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Art et Culture

Francophonie oui, mais une francophonie sans oubli de soi est encore mieux !
Publié le jeudi 28 mars 2019  |  Le Pays
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L’utilisation acharnée du français est en phase de devenir un véritable problème de survie pour nos communautés si nos intellectuels ne changent pas de fusils d’épaule. La francophonie ne doit pas nous asphyxier linguistiquement, mais au contraire être une source de richesse pour nous. Elle ne doit pas être un oubli de soi.

« Tant qu’un peuple vaincu n’a pas perdu sa langue, il peut garder l’espoir », lisons chez Montesquieu. Cette phrase me semble être assez claire dans son fond et ainsi nous paraît être d’une importance incommensurable. À la prendre au pied de la lettre, nous comprenons que cet auteur français ne fait pas une grande différence entre servitude et perte de sa langue nationale.

Cela fortifie notre conviction qu’il est difficile de réussir en utilisant la langue d’autrui. À ce titre, nous arrivons à l’explication qu’accorder une trop grande importance à des langues étrangères qu’à ses propres langues constitue une forme d’oubli de soi. Chose que nous constatons de plus en plus malheureusement au Mali. Nombreux sont les étrangers de « chez-soi » par leur incapacité à s’exprimer dans leur langue maternelle.

Cette situation d’oubli de soi à travers ses langues relève en grande partie du fait que les langues nationales maliennes sont rarement travaillées par les intellectuels. Tous les documents sont en langue officielle ; toutes les informations se passent dans cette langue. Dans les écoles, exceptés dans les publiques et cela seulement au fondamental (de la 1re année à la 6e année), tous les enseignements se font en français.



« Lire, écrire, produire dans les langues africaines. Le débat est récurrent depuis les indépendances. Comment penser et représenter le monde en écrivant dans des langues héritées de la colonisation tel que le français, l’anglais ou le portugais ? », lit-on dans une publication du quotidien français Le Monde sur l’usage des langues nationales au Sénégal. Cette problématique a été en effet au centre des débats, mais jusque-là elle s’avère impossible de devenir une réalité. Nous nous rappellons que Modibo Kéita se battait pour ce projet avant de se buter à des obstacles notamment la multiplicité des langues nationales. Certains ont pensé qu’en demandant à chaque communauté d’enseigner dans sa langue qu’on leur donnerait ainsi l’opportunité de prendre leur autonomie.

Mais néanmoins ce souci nous semble être pris en compte par Paul Kagamé qui a montré la voie à suivre pour réussir à mieux travailler nos langues. Kagamé a ainsi retravaillé scientifiquement la langue des bantus. Cheick AntaDiop ainsi que Paul Painlevé ont tous tenté à travers des exemples précis à montrer la possibilité de mieux retravailler de façon scientifique les langues nationales africaines.

Il est important de s’ouvrir certes aux langues étrangères ; il est essentiel de mettre le français au centre de nos activités, mais cela ne doit pas aller jusqu’à nous asphyxier en nous détournant complètement de nos langues nationales. Embrasser la francophonie tout en retravaillant nos propres langues est gage de progrès. C’est d’ailleurs ce que le professeur de philosophie et écrivain sénégalais, Boubacar Boris Diop, fait savoir au cours d’un entretien sur Le Monde : « Par exemple, à la télévision, des débats télévisés qui commencent en français finissent souvent en wolof. Une personne qui parle mal le français s’exprimera dans sa langue sans complexe, au lieu de se mettre à baragouiner, comme cela aurait été le cas il y a quelques années. » Le Sénégal est déjà en avance sur cette question par le fait que beaucoup de romans ainsi que de dictionnaires en langue Wolof existent. C’est à cela que doit consister une vraie francophonie : une forme de melting pot des langues. Les Africains en général et les Maliens en particulier doivent travailler sur cette voie afin de bénéficier une vraie indépendance.

Fousseni TOGOLA

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