Tout le monde ou presque semble approuver la démarche en cours visant à rapprocher Majorité au pouvoir et Opposition. Les raisons ne manquent pas, en effet, pour justifier l’initiative. Dont les enjeux sont multiples mais pas forcément positifs en termes de bénéfice démocratique.
D’ailleurs, pourquoi devrait-on penser qu’un rapprochement entre majorité politique au pouvoir et opposition devrait amener plus de sérénité dans le pays ? Une telle hypothèse supposerait que l’opposition serait à l’origine de la crise quasi généralisée qui frappe le pays depuis le lancement du deuxième mandat du président IBK. Or, il se trouve que jusque-là, l’opposition n’a pas eu une marge de manœuvre suffisante pour gêner le régime, empêchée qu’elle fût par les forces de répression. Faudrait-il penser que l’opposition serait impliquée dans les différents mouvements de grèves et autres meetings. Elle était, bien entendu, présente au dernier meeting de Mahmoud Dicko, mais rien n’indique qu’elle y ait joué un rôle majeur, même si l’on pourrait craindre une collusion entre les deux mouvements politique et religieux. D’aucuns supputent que ce meeting aurait alerté la France qui se serait alors résolue à exiger du régime qu’il fasse un geste significatif envers l’opposition, afin de prévenir une possible liaison dangereuse des mécontents, politiques et religieux : un véritable cocktail Molotov. Dans tous les cas, qu’est-ce que les uns et les autres ont à gagner dans ce rapprochement Majorité et Opposition ?
Le Régime : il y a tout à gagner
S’il y a quelqu’un qui pourrait tirer un réel avantage de la démarche de conciliation, c’est bien le régime qui, d’une part, redore son blason (son image), et, d’autre part, pourrait voir le front social s’apaiser, ne serait-ce que temporairement. Certains alliés pourraient néanmoins faire les frais, si d’aventure l’idylle allait loin, jusqu’à la formation d’un gouvernement d’ouverture.
Soumaïla Cissé : un avantage très mitigé
Le président de l’URD fait face à un véritable casse-tête chinois. En refusant le dialogue et le rapprochement, il pourrait se mettre à dos une frange importante du peuple qui l’accuserait d’être un va-t’en guerre et de ne pas se soucier de la stabilité du pays. En y allant, ce serait accepter de prendre part à la gestion du pays et d’être, par là-même, comptable de cette gestion dont l’issue laisse peu de doute sur sa qualité. On se souvient, du reste, de certains propos de ATT qui, lorsque le même IBK, s’était porté candidat contre lui, n’avait pas manqué de rappeler qu’ « ils avaient géré le pays avec lui et se permettaient maintenant de critiquer sa gestion.. ». Le ministre Nancoma Keïta, alors à la Santé, avait été contraint de quitter le navire, même s’il voulait tricher avec soi-même en restant au gouvernement jusqu’au bout tout en continuant à battre campagne pour IBK avec les moyens de l’Etat.
Le Peuple : à long terme, peu à gagner
Si le rapprochement entre Majorité et Opposition devrait apporter un certain apaisement du front social, alors le peuple y gagne forcément à court terme. Mais il ne faut pas se voiler la face, le consensus n’a jamais été une bonne solution pour la démocratie. Nous autres Maliens semblons oublier assez vite, au point de ne plus nous rappeler que le fameux « consensus à la ATT » avait carrément tué la démocratie. Ce n’est pas sorcier, on ne peut pas réfléchir de la même manière, dire la même chose et voir ses propres erreurs. C’est pour cela qu’un statut a été donné à l’Opposition pour justement lui donner des armes légales lui permettant de jouer son rôle de contre-pouvoir. Quand il n’y a plus de contre-pouvoir politique, la Société civile et la presse peuvent prendre le relais. Sauf que la dure réalité est là : une société civile digne de ce nom, ayant une réelle conscience politique, n’existe pas encore. Quant à la presse, sa précarité l’amène inexorablement à servir d’abord les Gouvernants et non les Gouvernés, conformément à sa mission, à sa vocation première.
Sorry Haïdara