La cherté du ciment a énormément impacté sur maints domaines. Nous avons rencontré quelques travailleurs dans différents secteurs d’activités, tous liés au ciment, tous déplorent cette situation qui devient alarmante puisque toutes les activités sont aux arrêts.
Misère, souffrance, désespoir sont le sort des travailleurs du secteur ciment au Mali. Depuis la semaine dernière, nous avons appris de la diminution de la quantité d’importation du ciment sénégalais au Mali. Chose qui a répercuté sur tous les autres secteurs qui doivent leur fonctionnement au ciment, notamment les quincailleries, les maçons, les exploiteurs de sable, les propriétaires de pirogues, les chauffeurs de camion benne, les vendeurs de fer, les soudeurs voire les vendeurs. La chaine est longue.
D’habitude, le bord du fleuve Niger de Kabala se caractérise par son ambiance festive grâce aux bruits des camions-bennes mêlés à ceux des travailleurs, des moteurs des pirogues ainsi que des vendeurs. Mais ce samedi 27 avril 2019, on ne constatait qu’une atmosphère morne avec quelques va-et-vient d’individus venus s’imprégner de l’évolution de la situation ainsi que des propriétaires de pirogues venus pour veiller sur leur sable étendu à perte de vue. Assis sous son hangar au bord du fleuve Niger devant une immense étendue de sable, Yaya Cissé, propriétaire de pirogue, nous explique toutes les difficultés que les travailleurs traversent à cause de cette cherté de ciment. À ses dires, ils ne travaillent maintenant que trois jours alors que jadis c’était 7 jours. Malgré cette réduction du jour de travail, il n’y a pas de marché. Le drame est qu’ils ne connaissent même pas la cause de cette cherté du ciment. En conséquence, le chargement qui se vendait à 45 000 FCFA est vendu aujourd’hui à 30 000 ou 35 000 FCFA. Une somme qui ne peut même pas couvrir les dépenses d’exploitation.
À son côté, Daouda Kanté, également propriétaire de pirogues, prend la parole pour expliquer comment ils ont été chassés de leur premier site pour l’installation du château d’eau de Kabala sous la condition expresse d’une aide, mais jusque-là aucune aide. « Nous ne nous reconnaissons même pas comme des travailleurs maliens », déplore-t-il. M. Kanté demande alors aux autorités qu’elles donnent à chaque citoyen son droit pour ne pas créer une autre situation dramatique dans ce pays.
Mamadou Traoré, président de l’ensemble des propriétaires de pirogues de la rive de Kabala, précise que les autorités avaient promis une aide de 20 millions de FCFA comme condition de leur déguerpissement pour l’installation du château d’eau de Kabala. Il déplore que cette promesse ne soit pas tenue jusque-là.
Du côté des « laptons » (déchargeurs de pirogues, chargeurs de bennes et des pirogues), c’est le grand vide, le désespoir. Marchant à pas lent, pensif, Malamine a perdu tout espoir. Il vient d’arriver sur la rive pour s’imprégner de l’évolution de la crise. « Si nous avions aujourd’hui un autre moyen, nous allions abandonner ce travail », déplore-t-il. À l’en croire, il n’y a plus rien à faire ici comme activité. Il n’est pas le seul, Ousmane Tamboura, également travailleur de sable au bord du fleuve, est assis chez lui. Il vient de contacter son équipe qui lui confirme qu’il n’y a aucune activité. « Pendant toute la semaine, je n’ai travaillé qu’une seule foi ». Il lance alors un appel aux autorités maliennes afin qu’elles trouvent une solution rapide à cette situation.
Au bord du fleuve, les travailleurs du sable ne sont pas les seuls à subir cette situation. Dans ce milieu, les vendeuses expriment également leurs désespoirs. De passage, nous attendions certaines dire : « Il n’y a plus de marché » ou encore, « mes clients prennent toutes mes marchandises en crédit. »
Cette question du ciment frappe plusieurs chaînes sociales liées toutes au ciment. C’est pourquoi les cris des maçons se font également entendre. Ça fait près d’une semaine que Daouda, maçon, se retrouve sans travail bien vrai qu’il ait plusieurs chantiers en prévision. « Beaucoup de mes collègues maçons me contactent pour le travail alors que moi-même je ne travaille pas », explique-t-il.
Du côté des quincailleries également, le ton monte. Les vendeurs reçoivent moins de clients. M. Samaké, propriétaire de quincaillerie Laye Samaké et frères à Kabala, nous précise qu’il reçoit la tonne de ciment du Mali à 110 000 FCFA pour la vendre à 120 000 FCFA. Comme cause de la cherté, il explique : « Au Sénégal, on est en train de construire des logements sociaux comme ceux existants au Mali. Ce qui explique la faible quantité d’importation de ciment. » À l’en croire, néanmoins la cherté du ciment n’est pas liée au Sénégal, mais aux commerçants maliens qui reçoivent le ciment au même prix qu’avant la crise, mais se plaisent d’augmenter eux-mêmes les prix.
Les simples citoyens ont également leur mot à dire face à cette situation. Assis dans la quincaillerie Laye Samaké et frères, venu sûrement pour discuter, Ba Samaké invite les autorités maliennes à savoir profiter de cette occasion afin que le ciment malien supplante celui du Sénégal.
Rappelons que cette situation a des répercussions qui vont au-delà des travailleurs mentionnés. Les vendeurs de fer avec eux les ferrailleurs, les soudeurs, les chauffeurs de bennes, les négociateurs des marchés du sable, etc. ; observent tous des problèmes dans leurs activités. Cela reste de même pour ceux qui sont en pleine construction de maison.