Il n’est que 6h30 du matin et pourtant la chaleur est déjà étouffante. Les dingos, les véhicules blindés de plusieurs tonnes dans lesquels les militaires belges se déplacent, soulèvent une quantité impressionnante de sable rouge qui colle à la peau. Même dans les véhicules, il faut porter « la totale ». Gilet pare-balles, armes, munitions, équipement complet, soit 30 kg supplémentaires. Un convoi de 8 véhicules, dont une ambulance se met en route, direction Gao, la ville toute proche du camp.
Il n’est que 6h30 du matin et pourtant la chaleur est déjà étouffante. Les dingos, les véhicules blindés de plusieurs tonnes dans lesquels les militaires belges se déplacent, soulèvent une quantité impressionnante de sable rouge qui colle à la peau. Même dans les véhicules, il faut porter « la totale ». Gilet pare-balles, armes, munitions, équipement complet, soit 30 kg supplémentaires. Un convoi de 8 véhicules, dont une ambulance se met en route, direction Gao, la ville toute proche du camp.
La patrouille se fait à pied. Selon un schéma bien précis, chaque homme sait ce qu’il a à faire : surveiller les alentours bien sûr et veiller à la sécurité du groupe. « Certains vont plutôt être ouverts à la population pour discuter, d’autres vont vraiment s’attarder sur le 360, c’est-à-dire la protection de la patrouille, du dispositif. Malgré tout, on peut tous aller voir des gens, collecter des informations en parlant. Mais la sécurité prime sur le reste » nous raconte Rodolphe, adjoint de la section. « On est en plein Gao, le mal est partout » nous assure-t-il en observant attentivement tout ce qui se passe autour de lui.
Établir le contact, malgré tout
Les menaces qu’ils craignent le plus ? Des bombes artisanales et des attaques suicides. Certains terroristes se terrent dans la ville, les Belges le savent. Et pourtant, il faut aller le plus possible au contact de la population, c’est le but de la mission. Le groupe que nous suivons serre des dizaines de mains, salue des centaines de personnes. « Vous suivez le ramadan ? » demande le lieutenant Julian à un groupe d’hommes allongés à l’ombre qui hochent la tête pour acquiescer. « Respect pour ça » La conversation est lancée, les questions sur la situation sécuritaire débutent. « J’ai entendu qu’il y a des tensions interethniques en ville. Vous avez constaté cela ? » Non répond l’un des hommes du groupe. Il prétend être très content de la présence des casques bleus en ville. « Ce sont nos amis, ils sont venus nous aider ici à Gao. La Minusma, c’est bien pour la sécurité. »
A Gao, tout le monde connaît la Minusma
Un autre homme s’approche, il demande aux militaires belges de le suivre. Il tient absolument à leur montrer le bureau de poste, dont il est le directeur. Un grand bâtiment pratiquement vide, quelques casiers avec des lettres et une table sur laquelle quelques paquets s’accumulent. « Ça, c’est pour la Minusma » dit Selou Koulibaly. Le lieutenant Julian remarque un sac bleu aux couleurs de bpost. « C’est la Belgique, c’est de là que nous venons » explique-t-il à Selou Koulibaly. « Sans la Minusma c’était chaud à Gao, les gens mouraient, il y avait du désordre. C’est grâce à leur présence que l’ordre est revenu. Si moi je suis là, c’est parce que la Minusma est là. » Il avait en effet fui avec sa famille à l’arrivée des djihadistes dans la ville. Pendant deux ans, ils se sont réfugiés à Bamako, la capitale du Mali. Le bâtiment de la poste avait été ravagé par les terroristes. Aujourd’hui, les activités ont repris doucement et pas qu’à la poste. « L’administration est de retour, le gouverneur est là, il dort tranquillement. Le budget est là, le trésor est là, c’est parce que la Minusma est là. » Mais la situation reste extrêmement compliquée. Parce que 75% des hommes n’ont pas de travail notamment. La présence des militaires a sécurisé en partie la ville, mais les habitants ont des demandes qui dépassent largement l’aspect militaire. « Il faut continuer à nous soutenir, il faut vous voir avec nous. Chaque fois que vous êtes à nos côtés, ça va. Il faut chercher à nous aider dans le cadre matériel, il faut mettre les moyens aussi pour qu’il y ait de travail. Par exemple s’il y avait des usines ici à Gao, ou les gens pourraient travailler, ils pourraient avoir quelque chose. Parmi ceux qui ne travaillent pas, certains volent, certains se promènent en ville avec les djihadistes pour avoir à manger. » Selon M.. Koulibaly. Il est loin d’être le seul à penser cela.
Dans quelques jours, le Conseil de sécurité de l’ONU se penchera sur une redéfinition de la mission de la Minusma. En ce moment, elle est considérée comme une mission de stabilisation. C’est-à-dire que les casques bleus déployés sont là pour aider à mettre en œuvre un accord de paix signé en 2015 entre les autorités maliennes et les différents groupes armés. Mais 4 ans plus tard, il faut bien constater que la paix est loin d’être une réalité sur l’ensemble de cet immense territoire, grand comme pratiquement toute l’Union Européenne. Les 13.000 casques bleus déployés ne sont évidemment pas suffisants. L’armée malienne, n’a pas les ressources, ni en armes ni en hommes, pour y parvenir non plus. Certains pays « grands contributeurs » quittent la mission comme les Pays-Bas et bientôt le Canada.
« Pour la défense belge, l’intérêt c’est d’être sur un terrain opérationnel. On travaille au profit de l’ONU. Tout cela ce sont des objectifs politiques et stratégiques qui me dépassent certainement » nous dit le Capitaine Tony, commandant du détachement belge à Gao. « Pour nous les soldats, après 3 ans de présence dans les rues de Bruxelles et en particulier à l’aéroport de Zaventem, disons que ça change un peu et ça fait du bien. Nos jeunes soldats se rendent compte de certaines choses quand on voit la misère des gens ici, c’est une leçon de vie. »
Après 3 heures sous un soleil écrasant, la patrouille se termine. Le retour au camp se déroule sans encombre pour les Belges. ILs pensent déjà à la suite. Le lendemain, un départ est prévu pour atteindre un village au fin fond du désert malien. 72 heures sans revenir au camp, en autonomie. Mais ils savent qu’ils retourneront à Gao très bientôt car leur présence régulière dans la ville est importante pour la sécurité. En revenant au camp, impossible de manquer un monument érigé à la mémoire des casques bleus morts ici au Mali. Pratiquement 200 hommes depuis 2013. Ce qui fait de cette mission des Nations-Unies, la plus meurtrière déployée en ce moment dans le monde.