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Sa majesté le Roi Mohammed VI lors de l’accueil officiel du Pape François à l’esplanade de la mosquée Hassan à Rabat “Je partage avec le Saint Père la conviction d’une spiritualité agissante au service du bien commun”
Publié le samedi 6 avril 2019  |  Aujourd`hui
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© Autre presse par DR
Le Roi Mohammed VI, roi du Maroc
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«Nous, Roi du Maroc, Amir Al Mouminine, nous nous portons garant du libre exercice des cultes»

Sur invitation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Sa Sainteté le Pape François vient de séjourner au Maroc pendant 48 heures (Du 30 au 31 mars 2019), 34 ans après la visite du Pape Jean Paul II à Casablanca. Le chef de l’Eglise catholique a été accueilli, le samedi 30 mars aux environs de 14 h (heure locale) à l’aéroport Rabat-Salé avec tous les honneurs par Sa Majesté. De l’aéroport, le cortège des deux personnalités s’est dirigé vers l’esplanade de la Mosquée Hassan dans un bain de foule. Là, plus de 12 000 personnes (musulmans et chrétiens) étaient présentes, sous une pluie, qui s’est abattue sur la capitale, synonyme de bénédictions. Selon Sa Majesté le Roi Mohammed VI, cette visite de Sa Sainteté le Pape François consacrée à Rabat intervient dans un contexte de défis pour la communauté des nations, la communauté de tous les Croyants. Il l’a dit dans un discours prononcé en arabe, espagnol, anglais et français. Nous vous livrons la version française de ce discours, très émouvant, qui restera longtemps gravé dans les annales des relations entre Rabat et Vatican.



Louange à Dieu, Prière et salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons.

Votre Sainteté,

Ce jour est exceptionnel. Exceptionnel car il est marqué par la venue de Sa Sainteté le Pape François 1er. Exceptionnel aussi parce qu’il me rappelle la visite historique du Pape Jean-Paul II au Maroc.

La venue du Souverain Pontife s’inscrit dans la continuité des relations établies depuis longtemps entre le Maroc et le Vatican.

Nous avons tenu à ce que sa date et son lieu reflètent sa profondeur symbolique, sa portée historique et l’enjeu civilisationnel.



Le lieu d’ouverture, de passage et de brassage qui nous accueille aujourd’hui, est en soi le symbole d’un équilibre harmonieux.

Judicieusement situé au point de rencontre entre le fleuve Bouregreg et l’Océan Atlantique, il est placé sur l’axe reliant la Mosquée Al-Koutoubia à Marrakech et la Giralda à Séville, et il constitue un trait d’union, spirituel, architectural et culturel, entre l’Afrique et l’Europe.

Nous avons également souhaité que votre visite coïncide avec le mois béni de Rajab.

C’est en cette période Sainte que l’Islam et la Chrétienté connurent l’un des épisodes les plus emblématiques de leur histoire: sur ordre du Prophète Mohammed, Paix et Salut soient Sur Lui, les musulmans fuyant les persécutions, quittèrent la Mecque et trouvèrent refuge auprès du Négus, le Roi chrétien de l’Abyssinie.

Il s’agissait là du premier acte d’accueil et de connaissance mutuelle entre religions musulmane et chrétienne.

Et c’est aussi cet acte de connaissance mutuelle, inscrit dans la postérité que nous commémorons aujourd’hui.

Votre Sainteté,

La visite de Votre Sainteté au Maroc intervient dans un contexte de défis pour la communauté des nations, la communauté de tous les Croyants.

Il nous faut combattre des maux d’un autre âge qui se nourrissent de la trahison et de l’instrumentalisation du Message divin en prônant le déni de l’autre et autres théories scélérates.



Dans ce monde en quête de repères, le Royaume du Maroc n’a jamais cessé de clamer, d’enseigner et de vivre au quotidien la Fraternité des fils d’Abraham – pilier fondateur de la très riche diversité de la civilisation marocaine.

L’union de tous les Marocains, par-delà les confessions, en est un exemple éloquent.

Cette symbiose est notre réalité. Elle se matérialise par des mosquées, des églises et des synagogues qui, depuis toujours, se côtoient dans les villes du Royaume.

Nous, Roi du Maroc, Amir Al Mouminine, nous nous portons garant du libre exercice des cultes. Nous sommes le Commandeur de tous les croyants.

En tant que Commandeur des Croyants, je ne peux parler de Terre d’Islam, comme si n’y vivaient que des musulmans. Je veille, effectivement, au libre exercice des religions du Livre et Je le garantis. Je protège les juifs marocains et les chrétiens d’autres pays qui vivent au Maroc.

Votre Sainteté,

Nous n’avons eu de cesse d’aller chercher Dieu au-delà du silence, au-delà des mots et au-delà du confort des dogmes, pour que nos religions restent des passerelles privilégiées et éclairées et pour que demeurent les leçons et les messages de l’Islam des lumières.

