« La démocratie ouvre la porte à la liberté qui débouche sur la revendication. Une fois recouvré leur dignité, les hommes ne supportent plus l’insupportable. Démocratiser sans développer, c’est allumer une poudrière » (Emile Fottorino).
Pour rappel, le vent dit de la démocratie a soufflé sur notre continent à compter du sommet de la Baule (France) qui avait réuni autour du président français François Mitterrand la quasi-totalité des chefs d’Etat et de gouvernement d’Afrique. C’était en juin 1990. C’était l’occasion pour le président français de dire aux gouvernants africains de balayer devant leurs portes, conditionnant du coup l’aide française aux Etats africains à l’instauration des régimes ‘’démocratiques’’. En son temps, le président du Mali, le général Moussa Traoré avait dit que la « démocratie n’est pas une camisole de force ». Comme pour dire que la construction de la démocratie doit nécessairement tenir compte des réalités propres à chaque pays. Ce fut un cheveu dans la soupe de la démocratie française. Mais le général Traoré, tout en disant une vérité indiscutable, a oublié que c’est la même France qui l’avait soutenu en 1968 pour renverser le président nationaliste du Mali, Modibo Keïta. Son forfait historique du 19 novembre de cette année fut une haute trahison à l’encontre de notre peuple travailleur qui se battait de façon historique contre le diktat du colonialisme français. C’est donc dire que la vérité de Moussa a fini de dévoiler à la face du monde qu’il n’avait que faire du mieux-être socio-économique et culturel du Mali. Le président Moussa Traoré défendait la cause de son parti unique l’Union Démocratique du Peuple Malien(UDPM). La suite de sa déclaration à la Baule n’a échappé à personne : un « mouvement démocratique » soutenu par les gouvernants français est venu à bout du général : c’était le 26 mars 1991. Un procès pour amuser la galerie a été intenté contre le général déchu. Dès la nuit de la chute de Moussa Traoré, le ‘’mouvement démocratique’’ a posé son premier acte de haute trahison contre les martyrs des événements de mars 1991 à savoir l’abandon sans scrupule du cri de cœur de notre peuple qui était « le kokadjè ». Ce cri de cœur était la seule solution pour débarrasser à jamais le Mali des gens pourris qui nourrissaient leurs familles de gauche comme de droite du sang de ce peuple travailleur. Les graines de la déconfiture économique de notre pays, semées par l’apache régime de Moussa Traoré, ont été parfaitement entretenues, arrosées par ces autres ennemis du peuple tapis aux différents rouages de la « démocratie » calquée sur celle de la France. Les fruits de cette semence nauséabonde sont aujourd’hui, entre autres, la corruption, la délinquance financière, la vente sans vergogne des terres de notre peuple travailleur à des clients sans foi ni loi. Aujourd’hui, le constat est cuisant : la démocratie à la malienne est tout simplement « une démocratie » électoraliste où on observe une combinaison sans honte de choux et de salade, de lait et de pétrole. Bref, un mélange hétéroclite a été réalisé par les ‘’démocrates maliens’’ qui ne se sont jamais demandé où est leur devoir mais de quel côté ils peuvent mieux vivre.
De 1991 à nos jours, nous assistons, hélas, à la désagrégation de toutes les valeurs fondamentales semées par le président Modibo Keïta. Ainsi :
Alpha Oumar Konaré a travaillé durant dix longues années à la phagocytose de notre école et de notre système de défense. Il a ainsi sympathisé avec le diable pour fonder les bases de la sape de notre défense et de l’école malienne et cela, parait-il, au nom de la liberté. Benjamin Franklin avait pourtant averti en ces termes : « Un peuple qui cède une portion de sa liberté pour sa sécurité, ne trouvera ni l’une, ni l’autre. Il perdra les deux. On n’abandonne pas une partie de la liberté pour la sécurité : la sécurité est partie intégrante de la liberté. »
La liberté tant réclamée par le peuple malien a été foulée au pied par le régime affairiste d’Alpha Oumar Konaré.
Pour continuer son travail de sape de notre dignité d’homme, Alpha a passé la main au régime conteur d’Amadou Toumani Touré (ATT). Si Alpha a forgé vingt-un (21) milliardaires, ATT en a fait quarante deux (42). Pendant neuf ans, le peuple malien a vécu les affres d’un général à qui nos enfants avaient dit et répété: « ATT an bè sa i nofê ». C’était là une grosse bêtise, comme sa gestion calamiteuse l’a prouvé à suffisance. Pour achever sa haute trahison de la cause des martyrs, ATT a laissé les rebelles de tous bords s’installer confortablement sur le territoire malien avec armes et bagages contre la Constitution du Mali qui ne permet à personne de porter la moindre arme sans autorisation de notre juridiction. ATT a permis aux djihadistes d’occuper la terre de nos ancêtres (Tombouctou, Gao et Kidal ont échappé dans les faits à l’Etat malien), transformant le septentrion malien en un « no man’s land » véritable. ATT a été chassé du trône par des jeunes militaires immatures. La suite est ineffable : un président illégitime (en l’occurrence Dioncounda Traoré) de transition a fait appel à la France coloniale pour humilier davantage notre peuple laborieux.
