Une des sagesses de notre culture dite : « ni ko ma kè, ko tè don » ! En d’autres termes, c’est dans des situations particulières qu’on connaît la véritable nature des gens. Celle qui a précédé et surtout celle qui a marqué la démission de SBM renseignent éloquemment sur l’affligeante nature de l’Opposition malienne, en tout cas, lève un coin du voile sur ce qu’elle est réellement.
Après s’être égaré quatre mois durant dans le déni et dans une comedia del arte de contestation du résultat des urnes et proclamé urbi et orbi ne jamais reconnaître la légitimité du président élu, l’opposition à bout de souffle accepte de prendre langue avec le régime avant de s’engager sous la bannière des mollahs tels des moudjahidines.
C’est exprimant donc toute sa gratitude à ces leaders que SBM a eu le tort de qualifier d’hydrides, l’opposition jubile et exige un partage du pouvoir. Reçue par le chef de l’État pour discuter d’une part, de la situation socio-politique du pays, et d’autre part de la constitution d’un gouvernement de large ouverture, elle se plaint de n’avoir « été ni associé ni consulté » par le président de la République « de son choix ni du profil de celui qu’il entendait nommer comme Premier ministre ».
Un surmenage, dû à la pression des cadres d’être enfin associé au partage de gâteau ? Sinon, comment une opposition sérieuse peut-elle prétendre être consultée et associée à la mise en œuvre d’une prérogative constitutionnelle (article 38) strictement présidentielle ?
Quel leurre, dit le dicton que s’écrire une lettre à soi-même ?
Se croyant dans une posture renforcée de cohabitation, le chef de file de l’Opposition désormais alimentaire, pour garantir sa part de gâteau veut contraindre, embrigader et neutraliser le président de la République. Aussi, « l’URD estime que si nous voulons parvenir à un résultat satisfaisant au bénéfice de notre peuple, il est important non seulement de garder l’esprit de notre document, mais aussi, et surtout de le rendre beaucoup plus contraignant pour éviter toute surprise désagréable. À ce stade du processus, nous ne devons jamais accepter de perdre nos atouts et les acquis obtenus grâce aux efforts de tous. Toute participation à un gouvernement en dehors d’un accord et d’une feuille de route solides et contraignants préservant nos acquis trahirait toutes nos convictions antérieures largement partagées. »
D’accord politique, il ne s’agit en fait d’édiles royaux dignes du temps de Biton qu’une partie de l’opposition, à l’exclusion du reste de la classe politique, veut en imposer au Chef de l’État pour ses appétits uniquement alimentaires. Parce qu’il n’est signé que de ceux qui veulent le partage de gâteau (FSD et COFOP). Pardon, qui veulent le beure et l’argent du beure.
Enfin, les quatre premiers points de cet accord qui en disent long sur le patriotisme alimentaire de ses auteurs et tout l’intérêt qu’ils portent aux attentes légitimes des populations. Que veulent-ils prioritairement, à travers leur fameux accord politique ?
Point ne s’agit de résoudre illico presto les problèmes auxquels les Maliens sont confrontés ni même prendre en charge leurs attentes légitimes. Pour cette opposition-là, « le partage de responsabilités devrait permettre à toutes les sensibilités significatives de notre société de réaliser l’union sacrée et d’endosser collectivement la difficile gestion de sortie de la crise multidimensionnelle que traverse le Mali. Le choix judicieux des hommes capables d’assumer ces missions est la condition sine qua non du succès : « Nous osons espérer que notre regroupement commun, composé d’hommes et des femmes de grande qualité, œuvrera pour nous éviter de migrer de notre idéal de sauvegarde de la démocratie vers le soutien suicidaire à un Gouvernement formé sur la base d’un rapport de confiance quasi inexistant. »
Zigzaguant et soufflant le chaud et le froid, l’Opposition abat enfin ses cartes. Mais le glissement est désormais saisissant. Ceux qui avaient juré de ne jamais reconnaître la légitimité du président élu, le saisissent officiellement, par un honteux accord : « A Monsieur le Président de la République ».
N’étant plus à une contradiction près, ceux qui disent refuser, il y a seulement quelques heures, d’apporter un « soutien suicidaire à un Gouvernement formé sur la base d’un rapport de confiance quasi inexistant » sont devenus des patriotes visiblement alimentaires. Patriotes alimentaires qui proposent de faire tabula rasa de la Constitution, la présidentielle 2018 et de toutes les élections jusqu’à l’existence des partis politiques pour que eux seuls et le président IBK, conviennent par cet accord scélérat de :
« 1- Définir le profil et identifier ensemble un Premier ministre, Chef de Gouvernement à même de faire face aux défis du moment ;
2- Avoir des échanges approfondis sur la structure du gouvernement et les profils des ministres qui doivent avoir des compétences avérées et une éthique reconnue ;
3- déterminer ensemble les quotas de ministres de la majorité, de l’opposition et de la société civile ;
4- définir le rang protocolaire des membres du gouvernement. ETC. »
En clair, on n’est pas d’accord avec le choix opéré par le Chef de l’État. Puisque partage de responsabilité est égal à partage du pouvoir qui veut dire plus que la cohabitation cogestion de la République, la nomination de Boubou Cissé est nulle et non avenue. On doit s’asseoir et décider ensemble d’un Premier ministre de consensus, capable « de faire face aux défis du moment ». Pour le gouvernement pareil, on doit tout revoir, tout décider ensemble, poste par poste, en termes de quotas et de préséance !
Proudhon avait prédit «la république est une anarchie positive ». Tout de même !
Le président IBK a beau été un homme d’État tolérant et ouvert, va-t-il cependant accepté qu’on laisse la main tendue pour qu’on lui arrache l’épaule ? En d’autres termes, le souci de l’inclusivité et d’associer tout le monde à la gestion du pays ne va pas surement le conduire à remettre en cause sa légitimité d’élu du peuple et ses prérogatives constitutionnelles pour satisfaire la famine d’une opposition alimentaire qui ne prône par cet accord qu’un vide constitutionnel à combler.
Si par malheureuse, même s’il faut écarter cette hypothèse, IBK offre à l’opposition pourquoi le reste de la nation malienne (la majorité, les oppositions incarnées par les anciens Premiers ministres Cheick Modibo Diarra, Modibo Sidibé, Moussa Mara, l’homme d’affaires Alou B Diallo, les partis centristes, la société civile, les groupes armés, les religieux, les notabilités…) va-t-elle s’enrôler dans le délire alimentaire de cette opposition-là ?
Soyons prospectifs. Soyons dans notre histoire et à la hauteur des défis que notre Nation a à relever. Ne prenons pas les enfants du Bon Dieu comme des canards sauvages, les Maliens comme des benêts. Même ceux qui les portent savent que cet accord politique n’est ni crédible ni acceptable. Il ne peut avoir été conçu que pour donner ou un vernis refus de l’opposition d’entrer dans le gouvernement soit blanchir une forfaiture démocratique avec l’entrée de l’opposition dans l’équipe Boubou Cissé. Alors qu’on ne tente pas de noyer le poisson.