La formation du gouvernement de large ouverture n’a pas fait des désillusionnés que dans les rangs des affamés de l’Opposition. Au contraire, la secousse a été plutôt durement ressentie au sein la puissante majorité présidentielle. Trois semaines après messe dite, Ensemble pour le Mali (EPM) a toujours du mal à digérer la couleuvre. Pour juguler le séisme qui profile avec l’annonce du départ prochain de plusieurs partis, le directoire de la Plateforme, après une réunion extraordinaire, a sollicité et obtenu du locataire de la Primature une rencontre d’explications sur les pourquoi et les comment ? Histoire, dit-on, de se dire les 4 vérités.
C’est dans ce cadre qu’une délégation des présidents de la plateforme Ensemble pour le Mali (EPM) conduite par son président, le Dr Bokari Tréta, a été reçue en audience, ce jeudi après-midi du 23 mai 2019, par le Premier ministre, le Dr Boubou Cissé. Au menu des échanges, selon un communiqué de la Primature, l’application de l’accord politique de gouvernance et le dialogue politique. Mais la littérature délicate et minimaliste du jour ne trompe personne.
Après la série de rencontres du ministre de l’Administration autour de la feuille de route du dit accord, les sujets devraient être assez importants pour qu’on les remonte au Chef du gouvernement. En tout cas, la taille de la délégation conduite par le Dr Bokary Tréta le donne à croire.
Outre les principaux partis représentés dans le gouvernement (RPM, ADEMA, ASMA), on notait aussi les représentants de toutes les autres configurations de la majorité qui y ont pris la parole : les partis représentés à l’Assemblée nationale, les partis dotés de conseillers municipaux, les partis non nantis et non lotis de la majorité sans compter les doyens des leaders comme Ibrahim Boubacar Bah, Younouss Hamèye Dicko.
Chacun des orateurs de la majorité a plaidé pour la promotion des cadres de la majorité, ainsi que l’impérieuse nécessité de valoriser les ressources humaines de la majorité qui sont congelées, depuis 2013. Les cadres, les jeunes et les femmes de la Majorité, ont-ils rappelé, rasent les murs contrairement aux vœux du président IBK. En matière de promotion de ressources humaines, EPM a toujours été marginalisé se sont plaints ses dirigeants au Premier ministre avant de l’inviter à corriger cette injustice.
Les présidents de la majorité ont aussi fortement plaidé pour leur syndicat de chefs de parti. Pour une majorité de plus 60 présidents, un seul des leurs, Amadou Koita, est membre du gouvernement de 39 membres dirigé par Boubou Cissé. Pour eux, ce n’est pas acceptable. Ça ne les valorise pas en tant que présidents de la Majorité.
À la barre d’une majorité insatisfaite et furieuse, qui voit dans cette répartition de portefeuille comme un mépris, le Premier ministre Boubou Cissé a-t-il réussi à calmer le jeu ? À défaut de la prendre sur la répartition des quotas et du choix de X plutôt que de Y, les représentants de EPM auraient reproché au gouvernement une tare congénitale : le déséquilibre de représentativité au détriment de la majorité. Ils ont reproché en effet au Premier ministre de n’avoir pris aucun chef de parti de la majorité dans son gouvernement alors que 4 ministres de l’Opposition sont tous des présidents de parti politique. Parce que jusqu’à sa nomination, Thiam était toujours considéré comme président de l’ADP.
Selon les échos que nous avons eus, la rencontre a tenu toutes ses promesses. Venue s’enquérir de la vérité sur la formation du gouvernement (du comment et des pourquoi), la Plateforme Ensemble pour le Mali (EPM) aura été servie de manière courtoise, mais très ferme par le Premier ministre qui n’aurait pas pris de gangs pour rétablir les choses. Sans répondre aux menaces, aux attaques personnelles et aux propos à la limite de l’injure (comme « tu es un Premier ministre par défaut » ou « tu es un Premier ministre par accident »), le Dr Boubou Cissé a expliqué calmement aux responsables de la majorité ce qui a été convenu avec leur président et le président de tous les Maliens. Il n’y a eu aucune malice ni ostracisme l’égard de la majorité dans l’application de l’Accord de gouvernement aurait expliqué le Premier ministre.
Sur certaines questions précises, les réponses tout aussi précises du Chef du gouvernement ont fait l’objet d’une bombe. Par exemple lorsqu’il a expliqué que le président de l’UM-RDA n’avait pas été celui proposé par son parti pour entrer dans le gouvernement ou quand il a expliqué que sur 15 départements demandés par EPM, le RPM seul s’est arrogé de 9. Suite à quoi tous les autres chefs de partis n’ayant pas eu de ministres ont regardé le Dr Tréta, président du RPM.
Bref, nous rapportent nos sources, venus parlementer pour impressionner le Premier ministre, la délégation de EPM est sortie de la Primature très déçue et très démotivée. À tel point que certains, nous dit-on, envisagent de reconsidérer leur engagement. Autrement, en langage politique : quitter purement et simplement la majorité.
Après une longue séance houleuse, il a été convenu de créer et de renforcer un cadre de concertation pour prendre en charge les problèmes évoqués et établir un dialogue désormais plus serein entre la majorité et le Chef du gouvernement.