Cheick Mouctary Diarra fut au service du Mali pendant 55 ans. Il fut journaliste, homme politique et diplomate. Sa vie active commença en 1960 quand il décida de répondre à l’appel lancé à la jeunesse du continent par le président guinéen Ahmed Sékou Touré pour l’aider à faire face aux menées de l’impérialisme contre son pays nouvellement indépendant.
L’imam a conduit la prière mortuaire en présence d’une foule nombreuse
Les convictions panafricanistes chevillées au corps, Cheick Mouctary Diarra se rendra en Guinée par des moyens du bord. C’est là-bas qu’il passa son baccalauréat avant d’aller au Sénégal pour des études à la faculté de journalisme de l’Université de Dakar en 1963. Il devint le vice-président de la Coordination des étudiants de Dakar. En 1966, il effectua un stage en France, puis revint à Dakar. Il fut conduit manu militari hors des frontières du Sénégal en 1969.
De retour à Bamako, Cheick Mouctary Diarra intégra le quotidien national L’Essor et en devint très vite le rédacteur en chef avant de prendre la direction générale de l’Agence malienne de presse et de publicité en 1970.
Vingt ans plus tard, il fut nommé conseiller technique au ministère de l’Information, puis conseiller technique auprès du président Alpha Oumar Konaré fraichement élu à la tête du pays en 1992. Ce militant du Parti malien du travail (PMT), une organisation clandestine qui lança notamment la première manifestation de contestation contre le régime militaire, avait ainsi longuement travaillé avec le président Alpha Oumar Konaré et de nombreux autres cadres.
En 1991, à la chute du régime de Moussa Traoré, Cheick Mouctary Diarra devint membre du Comité directeur de l’ADEMA-PASJ. En 1995, il fut nommé ambassadeur du Mali au Sénégal, en Gambie et au Cap-Vert avec résidence à Dakar.
Selon Abdoulaye Amadou Sy, président de l’Amical des anciens ambassadeurs et consuls généraux du Mali, certains analystes affirmaient que cette nomination aux relents de calculs géopolitiques visait à rétablir le climat de bonne entente entre Bamako et Dakar.
Ce climat était, en effet, quelque peu terni par le refus retentissant du président Alpha Oumar Konaré d’aller dans la capitale sénégalaise à la rencontre groupée des présidents d’Afrique francophone avec le président français Jacques Chirac. Il fallait donc un cadre de haut niveau comme Cheick Mouctary Diarra pour apaiser la mésentente entre les présidents Abdou Diouf et Alpha Oumar Konaré. Le fil du dialogue fut noué très rapidement entre les deux capitales.
A l’arrivée de la MINUSMA, il fut nommé conseiller politique auprès du représentant du secrétaire général des Nations unies à Bamako jusqu’en 2014. Puis, il fut promu ambassadeur du Mali en France, au Portugal, au Vatican, à l’Ordre souverain de Malte et à l’OIF. Et c’est à sa demande qu’il fut remplacé à Paris car il voulait revenir auprès des siens.
L’ancien ministre Abdoulaye Bathily du Sénégal fut un ami de Cheick Mouctary Diarra. Leurs destins se sont croisés en 1967 à l’Université de Dakar. Lui venant de Backel, une région du Sénégal et Cheick venant du Mali. M. Bathily a estimé que Cheick n’appartient pas qu’au Mali. «Son rôle dans la conscientisation de la jeunesse sénégalaise et africaine à Dakar a été immense, à travers notamment les différentes organisations estudiantines. « Cet activiste était même recherché par la police sénégalaise car il était toujours à la base des bulletins de liaison et autres manifestes qui circulaient parmi les étudiants. C’est pourquoi, il était surnommé James Bond 007, en référence à cet illustre personnage de films policiers américains qui échappe toujours aux forces de sécurité », a-t-il témoigné, ajoutant que les étudiants ont attribué aussi le surnom de Dag Hammarskjöld, cet ancien secrétaire général des Nations unies décédé en 1961 dans un accident d’avion en Zambie. Car Cheick Mouctary était «une aiguille qui raccommodait les déchirures entre les étudiants. Il savait toujours trouver les mots pour mettre fin à un conflit. Il a été de tous les combats, de toutes les luttes d’émancipation et de conscientisation de la jeunesse africaine», a relevé Abdoulaye Bathily.
Pour le Grand chancelier des Ordres nationaux du Mali, le général Amadou Sagafourou Gaye, la nation malienne reconnait à l’illustre disparu, le mérite qui était le sien dans le rayonnement du journalisme et de la diplomatie, dans l’aide qu’il apporta à la formation de ses cadets. Les honneurs qu’il a su attendre, il les reçus sous la forme de médailles : Chevalier de l’Ordre national en 1999, Officier de l’Ordre national en 2002, Commandeur de l’Ordre national en 2009 et Grand Officier de l’Ordre national en 2016.
Quant à Mamadou Cheick Diarra, fils du défunt, il a, au nom de sa famille, remercié le président Ibrahim Boubacar Keïta et tous ceux qui se sont déplacé pour rendre ce dernier honneur à son père. Pour lui, la mort n’est pas la disparition physique, mais la perte des idées et des enseignements. Il a promis de veiller à ce que les graines essaimées par son père continuent à germer.