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Mali : Kidal dans la fièvre de l’or
Publié le dimanche 14 avril 2019  |  Le Point
Kidal
© Autre presse par DR
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On ne le sait pas toujours mais, réputé pour son insécurité, Kidal est aussi un haut lieu de prospection aurifère où se croisent groupes armés, acteurs économiques et aventuriers.


«  C’est simple, tu cherches l’or avec ton détecteur, tu creuses peu profond et tu trouves  ! Moi, j’ai acheté deux moteurs, un marteau-piqueur, du carburant, de l’huile, du charbon pour faire fonctionner tout ça, j’ai tout donné à des cousins, quand ils partent chercher l’or, s’ils trouvent, on partage ça  !  » raconte avec enthousiasme Youssouf (le nom a été modifié), un Touareg de Kidal, assis dans ce petit restaurant-snack du quartier Sira Koro à Bamako. Le jeune Kidalois au chèche couleur sable, arrivé depuis quelques heures seulement dans la capitale, apprécie sa boisson fraîche autant que les centaines de milliers de francs CFA, dans sa poche, rapidement gagnés en vendant quelques dizaines de grammes d’or, extrait des sables du Sahara, souvent par plus de 40 degrés, à la sueur du front. «  À Bamako, quand t’arrives pour vendre ton or, en deux heures tu as l’argent. Il y a beaucoup de monde là-dedans, il y a beaucoup de gens qui se sont enrichis, car il y a de l’or dans la région, chaque semaine on découvre un nouvel endroit, après c’est selon ta chance  », poursuit-il.

À plus de 1 500 kilomètres de la capitale, à Kidal, au nord du Mali, depuis la fin de l’année 2017, la prospection artisanale de l’or s’est intensifiée, charriant un flux important d’orpailleurs locaux comme étrangers provenant de divers pays africains, équipés de détecteurs de métaux, de marteaux-piqueurs, de pioches, de pelles, de compresseurs, appâtés par cette nouvelle manne financière disponible à ciel ouvert. « Kidal n’a fait qu’emboîter le pas des pays voisins. Tout est parti du Niger en 2014 avec les mines de Tagharaba. Il y a toujours eu des histoires sur les sous-sols riches en or de la région. Les gens ont commencé à s’y intéresser parce qu’ils avaient du mal à exploiter les territoires qu’il y avait en Algérie, ils étaient chassés ou détroussés par les militaires algériens. Ils ont vu là-bas qu’avec des appareils électroniques on peut détecter l’or à plusieurs mètres sous le sol. Ils ont investi dans des détecteurs et ils ont commencé à chercher et à trouver de l’or, un peu partout  », explique Youssouf.

Autour de Tessalit, à Talhandak, Abeibara, Tinzaouatène, dans le cercle de Tin-Essako et quasiment n’importe où quand le détecteur signale la présence de ce métal précieux, des centaines d’hommes s’affairent fiévreusement, scrutant parmi les grains de sable et de pierre des tamis, «  l’éclat jaune or  », qui leur donnera le signal de piocher, de creuser à quelques mètres de profondeur pour remplir leurs sacs de pierre, de sable, d’une terre qu’ils espèrent aurifère.

Ces orpailleurs, on les trouve autour de petites mines, des sortes de puits ou de mares, délimités sur quelques mètres carrés pour ne pas empiéter sur le voisin. Il n’y a rien à payer, il n’y a pas de monopole, cette exploitation artisanale de l’or est totalement libre. D’un point de vue islamique, les orpailleurs se doivent de payer la Zakat, une sorte de taxe religieuse destinée aux pauvres, mais loin d’être obligatoire, cette «  aumône  » n’est pas majoritairement honorée. Dans ces petits sites miniers, les orpailleurs fouillent la terre inlassablement de jour comme de nuit, à la lumière de petits groupes électrogènes. «  Sur certains sites, il y a plus d’électricité qu’à Kidal  !  » s’exclame Rhissa, un habitant de la ville, «  les gens, avec l’espoir de trouver de l’or, ils passent tout leur temps à creuser, c’est tout le temps allumé  ! Nous, à Kidal, on a un délestage par jour, en saison fraîche, du courant de 8 heures à 2 heures du matin, eux n’ont pas ce type de problème  », ajoute-t-il avec un sourire narquois.

