Les huiles de vidange ou les huiles usagées sont toxiques. Plutôt que de les jeter dans la nature, il convient de les recycler, préconise Paul Théra, un expert en environnement.
« Plus que les sachets, les huiles de vidange sont dangereuses et vraiment nuisibles à la santé », déclare Paul Théra. Dangereuses, explique-t-il, vu la manière dont elles sont manipulées aujourd’hui. Après avoir vidangé les réservoirs d’huile, poursuit-il, on les jette dans la nature, soit dans la brousse, ou dans les caniveaux. « Des caniveaux, cela atterrit dans les cours d’eau. Ce qui détruit tout l’écosystème, les poissons et autres organismes vivants », regrette Paul Théra. Dans ces conditions, il faut prendre en considération les maladies que cela peut engendrer.
Selon les statistiques de l’INSAT, renseigne-t-il, le Mali compte aujourd’hui au moins trois millions de motos. Chacune d’elles est vidangée au moins une fois par mois, concède-t-il, avec un litre d’huile à moteur. Cela signifie que tous les mois, la quantité d’huile vidangée est en moyenne de trois millions de litres soit 36 millions de litres d’huile à moteur par an. « Ce qui veut dire que nos caniveaux et cours d’eau absorbent un volume équivalent et cela, sans compter des millions de litres également provenant des véhicules à quatre roues, des camions, des groupes électrogènes et autres machines qui sont vidangés », explique l’expert en environnement ; pour montrer l’ampleur du phénomène.
Selon Paul Thera, avec toute cette gamme d’engins, la quantité d’huile libérée par ce canal est très impressionnante avec ses conséquences. Mais, poursuit-il, quand les poissons ingurgitent l’eau et d’autres aliments contaminés par l’huile à moteur, on les consomme à notre tour, alors qu’ils ont ainsi du plomb dans leur organisme.
Par ailleurs, lorsque l’huile est déversée dans la brousse et que les moutons vont y brouter l’herbe, signale Paul Théra, les plantes absorbent l’huile suite à la pluie et ceux qui vont consommer la viande de ces animaux ainsi contaminés le seront à leur tour. Ils développeront à coup sûr des cancers.
Il explique que le degré de toxicité des huiles usagées est très élevé, d’autant plus qu’après usage, les huiles de vidange renferment un certain nombre de polluants issus de la dégradation des constituants d’origine des lubrifiants, mais aussi au contact des huiles avec le carburant et les gaz d’échappement. On peut y trouver, poursuit-il, du chlore provenant de certains additifs de lubrification, des métaux lourds, des composés aromatiques, des hydrocarbures polycycliques, des acides organiques, etc.
L’oxygénation de la faune et de la flore réduite
« Les huiles de vidange, d’une manière générale, sont peu biodégradables. Par conséquent, leur présence dans le milieu naturel peut causer beaucoup de dégâts, à commencer par la pollution visuelle qui est une infirme partie des impacts », explique l’expert en environnement.
Etant donné que leur densité est plus faible que l’eau, poursuit-il, un litre d’huile de vidange peut couvrir une surface importante d’eau et réduire l’oxygénation de la faune et de la flore aquatique. Aussi, faut-il ajouter que ces huiles peuvent entraîner de graves problèmes pour la santé des populations en raison, d’une part des particules émises, des substances qui s’y trouvent, et d’autre part de la contamination de la nappe phréatique.
« La présence du chlore peut entrainer la formation de gaz chlorhydrique acide, qui sera dégagé en totalité dans l’atmosphère si les fumées ne sont pas neutralisées. La teneur en composés aromatiques peut entraîner pour des températures de combustion trop faibles la formation d’hydrocarbures polycycliques aromatiques, dont le pouvoir cancérigène n’est pas des moindres.
Penser au recyclage
En Europe, lorsqu’on produit 100 litre d’huile, il faut être en mesure d’en recycler 60% et cela est systématique, renseigne l’expert en environnement. Ce n’est pas comme en Afrique, où la nuit, on peut s’amuser à la verser dans les caniveaux, déplore-t-il.
« On peut procéder au recyclage des huiles et les réutiliser soit pour des applications industrielles comme le dégraissage, le décoffrage des pièces, soit pour la préparation d’autres lubrifiants. On peut aussi procéder à la valorisation thermique grâce au pouvoir calorifique de ces huiles, qui équivaut à 90% de celui du fuel ». De plus, elles peuvent être utilisées comme combustibles de substitution en cimenterie ou dans les centres d’incinération spécialisés. On peut toutefois procéder à leur élimination directe par la combustion, mais avec beaucoup de précautions, car l’impact lié à sa combustion dans de mauvaises conditions peut également être important, prévient l’expert.
Il propose aux artisans mécaniciens et garagistes d’éviter de déverser les huiles dans les collecteurs d’eaux, dans les fossés et n’importe comment dans la nature. Ensuite qu’ils évitent de mélanger les différentes catégories d’huiles usagées et aussi éviter de mélanger les huiles avec d’autres déchets liquides. « Ils doivent donc les recueillir et les stocker dans des conditions de séparation satisfaisantes et dans des contenants non étanches. En un second temps, les huiles stockées doivent être remises à des collecteurs agréés », soutient-il.
Il faut aussi ajouter qu’outre ces artisans, pour une meilleure gestion des huiles de vidange dans notre pays et dans les conditions technologiques actuelles, il faudra adopter le principe de la gestion des huiles usées, qui sera ‘’toute société importatrice ou distributrice d’huile à moteur doit reprendre les huiles usagées qui en résultent pour en assurer le recyclage ou l’élimination dans des conditions environnementales requises, imposées par l’autorité compétente.’’?