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« Faire la paix au Mali : les limites de l’acharnement contre-terroriste »
Publié le mercredi 27 mars 2019  |  Le monde.fr
Barkhane
© AFP par PHILIPPE DESMAZES
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« Le Monde Afrique » a décidé de publier l’un des articles de la revue « Afrique contemporaine » consacrée au Mali qui ne verra pas le jour. La publication du dossier a été suspendue par l’AFD, son organisme de tutelle.

Sur les conflits maliens et l’intervention militaire française démarrée en 2013, la revue Afrique contemporaine a voulu décentrer le regard. C’est ainsi qu’elle a confié un dossier sur ces questions sensibles à des chercheurs nord-américains, sous la direction de Bruno Charbonneau. Cet universitaire canadien est directeur du Centre FrancoPaix en résolution des conflits et missions de paix (Université du Québec, Montréal). Ses travaux ont notamment porté sur la politique sécuritaire de la France en Afrique, considérée comme un « nouvel impérialisme » (Routledge, 2008), et plus largement sur les questions de conflits et leurs résolutions en Afrique de l’Ouest.

Ce texte fait partie d’un dossier préparé depuis près d’un an pour la revue scientifique Afrique contemporaine éditée par l’Agence française de développement (AFD, ancien partenaire du Monde Afrique). Le conseil scientifique de la revue s’est montré intransigeant dans le processus d’évaluation de ce dossier. Deux textes ont été rejetés. D’autres ont du être significativement modifiés avant d’être validés. Mais l’AFD a finalement décidé de suspendre la publication du dossier, provoquant la démission du rédacteur en chef de la revue et celle de plusieurs chercheurs membres du conseil scientifique.

Tous dénoncent des « interférences d’ordre politique » dans la ligne éditoriale. Pour Bruno Charbonneau, il s’agit de « censure ». L’ancien « Monsieur Afrique » de François Hollande, Thomas Melonio, désormais directeur du département « Innovation, recherche et savoirs » à l’AFD est aussi directeur de la rédaction d’Afrique contemporaine. « Il n’y a eu aucune censure, précise-t-il. Une demande a été émise pour introduire de nouveaux articles scientifiques avec des points de vue contradictoires. » Les auteurs de ce dossier, détenteurs des droits sur leurs textes, refusent catégoriquement leur publication par Afrique contemporaine. Bruno Charbonneau a accepté que son texte soit publié en version réduite en exclusivité par Le Monde Afrique, partenaire privilégié de la revue, pour que ce travail scientifique puisse être lu, débattu, critiqué.

Depuis 2013, le Mali a fait l’objet de nombreuses interventions militaires internationales. Celles-ci ont depuis dépassé les frontières maliennes pour couvrir le « Sahel », se combinant dans un dispositif militaire important : 12 213 casques bleus et 1 737 policiers déployés au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), 4 500 soldats français au sein de l’opération « Barkhane », 5 000 à 10 000 soldats prévus pour la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), 580 soldats au sein de l’EUTM Mali (European Union Training Mission) et un nombre significatif, quoique difficile à préciser, de forces américaines et européennes dans les pays du G5 Sahel, au Niger notamment, positionnées en appui plus ou moins direct aux efforts contre-terroristes. Cela sans compter la forte mobilisation internationale pour le développement, l’aide humanitaire ou l’agenda P/CVE (Prévenir ou contrer l’extrémisme violent), où organisations internationales et acteurs bilatéraux déploient chacun leur propre « stratégie Sahel ».

Malgré toutes ces dispositions, à en croire les multiples rapports du Représentant spécial du Secrétaire-général des Nations Unies sur la situation au Mali, les conditions de sécurité n’ont pas cessé de se détériorer depuis 2015. Alors que le processus de paix n’avance presque pas, l’efficacité des actions contre-terroristes est remise en doute par plusieurs, surtout dans un contexte de régionalisation de l’insécurité.

Quels sont les effets de ces interventions internationales sur les possibilités pour la paix et la réconciliation au Mali ? Quel impact ont-elles sur le processus de paix et sur la situation sécuritaire ? Nous soutenons que l’accent mis sur la lutte contre le terrorisme par les partenaires internationaux des Nations unies impose une logique sécuritaire aux possibilités pour la paix et produit des contradictions et des effets contre-productifs non négligeables. Face aux critiques concernant les limites du contre-terrorisme, la réponse a été de redoubler d’efforts via la création de la FC-G5S et une présence militaire étrangère en croissance au Sahel-Sahara, particulièrement au Niger. Cet acharnement contre-terroriste est perçu par plusieurs Etats comme nécessaire – une précondition même – à toute résolution politique au conflit. Une telle logique ne semble pas reconnaître, par contre, les tensions et les compromis inévitables entre les stratégies pragmatiques et à court terme du contre-terrorisme (comme la coopération avec les groupes armés) et les objectifs et les stratégies à long terme du maintien de la paix.

Conceptualiser l’intervention
Au Mali, la manière dont l’intervention militaire a été conçue justifie légalement et moralement la pratique. L’opération française Serval de janvier 2013 donnait le ton : selon le gouvernement français, il s’agissait de sauver le Mali des groupes terroristes qui menaçaient Bamako et, à terme, d’assurer la sécurité des pays voisins et même celle de l’Europe. Cette intervention militaire française fut avalisée post facto par le Conseil de sécurité des Nations unies, lorsque celui-ci créa la Minusma, en avril 2013. La Résolution 2100 (25 avril 2013), qui créait la mission, autorisait « l’armée française (…) à user de tous moyens nécessaires (…) d’intervenir en soutien d’éléments de la Mission en cas de danger grave et imminent à la demande du Secrétaire général » (article 18). Ainsi naissait une « division du travail » entre les forces de maintien de la paix de l’ONU et les forces contre-terroristes françaises. D’un côté, la mission onusienne devenait responsable du travail concernant les acteurs, les processus et les dynamiques légitimes liés aux efforts pour la paix et la réconciliation. De l’autre, les troupes françaises (et leurs soutiens alliés) devenaient responsables du travail concernant les activités et les actions de guerre contre-terroristes.
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