Dans un entretien réalisé en marge du point de presse organisé, mercredi dernier, par l’Association globale sante et solidarité au Mali (AGSS-mali) et l’Association des Jeunes pour la Citoyenneté Active et la Démocratie (AJCAD), le Directeur national du Développement social, Ibrahim Aba Sangaré, dénonce le fait que certains Maliens veulent fonder leurs fonds de commerce sur la misère des déplacés.
Info Soir : Qu’est ce qui explique votre présence ce matin sur le site ?
Ibrahim Abba Sangaré : Je suis là dans mon rôle quotidien de supervision et de suivi des activités autour de nos parents déplacés de la région de Mopti.
Certaines associations proches des déplacés interrogées se plaignent de la timide aide du Gouvernement par rapport à leurs attentes. Qu’est ce que vous en pensez ?
La timidité de la réaction de l’Etat est, sans doute, à relativiser. Ceux qui parlent de la timidité du Gouvernement ont certainement appris l’existence du site il y a quelques semaines. Le Gouvernement du Mali fait face à la situation des déplacés internes au niveau de Bamako depuis 2012. Cela n’a pas commencé aujourd’hui. Au fur et à mesure, l’Etat et ses partenaires ont su gérer le cas des déplacés. Mais, suite l’aggravation du conflit intercommunautaire dans la région de Mopti vers mi décembre 2018, nous avons constaté un déplacement spontané des populations vers Bamako notamment à Faladié et Niamana. Nous avons été informés depuis le 13 décembre 2018 de leur situation. Du 13 décembre à ce jour, les services techniques du Développement social avec l’appui de la Protection civile et du ministère de la Santé sont à pied d’œuvre pour les assister. Cette assistance est multiforme et multisectoriel en vivres et en non vivres. Et chaque jour, nous accueillons de nouveaux déplacés. Mais, jusque-là nous continuons à gérer la situation. Mais malheureusement, nous sommes confrontés à d’autres problèmes. Nous faisons face à des sites qui abritent deux types de populations. Il s’agit des déplacés internes suite à la crise intercommunautaire et des populations qui ont, tout le temps, vécu sur le même site et qui opèrent dans le commerce de bétails. Tout cela rend la tâche difficile et complexe. Donc, je ne pense pas que la réaction de l’Etat soit timide et encore moins tardive. La prise en charge sanitaire de tous les déplacés se fait systématiquement. Les enfants qui ont déjà bénéficié de cette prise en charge sont pour la plupart venus dans des conditions sanitaires très critiques. Dieu merci, nous avons pu sauver certains d’entre eux même si nous regrettons aussi des cas de décès. Grâce à cette couverture sanitaire gratuite, nous nous réjouissons aussi d’informer l’opinion de quatre naissances sur le site. Toutes ces naissances ont été prises en charge par les services sanitaires. Et toutes les familles déplacées qui ont été identifiées et enregistrées ont été inscrites au Régime d’assistance médicale pour assurer leurs prises en charge médicales gratuites.
Nous avons aussi procédé à une distribution de dons alimentaires et non alimentaires. Et nous continuons à leur faire parvenir ce qui est à la disposition de l’Etat de façon régulière. Ce qui n’est pas à notre disposition, nous ne gênons pas de demander le concours des partenaires et des personnes de bonnes volontés pour nous aider à améliorer leurs conditions de vie.
Vivre au milieu des tas d’ordures ne sied pas à la civilité humaine. Qu’est-ce que le Gouvernement du Mali envisage à ce niveau ?
L’Etat nous a engagés sur deux fronts. Le premier consiste à améliorer les conditions d’existence des déplacés sur le site. Et nous sommes à la tâche. Les râblées qui ont été faites l’ont été sur les frais de l’Etat. Les tentes ont été installées par l’Etat. Nous sommes conscients que ces populations sont là suite à une crise. Et agissant de façon multisectorielle, l’Etat en train d’œuvre pour atténuer la crise. Dans cette dynamique d’assistance aux victimes, nous avons déjà identifié un site à Sévaré pour recevoir les déplacés dans un cadre idéal sur instructions des plus hautes autorités. Au cours de nos échanges avec les déplacés, nous avons compris qu’ils n’ont pas souhaité être là et qu’ils souhaitent retourner le plus tôt possible chez eux, là où ils se sentent bien dans leur chair. C’est pourquoi, toutes les dispositions sont en train d’être prises pour rendre le site de Sévaré opérationnel. Parce que c’est là leur environnement là où ils se sentent plus à l’aise. Nous avons identifié un espace de plus 4000 mètres carrés qui a été clôturé. Avec l’ensemble des leaders des déplacés et des ONG locales et internationales de Mopti, nous sommes en train de réfléchir sur les mécanismes de sensibilisation des déplacés par rapport à leur retour sur ce site plus adapté et approprié et auprès de leurs communautés.
Qu’en est-il de l’espace trouvé par l’AJCAD auprès d’un Général de l’armée ?
Nous avons dans un premier temps été informé via les réseaux sociaux qu’un Général de l’armée a accepté d’accueillir les déplacés sur son domaine privée. Nous avons cru à une rumeur au début mais après investigations nous nous rassurés de la véracité. Nous ne sommes pas contre les contributions de bonnes volontés. C’est un plus si elles sont coordonnées avec les actions du Gouvernement. C’est ce que nous avons dit à tous nos partenaires. Toutes les actions doivent s’inscrire dans une logique publique et non dans une gestion privée. Et dans le cadre de l’action publique, nous nous engageons à améliorer les conditions d’abord à Bamako tout en créant les conditions de retour pour qu’ils se sentent à l’aise et qu’ils ne restent pas isolés, éternellement, dans un camp. Leur objectif n’est pas de rester définitivement à Bamako où ils sont obligés de vivre au gré de la bonne volonté du donneur du jour. C’est cela que nous avons expliqué au Général lorsque nous sommes allés le rencontrer. Nous lui avons dit que nous sommes en train de travailler sur ces deux fronts suivant la volonté des déplacés eux-mêmes.
Sur le site de Faladié, on signale, de plus en plus, la présence des étrangers venus des pays voisins. Qu’en pensez-vous ?
Les services de sécurité ont été déjà alertés et ils sont au travail.
Comment faites-vous la sélection entre les profiteurs et les vrais déplacés ?
Nous sommes des professionnels. Nous avons des fiches d’enquêtes sociales qui nous ont permis d’écarter tous ceux qui sont dans les environs et qui tentent de s’infiltrer.
Avez-vous une idée sur le nombre des déplacés à ce jour sur le site de Faladié?
A ce jour, nous avons enregistré 153 ménages soit environ 333 personnes sur le site de Faladié. Nous sommes en train de les faire installer selon les vulnérabilités.
Avez-vous un appel à lancer aux associations, ONG et autres personnes de bonnes volontés ?
Nous saluons l’ensemble des ONG, associations et personnes de bonnes volontés qui aident à l’amélioration des conditions de vie des déplacés. Mais, nous rappelons qu’il serait judicieux de s’inscrire dans une synergie d’actions. Toutes ces associations et ONG peuvent apporter leurs contributions à l’action publique. Et si tout le monde se met derrière l’Etat, nous sommes capables d’avancer rapidement. Nous les demandons de venir s’associer aux services techniques de l’Etat qui ont déjà fait le maximum. Nous sommes là pour travailler à soulager les déplacés et non pour satisfaire les réseaux sociaux. Alors qu’on laisse travailler.