Le chef de l’Etat s’est montré disposé à faire le geste de bonne volonté pour que les cours puissent reprendre dans les meilleurs délais. Et sauver ainsi l’année scolaire
Le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, a reçu hier pour la deuxième fois en moins d’une semaine, les représentants des familles fondatrices de Bamako, des chefs de quartier et des leaders religieux. Cette fois-ci, les «gardiens de la Cité» et les chefs religieux étaient venus plaider la cause de l’école malienne, en crise depuis des mois suite au débrayage qu’observent les enseignants.
Spécifiquement, les médiateurs du jour ont demandé l’implication du président Keïta afin que les salaires des enseignants soient débloqués. Tour à tour, les représentants des familles fondatrices et des leaders religieux ont laissé entendre leur amertume face à cette grève qui hypothèque l’avenir de nos enfants.
Premier à prendre la parole, le notable Souleymane Niaré a invité le chef de l’Etat à s’impliquer pour que l’école sorte de cette mauvaise passe. Le même message a été repris par Mamadou Bamou Touré, qui a mis l’accent sur le risque d’une année blanche.
Et plus globalement, il a dénoncé la baisse du niveau des élèves qui ne sont plus complétifs à l’échelle sous-régionale et internationale. Une triste réalité que M. Touré impute aux mouvements de débrayages, devenus monnaie courante dans l’espace scolaire et universitaire. Alors qu’une année scolaire normale fait 850 heures, le Mali affiche au compteur une moyenne de 550 heures.
Et ce, depuis des années, a-t-il dénoncé. Par ailleurs, Mamadou Bamou Touré a rappelé que les familles fondatrices ont essayé de ramener les enseignants à de meilleurs sentiments. En vain ! Les négociations avec les grévistes ont achoppé sur le blocage des salaires.
Ainsi, le sage Touré a demandé au président de la République d’ordonner le paiement desdits salaires, afin que les enseignants reprennent le chemin de l’école. Même plaidoyer du côté de l’Eglise catholique. Le Cardinal Jean Zerbo a souhaité que le Mali s’inscrive «dans la logique de sauver l’école malienne». Pour en arriver-là, a-t-il estimé, il faut d’abord sauver cette année scolaire.
Le Cardinal a suggéré que l’Etat débloque les salaires, «puisque c’est la condition que les grévistes ont posée pour la reprise». Si la reprise intervenait, Jean Zerbo a souhaité que les cours se poursuivent jusqu’au mois de juillet pour que l’année soit complète. Et durant les vacances, que les différentes doléances présentées, dans une ambiance plus apaisée, soient étudiées pour y apporter des solutions.
«En se donnant trois mois, dans le calme, on pourra arriver à des solutions qui pourraient sauver l’école malienne et non pas seulement l’année scolaire», a-t-il expliqué, avant d’appeler les enseignants à privilégier l’intérêt de nos enfants.
Thiero Hady Thiam, au nom du Groupement des leaders religieux du Mali, a insisté sur l’importance de l’éducation pour une nation et invité les Maliens à l’union sacrée. Selon lui, chacun doit cultiver le sens de la responsabilité, de l’apaisement. «Et les leaders religieux doivent donner, dira-t-il, l’exemple à ceux qui les suivent».
Tous les intervenants ont exhorté le président de la République à maintenir la dynamique de dialogue engagé avec les forces politiques et la société civile.
En réponse, le président de la République a d’abord félicité ses invités du jour pour leur rôle de veille et leur constante disponibilité au chevet du pays. «C’est une grâce que cette habitude soit ancrée chez nous.
C’est d’ordre culturel ; chaque fois que de besoin, ceux en charge de la santé morale et sociale se meuvent et viennent à l’autorité pour des échanges toujours fructueux», s’est réjoui Ibrahim Boubacar Keïta qui a rappelé son souci par rapport à cette question scolaire. Il s’est dit conscient que cette question «ne cesse d’angoisser chaque famille, chaque parent malien».
Aujourd’hui, a indiqué le chef de l’Etat, l’éducation est devenue un fonds de commerce pour certains. Et d’autres parlent au nom des enseignants, alors qu’ils ne sont pas en réalité des enseignants. Dans la foulée, le président Keïta a déploré la posture catégorique adoptée par les grévistes.
Mais le chef de l’Etat, qui ne saurait refuser quoi que ce soit aux autorités traditionnelles et religieuses, s’est montré disposé à faire en sorte que les salaires soient débloqués. «Cela n’est pas un problème», a-t-il déclaré, «mais est-ce qu’ils vont reprendre le chemin de l’école ?»
En outre, Ibrahim Boubacar Keïta a souhaité qu’au sortir de cette rencontre, l’effet de respect et de considération, toujours de mise dans notre société, fasse son influence. Et que «nous aboutissions à une issue enfin heureuse, que les maîtres retournent à l’école pour reprendre la craie».
Selon lui, c’est l’intérêt de ce pays, de nos enfants dont l’avenir est en jeu. Tel que souhaité par ses invités, le chef de l’Etat a aussi assuré qu’il s’adressera à la nation. «Nous le ferons, nous sommes en train de nous préparer», a révélé Ibrahim Boubacar Keïta, pour qui «nul n’aurait compris que nous y allions allègrement, sans qu’aucune préparation». Le chef de l’Etat a expliqué que toutes les rencontres tenues ces derniers jours participent de la préparation de cet exercice, tant attendu.