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Mamadou SINSY-TAPILY-Recotrade: Quand la lutte contre la corruption se noie dans la médiation sociale
Publié le jeudi 9 mai 2019  |  Le Matin
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© aBamako.com par Momo
Forum économique du Sommet Afrique France
Bamako, le 13 janvier 2017 En prélude a la rencontre des Chefs d`Etat du 14 janvier, le Forum économique a eu lieu entre le MEDEF et les 25 patronats africains a l`hotel SALAM
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En accusant ouvertement le président de la Cour suprême d’être le cadre le plus corrompu de la République, le président du Conseil nationale du patronat du Mali (CNPM) avait affiché la ferme volonté de secouer vigoureusement le cocotier de la corruption au Mali. Et surpris par son «audace», les Maliens avaient sonné la mobilisation pour le soutenir dans ce combat de survie de la nation. C’est pourquoi la déception fut énorme quand ils ont appris le 2 mai 2019 que Mamadou Sinsy Coulibaly et Nouhoum Tapily avaient fait la paix grâce à la médiation du Réseau des Communicateurs Traditionnels pour le Développement (RECOTRADE). Le magistrat avait donc retiré sa plainte contre le Patron des patrons renvoyant la lutte contre la corruption au chapitre des farces républicaines.





Dans cette comédie, il est facile pour Nouhoum Tapily de retirer sa plainte que de soigner son image, donc sauver son image. Tout comme Mamadou Sinsy risque de perdre toute crédibilité (déjà sérieusement entachée par le gentleman agreement négocié) par les communicateurs traditionnels) s’il devait revenir sur son accusation et présenter ses excuses au président de la Cour suprême.

La réconciliation avec ce dernier est déjà perçue comme une trahison à l’égard du peuple qui voyait ainsi une prometteuse lueur d’espoir pour combattre la corruption dans le pays. Le courage du Patron des patrons maliens a surpris plus d’un parce qu’il n’est pas fréquent que, même au sommet de l’Etat ou de la hiérarchie socioéconomique, qu’on s’attaque à un magistrat, et de surcroit à l’élite de la magistrature. Un incroyable toupet qui avait séduit les Maliens. En témoigne la forte mobilisation pour empêcher Mamadou Sinsy Coulibaly de répondre à la convocation du juge pour outrage à Magistrat.

Devait-il alors accepter une quelconque médiation du Recotrade alors que le peuple lui avait presqu’entièrement manifesté son soutien comme à un Donzo Karamoko (Grand maître chasseur) pour le débarrasser de l’hydre de la corruption ? La réponse est négative pour la majorité. Et d’ailleurs, ses porte-paroles disent qu’il est toujours dans sa logique et qu’il a juste pris acte du retrait de la plainte de Tapily contre lui pour outrage à magistrat. Autrement le combat se poursuivra et nous devons en savoir avec la conférence de presse annoncée par les proches de Mamadou Sinsy Coulibaly.

Et de toutes les manières, de quoi se mêlent les communicateurs traditionnels s’ils ne sont pas capables de dénoncer à visage découvert toutes ses fortunes miraculeusement acquises et qui, certainement, sont aussi autant de mains qui les nourrissent ? De l’avis de beaucoup d’interlocuteurs, cette intervention est une médiation de trop de la part de cette organisation au rôle crucial, mais bien précis. Le Recotrade a donc outrepassé la médiation sociale pour se positionner comme l’ultime recours des corrompus afin de sauver la face et non l’honneur une fois confondu par leurs victimes.

La médiation sociale est un pan important de la culture malienne confié aux griots, aux notabilités aux leaders religieux. Ceux-ci sont ainsi intervenus pour empêcher que certaines situations ne s’enveniment pour polluer l’atmosphère sociopolitique. Ils ont réussi à débloquer des situations visiblement compromises en réunissant les protagonistes (Etats et syndicats, acteurs politiques…) à reprendre langue autour de la table de négociation. Tout comme ils ont réussi à éviter des affrontements en rappelant aux intéressés qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu’on bon procès.



Un crime aux conséquences tragiques pour les populations

Et s’il y un terrain où les Maliens attendent beaucoup du Recotrade, c’est de s’investir à recoudre le tissu social gravement mis à mal au Nord et au centre du Mali. Des régions où «leur contribution est sollicitée et nécessaire pour le retour à la normalité et au vivre ensemble des communautés dans la paix et dans la cohésion sociale…».

Mais, comme le dit un jeune leader, «cette culture du pardon doit être bannie en ce qui concerne la corruption». La corruption est un horrible crime. Et quand cela atteint un certain niveau, un cadre corrompu est pire qu’un tueur en série parce qu’on ne pourra jamais dénombrer. La corruption est le fléau qui affecte tous les secteurs vitaux devenant du coup une sérieuse hypothèque au développement socioéconomique du pays.

Combien de produit impropres entrent sur le sol malien et sont vendus à cause de la corruption de la chaîne de contrôle ? Combien de projets de réalisation de centres de santé, d’écoles, d’adduction d’eau, de pistes ou de routes sont restés des illusions à cause de ce mal ? Combien de milliards le Trésor public est privé par les multinationales et les opérateurs économiques privés du pays à cause de ce fléau…

Peut-on imaginer le nombre de personnes qui perdent la vie par an à cause du dysfonctionnement d’un système de contrôle, de la mauvaise qualité des réalisations faites à des prix d’or, par manque d’infrastructures financées mais jamais construites ou mal équipées…? Combien de jeunes maliens gisent aujourd’hui au fond de la Méditerranée à cause du désespoir lié en partie aux conséquences de la corruption ? Selon la Banque africaine du développement (BAD), la corruption représente en Afrique une perte annuelle de 148 milliards de dollars, soit 25 % du PIB du continent.

Les communicateurs traditionnels auraient dû penser à toutes ces conséquences et à toutes ces victimes innocentes avant d’intervenir dans ce bras de fer entre Tapily et le peuple malien défendu par Mamadou Sinsy Coulibaly. A défaut de dénoncer les corrompus (manque de courage ou de preuves), le Recotrade aurait fait œuvre utile en montant un Kotéba pour sensibiliser et dénoncer ce fléau à travers ses manifestations et ses conséquences tragiques pour un pays dont la pauvreté est en partie liée à la corruption et à la délinquance financière !

Alors que Mamadou Sinsy Coulibaly ne se croit pas tenu par cet accord négocié par les «Reco-tradeurs» parce qu’il va à l’encontre de l’intérêt supérieur de la nation. Qu’il aille au bout en confirmant non seulement ses accusations contre le président de la Cour suprême (avec de nouvelles preuves), mais aussi et surtout en publiant sa liste des fonctionnaires les plus corrompus. Alors les Maliens feront le reste ! Quitte à demander aux centrales syndicales de décréter une grève illimitée pour contraindre l’Etat et la justice à prendre leur responsabilité.

Dan Fondio
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