Pendant tout ce temps, les politiciens maliens ont tenté de soigner la plaie sur du pus. Aujourd’hui, l’échec de la gouvernance « démocratique » est sans appel.
Ajoutant un mal à un autre, les « démocrates maliens » ont, par souci électoraliste, abandonné le terrain politique aux religieux pour gérer la chose politique. Quelle aberration ! Le Premier ministre sortant Soumeylou Boubèye Maïga (le 5e Premier ministre d’IBK) a subi le revers de la médaille. Le sixième est déjà à l’œuvre : Boubou Cissé a fait une semaine après sa nomination sans édifier le peuple travailleur sur son équipe gouvernementale. Ce qu’il faut déjà dire, c’est que le Premier ministre Boubou Cissé ne peut mieux faire que ses prédécesseurs à moins d’une surprise agréable, une surprise très peu probable au regard de l’échec sur toute la ligne de la gouvernance démocratique. Mais la dialectique nous enseigne que la roue de l’histoire ne s’arrête pas et que c’est de la pourriture que naît la vie.
La question de l’avenir ne réside nullement dans les changements permanents de ministres. L’écrivain Nicolas Machiavel avait dit : « L’histoire est un guide qu’il faut suivre. »
La seule question qui vaille aujourd’hui, au regard de l’échec cuisant de la gouvernance démocratique, est et demeure : que faire pour sauver le Mali ?
Il faut se rendre à l’évidence que les colmatages politiciens ont atteint leurs limites objectives. Il est urgent de redonner la parole aux masses laborieuses pour repenser l’avenir du Mali. Les concertations nationales (jadis refusées par ceux qui ne pensent qu’à eux-mêmes et leurs familles nucléaires) sont aujourd’hui le moyen approprié pour sortir le Mali de la merde dans laquelle les « démocrates » véreux l’ont plongé. Mais concertations pour concertations, ne feront pas mieux pour notre peuple victime des affres de la gestion calamiteuse de ses affaires. Les concertations qu’il faut aujourd’hui pour notre pays sont celles qui vont fouiller de fond en comble sur la corruption, les enrichissements illicites, les surfacturations, tout en se fondant sur les signes extérieurs de richesse. Cette mise à plat de la corruption et de la délinquance financière permettra (si elle est entreprise par des hommes crédibles et non trempés dans les combines affairistes de la démocratie à la malienne) de redresser l’économie nationale longtemps avilie par les contrefaçons décriées contre le général Moussa Traoré. A cet effet, rappelons ce passage du père de la nation de la République populaire et démocratique de Corée, en l’occurrence, Kim Il Sung : « Pour édifier un Etat démocratique et indépendant, une nation ne doit pas manquer d’implanter fermement les fondations d’une économie indépendante, et pour ce faire, elle doit développer rapidement son économie. Sans les fondements d’une économie indépendante, nous ne pourrons ni acquérir l’indépendance, ni édifier notre Etat, ni vivre. »
Par le biais des concertations nationales, les Maliens se débarrasseront enfin (tout au moins nous l’espérons) de ces hommes et de ces femmes qui se sont servis et qui se servent toujours de la sueur de ce peuple travailleur pour se faire des fortunes mal acquises logées dans des institutions financières nationales et internationales. Nul doute aujourd’hui que le Mali est en crise de ressources humaines au sens élevé de la patrie, de l’honneur et de la dignité nationale.
Tout compte fait, le changement devient de plus en plus un impératif catégorique si l’on veut sauver le Mali. Mamadou Konaté nous enseignait avec conviction profonde que : « Lorsque la cause est juste, la foi, le courage, la détermination ne peuvent pas échouer. » Les Maliens doivent se ressaisir pour éviter à notre pays des lendemains difficiles. En tout cas, Emile Fottorino avait déjà averti en ces termes : « La démocratie ouvre la porte à la liberté qui débouche sur la revendication. Une fois recouvré leur dignité, les hommes ne supportent plus l’insupportable. Démocratiser sans développer, c’est allumer une poudrière. »
Dieu est avec le peuple malien !
Fodé KEITA