Premier ministre sous Alpha Oumar Konaré, Ibrahim Boubacar Kéita a bénéficié de toutes ses faveurs et de sa confiance pour mener à bien sa mission gouvernementale. L’homme qui travaillait pour son propre agenda croyait plus à son destin de président du Mali qu’à toute autre fonction. La nature en a décidé autrement : en lui faisant un destin étrange à l’instar du héros de l’écrivain Amadou Hampaté Bah, Wangrin.
Découvert par le peuple de l’Alliance démocratique au Mali (Adéma/PASJ) lors des campagnes présidentielles de 1992 en qualité de directeur adjoint de la campagne du candidat Alpha Oumar Konaré, Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) sera l’un de ceux que le premier président démocratiquement élu du Mali nomme par décret. Il est alors conseiller diplomatique, porte-parole du président. Tout un symbole !
Malgré l’opposition farouche de certains barons de l’Adéma, IBK sera successivement nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en Côte d’Ivoire et au Gabon, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Premier ministre avant d’occuper la présidence de l’Adéma/PASJ au congrès de 1994.
En dépit des manifestations d’une extrême violence et les exigences d’une opposition radicale, le Collectif des partis politiques de l’opposition (Coppo), le Premier ministre sera maintenu à son poste six ans durant. A deux années des élections générales de 2002, le président Alpha Oumar Konaré demande à son Premier ministre de s’occuper du parti afin de mieux se faire connaître des Maliens.
Certains laudateurs du Premier ministre arrivent à le convaincre qu’il s’agit là d’un lâchage qui ne dit pas son nom. Celui qui se fait nommer « Kankélétigui » (l’homme de parole) et qui croit à un destin naturel de président de la République du Mali n’a jamais digéré son départ à la tête du parti et de la Primature.
Il croyait dur comme fer qu’il était le candidat naturel de l’Adéma/PASJ à l’élection présidentielle de 2002 et se prenait pour un Adémiste bon teint plus que ceux qui ont signé l’acte de naissance du parti sous les balles assassines et la menace de couronne d’enfer brandie par le général Moussa Traoré contre les opposants du parti unique et de la dictature de l’époque.
IBK quitte l’Adéma en 2000 avec quelques militants qui lui sont restés fidèles et crée le Rassemblement pour le Mali (RPM) en se faisant passer pour la victime de sa trop grande fidélité à Alpha et au parti de l’Abeille. Le président du RPM devient la tête de proue de l’Association Espoir-2002 composée essentiellement des partis politiques qui demandaient sa démission lorsqu’il était Premier ministre.
Curieusement, le « Kankélétigui », qui se donne l’étiquette de militant de première heure de la lutte contre la dictature du général Moussa Traoré n’hésite pas alors à rendre visite à celui-ci dans sa détention à Markala au cours d’une de ses missions dorées. Lors des élections de 2002, il s’oppose avec la dernière énergie à la candidature du général ATT avant d’appeler à voter pour celui-ci lors du second tour contre le candidat de l’Adéma/PASJ. « Je ne passe pas, toi non plus ».
Etrange destin
Elu président de l’Assemblée nationale, il fait voter tous les projets de lois y compris celui qui institue le Vérificateur général en dépit de l’opposition de certains députés de son parti. Mis en ballottage défavorable lors des élections législatives de 2007 en Commune IV par un indépendant, il n’est élu député que grâce au concours de tous les autres partis pour lui éviter le plus grand revers de sa vie.
Lors de l’adoption de la Déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre, Ahmed Mohamed Ag Hamani, IBK dit : « J’ai voté le texte par loyauté, j’aurai dû ne pas le voter par dignité« . Tout est dit. Celui qui prétend être un vrai Manika qualifiait à quelques mois avant le putsch, le président ATT « de soldat de la démocratie« ; ce qui ne l’empêche pas d’être reçu en fanfare par les putschistes et raccompagné avec motards !
Mieux ou pire, il dit lors de la rencontre des cadres du parti en mai que Dioncounda doit démissionner à la fin des 40 jours d’intérim et qu’il faut donner un peu de temps à la junte. De « Kankélétigui », IBK est devenu le « Kalalakantigui », l’iguane. Il croit voir dans ce putsch son heure arrivée. Quel gâchis ! Il souffle en même temps le chaud et le froid. Ouvertement, il se démarque des positions de la junte et les soutient dans le noir.
Interviewé la semaine dernière par l’envoyé spécial de RFI sur l’envoi de troupes militaires de la Cédéao pour combattre les rebelles et sécuriser les autorités de la transition, l’opinion nationale trouve que sa réponse est ambiguë. Il ne veut pas apparemment faire mal à l’ex-junte en affirmant clairement que l’envoi des militaires de la Cédéao dans le contexte actuel relève de l’ordre normal des choses.
Il ne doit pas oublier que celui qui a géré une parcelle de pouvoir dans une République n’est pas n’importe qui. En sa qualité d’ex-Premier ministre, il est mieux placé que quiconque pour savoir que les militaires maliens ont combattu sous d’autres cieux sous le commandement de la Cédéao, de l’UA et de l’ONU, en Afrique et dans le reste du monde dans le cadre du maintien de la paix.
A ce rythme, il est difficile à IBK de devenir le président du Mali, mais qui sait peut-être celui d’Azawad ? « Vergogna », d’après les Italiens. « Dieu, le Mali, ma conscience : Allah ka tignè dèmè !« .