Des conditions rudimentaires
Souvent par groupes de deux personnes ou bien quatre, voire parfois une vingtaine, les orpailleurs se relaient pour creuser, trouver un filon et faire sortir les pierres. «  Ça demande beaucoup de courage, les conditions sont rudimentaires et ce n’est pas facile, car il n’y a pas d’eau, les sites sont parfois jusqu’à 130 kilomètres de la ville de Kidal, il faut tout acheminer. À chaque fois qu’un site voit son or épuisé, on va sur une autre, ça évolue, il n’y a pas de site définitif. Ça demande patience et endurance, car les gens ne peuvent pas utiliser de la dynamite, ce n’est pas autorisé par Barkhane », précise Youssouf.

À Kidal, plus tu as de moyens pour exploiter l’or, plus tu augmentes tes chances d’accroître tes gains ; des grands leaders de la CMA ont investi, des opérateurs économiques maliens aussi, ils ont fait venir et utilisent des machines qui permettent de mécaniser l’extraction de l’or et d’augmenter considérablement leur production. Comptez par exemple environ 75 000 FCFA de l’heure pour un bulldozer qui pourra faire le boulot. Ces grands engins de terrassement, accessibles aux mineurs fortunés, ont pour la plupart été volés à Gao, Tombouctou ou Ansongo, à de grandes entreprises comme la SATOM, au début de la crise de 2012. Ils ont été ramenés à Kidal et servent depuis pour les constructions en ville ou pour l’extraction de l’or.

 Tu dois amener ce que tu trouves en périphérie de Kidal, car sur certains sites, les autorités ont interdit le traitement de l’or pour éviter que les mineurs se fassent détrousser. Si tu n’as pas ton propre véhicule, il y a des camions qui prennent l’or pour toi. Tu paies le transport et tes sacs sont acheminés vers les machines, sur les sites de concassage. Les pierres sont broyées, la poudre fine obtenue est lavée avec du mercure et de l’eau, ils mettent cette poudre dans une machine pour la faire tourner et comme l’or est lourd, ils restent en bas et les autres particules en haut. On récupère l’or comme ça. C’est comme les docus de National géographique sur l’or en Alaska à la télé  !  », s’exclame Youssouf. Ces machines qui broient les pierres font rentrer pas mal d’argent dans les poches de certains grands chefs de la CMA à qui elles appartiennent. Ils y font travailler les Soudanais, les Tchadiens et les Burkinabés, des experts dans ce secteur. «  Pour chaque sac à traiter, il faut débourser environ 10 000 FCFA, et on ramène souvent des dizaines, voire des certaines de sacs  », décrit notre jeune Kidalois.

Selon le traitement, plus l’or est purifié, plus il monte en carat, dans ce processus on perd en quantité, mais on gagne en qualité. À Niamey, Bamako, où l’or s’achète au gramme ou au kilo, on suit le cours mondial de l’or, et les carats peuvent faire monter comme diminuer les prix. «  À Bamako, ils répètent les procédés pour que l’or devienne plus pur, ensuite on pèse ton or, on te donne le poids, le carat et puis on te l’achète. Si tu as un peu plus de 23 ou 30 carats, ça peut aller dans les 30 000 fcfa le gramme. Ici à Kidal c’est les 17-18-19 carats qu’on trouve le plus, mais ils sont souvent mal évalués  », explique Youssouf.

Un business juteux entre Bamako et Dubaï
Les acheteurs viennent à Bamako, achètent plusieurs kilos de métal précieux et le transfèrent via des sociétés spécialisées jusqu’à la première ville des Émirats arabes unis, Dubai. «  Ça représente beaucoup du marché de l’or à Dubai, je peux dire que c’est même la majorité, parce que c’est produit ou ça passe par le Mali, que l’or vienne du Gabon, de Côte d’Ivoire, de Guinée et même du Kenya  », confirme M. Doucouré, homme d’affaires malien, dans le business de l’or entre les Émirats et le Mali depuis des années.

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