Bilan 16 morts, 300 ménages sinistrés ainsi que d’importants dégâts matériels enregistrés ce jeudi 16 mai 2019 suite à la forte pluie qui s’est abattue sur la ville aux “trois caïmans”, annonçant du coût le début de l’hivernage. Qu’est-ce qui peut bien expliquer un tel bilan ?
Comme l’a si bien évoqué le célèbre savant Albert Einstein, «la folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent», nous pouvons dire que ce que nous subissons dans ce pays, c’est d’abord les conséquences de nos inconséquences. Le jour où nous allons réaliser que notre salut ne viendra que de nos choix, ce jour coïncidera avec la fin de notre calvaire. La sagesse bamanan ne nous enseigne-t-elle pas qu’on ne peut pas raser la tête de quelqu’un en son absence ? Cette même sagesse ne nous dit-elle pas que l’homme ne vaut que par la raison ?
Bamako, la capitale du Mali, connaît une expansion fulgurante depuis plus de trois décennies. Avec désormais plus de trois millions d’habitants vivant sur les deux rives du fleuve Djoliba, contre moins de 800 mille à la veille de l’avènement de la troisième république dans les années 1990, c’est l’une des croissances africaines les plus spectaculaires à ce niveau-là de population. Les infrastructures d’accueil de toute cette population dans la capitale ont-elles été améliorées pour la circonstance ?
À Bamako, l’État a été responsable du lotissement de près de 70% de 1976 à 1983. Durant cette dernière période, la contribution du secteur privé légal aura été d’environ 10% alors que le « lotissement privé clandestin » à la base de l’habitat spontané a offert près de 90% de l’ensemble des nouveaux terrains. La production de logements repose donc de plus en plus sur les initiatives de ménages eux-mêmes, en marge des interventions de l’État et des sociétés privées agréés par les autorités administratives compétentes. Si les parcelles à usage d’habitation ont été acquises dans la clandestinité est-ce qu’on doit être surpris que les constructions effectuées sur lesdites parcelles ne puissent répondre aux normes techniques des services en charge du cadastre et de l’urbanisation ?
Ce phénomène s’observe également dans d’autres secteurs de l’économie malienne. Le secteur de l’emploi informel, par exemple, aurait pris, au Mali, une dimension rarement égalée dans d’autres pays. Une enquête de 1989 ayant permis d’établir que 78% des emplois urbains se trouveraient dans ledit secteur. Aujourd’hui, quel est le pourcentage des emplois informels ?
D’une analyse de 1995, il ressort qu’en 1993, 63% de la superficie totale de Bamako sont occupés par des quartiers non-viabilisés, 17% par des quartiers récents mixtes. L’ensemble de ces quartiers abrite déjà 51% de la population bamakoise. Que disent les mêmes statistiques après vingt ans ? Certainement que les données ont doublées voire triplées. Imaginez un instant que les fortes pluies des années écoulées s’abattent sur Bamako aujourd’hui. Nous allons oublier tout de suite le massacre d’Ogossagou et d’Aguelhok. Savez-vous que malgré son appartenance à la zone soudanienne, Bamako a enregistré 1499,5 mm de pluie en 1967 ?
Il semble de plus en plus évident que l’incivisme et la corruption font plus de victimes par an au Mali que les groupes armés terroristes.
La collecte et l’évacuation des déchets constituent un autre défi de taille pour les populations, les services techniques en charge de l’assainissement et les conseils communaux du district de Bamako. Parmi les diverses catégories de déchets produits à Bamako, on peut noter les déchets hospitaliers, les huiles usées, les déchets de ferraille, les déchets d’origine industrielle et les ordures ménagères, la dernière est la plus importante.
Les structures communales et étatiques en charge de l’assainissement disposent de plus d’une centaine de dépotoirs reconnus mais très mal organisés, destinés à recevoir les produits de pré-collecte de déchets amenés par les GIE (Groupement d’intérêt économique). Ces déchets ne sont que très rarement acheminés parce qu’ils sont déversés dans les caniveaux d’évacuation des eaux, dans les dépressions naturelles et dans les anciennes carrières à proximité des lieux de ramassage. Et dire dans ces conditions qu’une entreprise privée étrangère de ramassage d’ordures a signé un contrat de neuf milliards de FCFA par an avec l’État malien. Quel gâchis ! Bamako ne sera une ville propre et coquette que quand les Bamakois prendront conscience que « balayer c’est bon, mais ne pas salir c’est encore mieux ».
Le même A. Einstein ne disait-il pas que « le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire ». Si les populations que nous-sommes croisent les bras, les autorités administratives et communales continueront eux aussi à ne rien faire pour assainir notre cadre de vie. Le maire de la commune de Bangangté, la plus propre de la région de l’Ouest du Cameroun, n’organise-t-il pas chaque année dans sa commune le concours du quartier le plus propre ? De telles initiatives ne sont-elles pas à la portée des maires de chacune des six communes du district de Bamako ?
En conclusion, la caractéristique fondamentale qu’on peut retenir de la plus grande ville du Mali est sa croissance très rapide, ce qui fait apparaître des problèmes majeurs, notamment liés au facteur humain, organisationnel et de conditions d’existence aux dimensions difficiles à maîtriser, mais pas impossible à gérer. Il suffit tout simplement que chaque citoyen malien se dise que “trop c’est trop” et que “ça ne peut plus continuer comme ça”.
En attendant notre réveil, les intempéries et autres accidents sur la voie publique continueront à faire le ménage et à endeuiller nos foyers.