Arbitrer un match entre IBK et Modibo Kéita, le premier président du Mali indépendant sur le terrain de la gouvernance est un pari hautement risqué tant les réalités historiques et socio-politiques sous les deux régimes sont différentes. Mais risquons-nous néanmoins au jeu. Sous le premier président, il y a certes eu des erreurs qui ont été fatales au régime. Il y a certes eu l’histoire du «mil rouge ». Il y a eu le rationnement, il y a eu « Sakoiba » et surtout les exactions de la milice. Le président Mobibo Kéita avait notamment commis l’erreur stratégique de remplacer l’armée par cette organisation. Mais Modibo Keita est un dirigeant dont l’ombre continuera encore longtemps à planer sur le Mali. En huit petites années, il mit le Mali sur la rampe du développement. Rapidement, il mit sur pied les premiers tissus industriels du pays. Au total, une vingtaine d’unités dont la Comatex qui est aujourd’hui un des poumons économiques de Ségou et la Sonatam.
La Socoram, société de montage des radios, si elle avait survécu au régime de Modibo, allait peut-être connaitre le même sort que Samsung de la Corée du Sud, pays qui avait le même niveau de développement que le Mali à l’indépendance. Il est vrai aussi que ce pays a massivement bénéficié de capitaux américains.
Au temps de Modibo Kéita, le Mali avait la meilleure compagnie aérienne en Afrique de l’Ouest avec une vingtaine d’aéronefs dont un Boeing 727. Les pilotes maliens étaient à l’époque parmi les meilleurs en Afrique. Modibo Kéita voyait grand pour son pays. Il voyait aussi grand pour l’Afrique. Au nom de l’idéal panafricain, n’a-t-il pas inscrit dans la constitution malienne l’abandon de toute ou partie de sa souveraineté ?
Si le régime de Modibo Kéita était socialiste (le socialisme scientifique s’entend), celui d’IBK se déroule sous les auspices de la démocratie sauce occidentale et le libéralisme triomphant. IBK fit ses premières armes en tant que Premier ministre d’Alpha Oumar Konaré. Très vite, il endigua la contestation estudiantine qui avait avant lui emporté trois Premiers ministres et plongé le pays dans la chienlit. Il demeura à ce poste de Premier ministre pendant six ans. Une première au Mali. C’est ainsi qu’IBK commença à écrire sa légende. Il serait faux d’écrire qu’il n’a pas d’ambitions pour le Mali, qu’il manque de patriotisme, qu’il n’aimerait pas se mesurer à la bravoure de son ancêtre Soundjata Kéita. Mais a-t-il la même étoffe que Modibo Kéita ? Ce qui reste à prouver.
Quant aux relations de Modibo Kéita avec les avantages et les privilèges du pouvoir, personne ne connait une villa appartenant à Modibo Kéita, alors qu’il pourrait en disposer par dizaines, sa seule fille mariée à un policier ne reçoit de l’Etat malien que des subsides symboliques. L’idéal de Modibo Keita était le Mali et l’Afrique. Alors IBK a-t-il la même stature que le premier président du Mali ? Pas encore. A moins qu’il ne mette le turbo pendant son second mandat pour propulser le Mali dans le cercle des pays émergents, précisément des pays à revenu intermédiaire.