 ans, et y a été récemment promue vice-directrice pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

Le Sahel au cœur de son action…

Sa plus grande fierté : son travail sur le Mali, où le NED n’avait aucun programme quand elle est arrivée. «J’ai été recrutée juste après le coup d’État de 2012. J’avais le profil idéal pour travailler sur le pays. On est parti de zéro et on a maintenant 15 partenaires sur le terrain. Je me suis déplacée moi-même plusieurs fois sur le terrain, y compris à Tombouctou, pour identifier les partenaires et m’assurer que ces organisations étaient stables et solides. Le Mali est un vrai succès pour le NED», indique-t-elle.

Parallèlement, Kamissa Camara visite une dizaine de pays africains par an pour y évaluer les contextes politiques et rencontrer les partenaires du NED, pour vérifier que l’argent est bien utilisé mais aussi pour identifier de nouveaux partenaires. Son engagement pour le continent dépasse les limites de ses activités professionnelles.

… et de son engagement

À l’origine du Sahel Strategy Forum, la jeune cadre investit son tempset son énergie pour la région. «J’ai créé ce forum dans la continuité du Mali Watch, un groupe informel d’ONG qui travaillait sur le Mali. Il avait été mis en place juste avant le coup d’État et avait décidé de cesser d’exister après les élections présidentielles de 2013, estimant son travail terminé. J’ai eu envie de poursuivre la réflexion sur les enjeux autour du Sahel.»

Le Forum existe maintenant depuis 2 ans et se réunit régulièrement pour des panels de discussions de haut niveau sur la question. Professeurs, ministres, ambassadeurs, Kamissa Camara met son réseau au service de sa cause : créer un partenariat dirigeants-société civile. La jeune femme a même été engagée par le State Department (Département d’État) pour former les diplomates américains qui sont déployés en Afrique de l’Ouest, formation qu’elle dispense sur ses vacances du NED, à l’américaine…

Kamissa, désormais une Africaine-Américaine

La jeune femme, qui vit à Washington, est maintenant une citoyenne américaine. «Je me sens chez moi aux États-Unis…», dit-elle. «Oui, les cultures sont différentes et il faut le temps de s’adapter, mais ici tout est tellement plus facile !» conclut-elle.

De quoi renforcer sa conviction d’avoir fait le bon choix en s’expatriant, en émigrant. Une manière de réécrire à sa façon l’histoire familiale, mais en lui faisant prendre une autre orbite, celle vers un univers où tout est possible loin des carcans habillés de préjugés et d’immobilisme.

Par Nadia Rabbaa (Le point afrique)

Ce que vous ignorez d’elle

«Repat»

Elle a 35 ans et incarne la génération des «repats» (pour «repatriés»), ces jeunes des diasporas qui s’installent sur le continent après avoir passé toute leur vie à l’étranger. Si elle venait souvent en vacances au Mali, elle n’y avait jamais vécu.

Médias compatible

En tant que ministre, elle sera appelée à intervenir dans les médias. Un exercice auquel elle est habituée : ces dernières années, elle a été invitée à plusieurs reprises sur des chaînes de télévision anglophones ou francophones pour évoquer l’actualité africaine.

«Green card»

Après un premier séjour aux États-Unis, où elle a été jeune fille au pair, elle a effectué un stage de quatre mois au bureau des Nations unies à Washington. Séduite par la vie américaine, elle a fait une demande de green card à la fin de ses études supérieures en France. Réponse positive. Avec 3 000 dollars en poche, elle a traversé l’Atlantique et décroché un premier job à l’International Foundation for Electoral Systems (Ifes).

Repérée

Voilà plusieurs mois que la jeune femme avait été repérée par Ibrahim Boubacar Keïta. En juillet, c’est elle qu’il choisit comme conseillère diplomatique pour remplacer Mahamadou Nimaga, nommé ambassadeur aux États-Unis. Le président décide de la propulser au poste de ministre des Affaires étrangères trois mois plus tard.

Team Hillary

Elle a conseillé la candidate démocrate Hillary Clinton sur l’Afrique, et en particulier sur le Sahel, durant la campagne présidentielle américaine de 2016, finalement remportée par Donald Trump.

Passation de pouvoir

L’entourage d’IBK le reconnaît : Kamissa Camara a aussi été choisie car elle «représente la jeunesse et incarne l’avenir».Dans son discours d’investiture, le chef de l’État avait assuré qu’il ferait de son second mandat une passation de pouvoir à la nouvelle génération.

Engagée

Après quatre années à l’Ifes, où elle était chargée des questions électorales en Afrique de l’Ouest, elle a travaillé pour le National Endowment for Democracy (NED) puis pour PartnersGlobal, deux ONG américaines engagées dans la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance et appuyant la société civile en Afrique subsaharienne. En parallèle, elle a fondé le Forum stratégique sur le Sahel, qui organise des séminaires sur les grands enjeux de cette région.
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