PolitiqueSalif Traoré face aux élus de la nation : « Nous sommes face à des gens sans foi ni loi qui veulent détruire notre pays, ne leur rendons pas la tâche facile.»
Publié le mercredi 3 avril 2019 | le Figaro du Mali
La situation sécuritaire du Mali préoccupe beaucoup, du sommet jusqu’à la base, certains déduisent même qu’elle est la résurgence d’un complot international. Face aux élus de la nation, le Général de Division Salif Traoré n’a pas manqué de porter son gilet, face aux coups d’émotions légitimés par la cruauté du moment. Avec une diplomatie à la mesure des interpellations, le ministre de la sécurité, sans jamais perdre de vue les options secrètes en cours, a donné des réponses aux lancinantes interrogations des représentants du peuple.
Ce Mercredi 03 Avril 2019, les ténors de l’Assemblée, pour l’essentiel, étaient bien en place. L’honorable Karim Keita, Oumar Mariko, Mamadou Diarrassouba, Niamé Keita, Belco Bah, Amadou Thiam, Alkaidi Touré ou autres Hady Niagando et Moussa Timbiné. Les milices, leur nombre et leur mode de désarmement, la préoccupante force de la Minusma, les stratégies concrètes de l’État, les députés ont sollicité des réponses auprès du Général Salif Traoré, accompagné de sa collègue de la fonction publique et des relations avec les Institutions, DIARRA Racky Talla.
Des élus ont demandé de revoir le partenariat avec ceux qui aident notre pays en termes de renseignements. Zoumana N’Tji, élu à Bougouni estime et regrette que le gouvernement n’ait pas totalement appliqué certaines mesures de sécurité sans donner plus de détails.
Des réponses claires, responsables et sans ambiguïté, c’est ce qu’avait demandé Hady Niagando qui dit de ne pas rester indifférent aux massacres des populations innocentes maliennes. A la place du gouvernement, disons, du Premier Ministre, c’est le général de l’heure, à la tête de notre département de la sécurité, qui assure les très complexes questions que nul n’ose contester.
Le président, le premier ministre ou encore le ministre de la défense, loin du banc des interpellés, sont accusés par le groupe VRD qui estime que la faute est entièrement politique. En opposants agressifs, le principal groupe d’opposition a livré un discours sans espoir et sans modération, ne reconnaissant aucun effort du gouvernement, peignant en noir très foncé, le tableau du régime.
Les questions avaient des apparences « secret Défense », donc leurs réponses pouvant peut-être atteindre aux stratégies en cours. Salif Traoré est-il celui qui devrait répondre à ces questions? Non visiblement car Kalilou Ouattara, prenant la parole, s’est adressé au général Traoré en ces mots : « Il n’y a pas d’insécurité, il y a plutôt une vraie guerre depuis 2012. » Des propos qui, subitement, ont reçu les applaudissements admiratifs de l’honorable Karim Keita. « L’État est combattu par des forces séparatistes, par des terroristes et de potentiels mercenaires venus d’ailleurs » a ajouté l’honorable Ouattara.
Un moment remarquable, celui de l’intervention du président du SADI. Oumar Mariko a introduit ses propos par une dénonciation relative à un manque de légitimité de l’hémicycle. Oumar Mariko s’est vu stopper par le président Issiaka Sidibé qui trouve inadmissible qu’un élu puisse prendre la parole dans un parlement qu’il juge illégitime.
C’est avec un ‘’cœur lourd’’ que le général Salif Traoré dit se présenter au pupitre du parlement pour évoquer ces questions. C’est un glissement du centre de gravité du Nord vers le centre. « Le temps est notre meilleur ennemi et ce n’est pas en 5 ans que nous allons faire une armée totalement au point. Nous travaillons avec les partenaires, mais c’est à nous de faire l’effort principal. Ce n’est pas du jour au lendemain qu’on fera une armée nombreuse, bien équipée et bien organisée. La solution n’est pas que chacun ait son arme, il faut sensibiliser les citoyens et le gouvernement reste vigilant sur les trafics qui s’opèrent » a précisé le ministre en lieu et place son premier ministre.
Les dernières semaines ont été traumatisantes pour beaucoup de compatriotes, y compris parmi la majorité des députés qui ont pris la parole. Déplorant la mort de 440 civils et de plus de 150 militaires des FAMa et de la Minusma, la réalité est que la République subit des coups, à l’image des grandes puissances mondiales. « Nous sommes face à des gens sans foi ni loi qui veulent détruire notre pays, ne leur rendons pas la tâche facile » affirme-t-il.
Au dire du ministre Salif Traoré, des théâtres d’opérations sont envisagés, mais déjà plus de 15000 hommes ont été déployés, avec leurs primes générales alimentaires et autres carburant leur permettant la réalisation de leurs missions. S’agissant de la décision de dissolution de Dan Amassagou, le ministre recadre les choses au nom de toute son équipe : « Aucun officiel du gouvernement n’a accusé Dan Amassagou d’être responsable de ce qui s’est passé. Le gouvernement n’a accusé personne, aucune communauté, aucun groupe, aucun individu. Le gouvernement n’a donné de récépissé à aucune milice, c’est à des associations qu’il a délivré des récépissés » a insisté Salif Traoré devant les députés.
Le Ministre de la sécurité a demandé aux responsables nationaux et aux élus surtout, de ne pas faire le jeu des terroristes. Quant au désarmement de ceux qui détiendraient des armes, il ne se fera pas dans la précipitation, affirme Salif Traoré. L’absence de l’État en certains endroits est réelle, mais des opérations sont en cours pour traquer les milices et toute autre force qui détiendraient illégalement des armes : « Chacun doit jouer son rôle et toutes les propositions sont les bienvenues. Les terroristes doivent être combattus là où ils se trouvent. Quant à la Minusma, les forces maliennes sont en phase avec elle, elle est impliquée dans beaucoup d’actions et son mandat devrait être plus robuste pour engranger plus de résultats positifs » a attesté le ministre.
Une réunion au ministère de l’action humanitaire évalue et se prépare à venir en aide aux déplacés de ces localités. L’élu Youssouf Aya, originaire du centre, a fortifié les propos de recherche de cohésion et de paix demandés par le ministre de la sécurité.
Le député Sankaré, élu à Bankass estime que s’il y a interpellation, tout le monde est interpellé, tout le monde est responsable. « L’heure n’est pas à la division, elle doit être à la compassion et au recueillement. Il faut s’unir pour combattre les forces du mal » soutient-il
Les députés ont formulé des propositions visant à réduire les violences, allant de la présence de l’Etat au désarmement des milices, en passant par la transmission des messages de cohésion et non de clivage.
S’agissant des enquêtes ouvertes, il n’est pas du ressort de l’exécutif de s’y prononcer. Les effectifs annoncés pour Sokolo sont déjà sur place et même en surnombre, il ne faudrait pas sous-estimer les effectifs. Le Général a porté la responsabilité et celle du gouvernement qui tient à écouter tout le monde et à ne pas faire cavalier seul : « Il faut s’armer de sérénité et de réalisme pour affronter la situation que le pays s’est vu imposer » a conclu le ministre de la sécurité.
Le président de l’assemblée nationale a interpellé et interdit aux députés d’exprimer toute appartenance à telle ou telle ethnie : « Il n y a pas de comptoir Dogon ou peul ici, vous êtes des élus de la nation »