Le dialogue entre les religions abrahamiques est manifestement insuffisant dans la réalité d’aujourd’hui. Au moment où les paradigmes se transforment, partout et sur tout, le dialogue inter-religieux doit aussi faire sa mue.



Le dialogue tourné vers la “tolérance” aura fait long feu, sans pour autant atteindre sa finalité. Les trois religions abrahamiques n’existent pas pour se tolérer, par résignation fataliste ou acceptance altière.

Elles existent pour s’ouvrir l’une à l’autre et pour se connaitre, dans un concours vaillant à se faire du bien l’une l’autre :

Les radicalismes, qu’ils soient ou non religieux, reposent sur la non-connaissance de l’autre, l’ignorance de l’autre, l’ignorance tout court.

La “co-connaissance” est une négation de toutes formes de radicalisme. Et c’est cette co-connaissance qui nous permettra de relever les défis de notre présent tourmenté.

Pour faire face aux radicalismes, la réponse n’est ni militaire, ni budgétaire ; elle a un seul nom: Éducation.

Mon plaidoyer pour l’éducation est un réquisitoire contre l’ignorance : ce sont les conceptions binaires et la méconnaissance qui menacent nos civilisations. Jamais la religion.

C’est pourquoi, aujourd’hui, en tant que Commandeur des Croyants, je plaide pour que soit redonnée à la religion la place qui est la sienne, au sein de l’éducation.

C’est pourquoi il m’est impossible de parler devant la jeunesse sans la mettre en garde contre les phénomènes de radicalisation et d’entrée dans la violence.

Ce que tous les terroristes ont en commun n’est pas la religion, c’est précisément l’ignorance de la religion.

Il est temps que la religion ne soit plus un alibi pour ces ignorants, pour cette ignorance, pour cette intolérance.

Car la religion est Lumière, Savoir, Sagesse. Elle est également synonyme de Paix, préconisant de substituer des combats plus nobles et sereins, à la course en armement et autres folies. Ainsi, nous avons établi la Fondation Mohammed VI des Oulémas.



Dans le même sillage, nous avons répondu favorablement aux demandes de plusieurs pays africains et européens et nous accueillons ainsi leurs jeunes, à l’Institut Mohammed VI pour la formation des Imams, des Mourchidines et Mourchidates.

Votre Sainteté,

En tant que Commandeur des Croyants, je partage avec le Saint Père la conviction d’une spiritualité agissante, au service du bien commun.

La spiritualité n’est pas une fin en soi. Notre Foi se traduit en actions concrètes. Elle nous apprend à aimer notre prochain. Elle nous apprend à l’aider. Il est une réalité essentielle : Dieu Pardonne. Parce que Dieu est miséricorde, nous avons placé la générosité et l’indulgence au cœur de notre action.

Parce que Dieu est amour, nous avons essayé de faire de notre règne un témoignage de proximité, au chevet des plus pauvres et des plus vulnérables.

C’est là l’esprit de l’Initiative Nationale de Développement Humain (INDH) que nous avons lancée il y a 14 ans, afin d’améliorer la vie des personnes en situation de précarité ou de fragilité, d’intégrer les exclus, de procurer un toit aux sans-abri, et de donner, à tous ces déshérités, foi en un avenir digne.

C’est là également la philosophie de la politique d’immigration et d’asile que nous avons mise en place. Nous la voulons, avant tout, solidaire.

Elle est en phase avec le Pacte de Marrakech, que la communauté internationale a adopté le 10 décembre dernier.

Votre Sainteté,

Notre rencontre consacre une conviction partagée : les valeurs de la religion monothéiste contribuent à la rationalisation, à la réconciliation, à l’amélioration de l’ordre mondial.

En tant que Commandeur des croyants, je me dresse, comme vous, contre l’indifférence, sous toutes ses formes et je salue le courage des leaders qui ne se dérobent pas aux grandes questions de notre temps.

Nous suivons avec intérêt et considération les efforts déployés par Votre Sainteté au service de la paix mondiale, ainsi que vos appels continus à l’éducation, au dialogue, à la cessation des violences et à la lutte contre la pauvreté, la corruption, le changement climatique, ces maux qui gangrènent les sociétés.

Parce que nous sommes, respectivement Commandeur des Croyants et Saint Père, nous devons faire preuve d’idéalisme et de pragmatisme, nous devons être réalistes et exemplaires.

Nos messages sont aussi actuels qu’éternels. Ils invitent les peuples à embrasser les valeurs de modération, à réaliser les impératifs de co-connaissance et à appréhender la conscience de l’altérité.

Ce faisant, nous délivrons, Votre Sainteté, “une parole commune entre nous et vous“. Cette parole n’est pas un accommodement étriqué et réducteur.

Cette parole, Nous la concevons – Nous la vivons – comme un Message commun, un message que des Musulmans, des Chrétiens et des Juifs adressent à l’humanité toute entière.

C’est là ce qui Nous rassemble aujourd’hui et ce qui doit Nous unir demain.

Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wabarakatouh”.



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