Je ne sais pas s’il faut en rire ou en pleurer, mais l’exercice d’équilibrisme auquel s’est livré le porte-parole du gouvernement vendredi dernier est une belle illustration de la langue de bois politique.
Etait-il venu de lui-même sur le plateau du journal télévisé ou était-il en mission commandée ? Tout compte fait Hamadoun Touré, pourtant habitué à la communication en temps de crise, a lamentablement cherché à noyer le poisson. Se livrant à un cours de sémantique, il a voulu brouiller les pistes en parlant d’absorption du CNRDRE et non de sa dissolution.
Alors que le message de la communauté internationale est on ne peut plus clair réclamant la dissolution pure et simple de l’ex-junte, le porte-parole du gouvernement préfère nous annoncer que le CNRDRE sera absorbé par une structure consultative au sujet de la réforme des forces armées.
Et cerise sur le gâteau, Hamadoun Touré trouve qu’aucune menace ne pèse sur les institutions de transition. Honni soit qui mal y pense ! Nous rappelons seulement à M. le ministre que personne n’a jamais encore vu la liste des membres des auteurs du coup d’Etat du 22 mars dernier.
Combien sont-ils ? Quel grade ont-ils ? Quel sera leur traitement ? Est-ce le capitaine Sanogo qui va diriger en personne cette structure ? Des questions et toujours des questions. A ce qu’on sache, avec son statut d’ancien chef d’Etat, le capitaine Sanogo ne peut plus se prévaloir du fait d’être un officier d’active. Car si tel était le cas, il devra se soumettre à la hiérarchie militaire pour ne pas semer les germes d’une désobéissance néfaste dans la Grande muette, ou alors la réactivation du syndicalisme militaire.
Ensuite, il ne faudrait pas, au moment où les finances se portent très mal, qu’on mette en place une structure pléthorique et budgétivore qui ne sera que consultative juste pour faire plaisir. La dissolution du CNRDRE est plus que nécessaire aujourd’hui. Le capitaine Sanogo n’a-t-il pas placé ses hommes dans les différents postes de commandement ?
Que veut-il de plus ? Ne soyons pas dupes, tout le monde sait que jusqu’à présent c’est Kati qui dicte sa loi dans la gestion du pays. Un système de gestion opaque et dangereux. Car tant que les militaires seront derrière, il ne faudrait pas s’attendre à ce que les pays occidentaux reprennent leur coopération bilatérale avec le Mali.
La semaine dernière, nous avons par exemple vu l’Algérie offrir des tonnes de céréales pour appuyer les efforts du gouvernement. 48 h après, le CNRDRE organisait à Ségou une remise de dons aux veuves de militaires. Mais là où le bât blesse, c’est que ce sont les sacs de céréales que l’ambassadeur algérien avait remis au gouvernement qu’on a retrouvé dans la Capitale des Balanzans, même si on avait pris le soin de retourner certains sacs pour maquiller les couleurs algériennes. Est-ce le gouvernement qui a offert ce don au CNRDRE ou sait-il directement servi sans se gêner ?
L’heure de la langue de bois est révolue dans le Mali post-22 mars 2012. Il est temps que les uns et les autres puissent s’asseoir autour de la même table et se dire certaines vérités. Pendant que nous cherchons à justifier l’injustifiable à Bamako, à nous entredéchirer pour des questions de prébendes, à dire tout sauf la vérité, pendant ce temps-là les rebelles se renforcent au Nord.
Le réveil promet d’être brutal et douloureux pour beaucoup. On aura déjà remarqué que le capitaine porte désormais un gilet pare-balle dessous sa tenue…