L’école en Afrique est en crise ! C’est le moins qu’on puisse dire. Année invalidée par-ci, année blanche par-là, année facultative ailleurs, année laborieusement sauvée…, voilà le constat général qu’on peut faire depuis quelques années de la vie scolaire en Afrique. Le Mali n’est évidemment pas en reste, lui qui, depuis des lustres, n’a quasiment pas connu une année scolaire normale, c’est-à-dire calme, studieuse, académiquement validée sans qu’il y ait besoin d’un quelconque réaménagement de programmes en cours d’année.
Au point que certains pensent que le gouvernement est passé maître dans l’art de sauver l’année, tout en se montrant incapable de sauver l’école, c’est-à-dire de trouver une solution durable à la crise qui la secoue depuis une décennie.
C’est dire que la crise scolaire est endémique au Mali et qu’elle est devenue une préoccupation majeure de la société. Certains ont un peu trop rapidement mis sur le compte exclusif du laxisme étatique la persistance de la crise scolaire. D’autres ont même pointé du doigt la transition en cours vers la démocratie, qui ferait le lit des violences estudiantines et de l’incivisme en général. Après l’avènement du multipartisme et de la démocratie, l’on pouvait s’attendre à des rapports plus apaisés entre les nouvelles autorités et l’AEEM. D’autre part, l’État n’a jamais donné l’impression de posséder une capacité.
D’un autre côté, l’étouffement des libertés publiques est de plus en plus ouvertement pris d’assaut par divers secteurs de la société (syndicats, société civile, milieux politiques). L’on pouvait penser aussi que l’AEEM, en plus des revendications purement matérielles, aurait à se tourner vers la formation civique de ses membres et à se préoccuper du bon fonctionnement de l’école malienne. Mais au lieu de cela, la crise perdure et s’incruste dans le paysage social malien.
L’école, en raison des programmes inadaptés et des conditions matérielles d’étude, est inapte à satisfaire les conditions d’une insertion socioprofessionnelle rapide des jeunes diplômés. On n’a pas manqué toutes ces dernières années de reprocher à l’Etat son manque non seulement d’imagination, mais de fermeté pour gérer la crise. Cependant il ne serait pas exact de rechercher les racines de la crise scolaire dans les manipulations politiciennes et de croire qu’il suffirait de bouter la politique en dehors de l’école pour guérir celle-ci de ses maux. Simplement il serait souhaitable, comme le dit Moussa Bala Diakité (ancien dirigeant, membre fondateur de l’AEEM), que l’AEEM comprenne que « sa place se trouve dans la société civile et nulle part ailleurs ».
La situation historique qui a permis à l’AEEM de jouer le rôle qui a été le sien en mars 1991, était une période particulière qui ne peut demeurer permanente. Aussi constate-t-on la propagation parmi les jeunes élèves et étudiants d’une mentalité de parvenus. Tout s’achète, tout se marchande, tout s’obtient illicitement. Il n’y a plus de normes académiques ni de règles morales qui vaillent : seul l’intérêt personnel compte.
Comme les « subventions » accordées ne sont pas gérées dans la transparence, les appétits des uns et des autres contribuent à susciter l’émergence de clans dont les revendications divergentes alimentent l’agitation scolaire. Ceci contribue à discréditer les dirigeants AEEM qui pensent pouvoir sauver la face à travers des revendications et des prises de position extrêmes (le tout ou rien).
Enfin, de telles pratiques dénigrent les autorités scolaires (le pouvoir), dont le comportement s’apparente à la corruption. Ce comportement expose les autorités au chantage de ceux qu’elles voudraient « amadouer » ainsi qu’à la désapprobation de tous les autres partenaires de l’école (surtout si ceux-ci ne bénéficient pas de la même attention). Au lieu de consolider l’autorité de l’Etat, celle-ci s’en trouve sapée.
Bref, ceci ne contribue pas à démocratiser l’AEEM et par conséquent crée les conditions d’une prise en otage de l’école par une minorité active dévoyée par l’appât du gain facile.
Il faudra cependant d’identifier le potentiel de mobilisation des ressources internes afin que l’effort national contribue dans une plus large mesure, à la résolution des problèmes de l’école.