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Chronique du web : L’Asie sonne la révolte contre les déchets toxiques
Publié le mercredi 5 juin 2019  |  Infosept
Evacuation
© aBamako.com par FS
Evacuation des tas d`ordures de Daoudabougou et Bacodjicoroni
La mairie de la commune V de Bamako a procédé le Lundi 9 Janvier 2017 à l`évacuation des tas d`ordures de Daoudabougou et de Bacodjicoroni.
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Monsieur de La Palisse himself confirme que, depuis plusieurs décennies, les pays dits développés utilisent tous les stratagèmes y compris ceux parfois criminels, pour se débarrasser de leurs déchets industriels toxiques en les expédiant dans les pays du Sud. Ce faisant, ces pays d’accueil se transforment progressivement en décharges géantes, exposant leurs populations et leur environnement à une pollution aux conséquences catastrophiques pour les générations actuelles et futures.

Basta ! semblent désormais dire certains pays du Sud-Est asiatique dont les Philippines du bouillant président Rodrigo Duterte, qui ont renvoyé au Canada, le 31 mai dernier, des tonnes de déchets toxiques que ce pays y avait entreposés. Ce « retour à l’envoyeur » porte sur 69 conteneurs qui ont été chargés à bord d’un cargo à Subic Bay, une ancienne base navale américaine. Quantité anecdotique s’il en est, mais la charge psychologique de la décision de Manille est si marquée qu’elle ouvre la voie à une avalanche de « rapatriements de colis indésirables » entreposés subrepticement dans les pays du Sud avec, parfois, la complicité de réseaux mafieux internationaux et locaux.

Pour arriver à un tel dénouement, M. Duterte a du adopter un ton un tantinet martial : « Combattons le Canada. Je vais leur déclarer la guerre ». Et quand le Canada a finalement cédé après moult tergiversations, et saluant cette victoire de David contre Goliath, le ministre philippin des Affaires étrangères, Teodoro Locsin, s’est fendu d’un tweet rageur - “Baaaaaaaaa bye, comme on dit” - illustré par une photo du cargo en partance pour le Canada.

Selon le site lejournaldudeveloppement.com qui révèle l’affaire, la Malaisie a déclaré, à son tour, qu’elle allait retourner 450 tonnes de déchets plastiques à plusieurs pays dont l’Australie, le Bangladesh, le Canada, la Chine, le Japon, l’Arabie saoudite et les Etats-Unis. Et la ministre malaisienne en charge de l’énergie, de l’environnement et des sciences, Yeo Bee Yin, d’asséner : « La Malaisie ne sera pas la décharge du monde (…) Nous ne nous laisserons pas intimider par les pays développés ».

L’article précise que pendant longtemps, la Chine a accepté d’être le dépôt des déchets plastiques du monde entier, mais qu’en 2018, arguant de graves préoccupations environnementales, elle a cessé tout entreposage de déchets sur son sol. Si cette prise de conscience des défis environnementaux est salutaire quoique tardive, cependant il ne faut pas perdre de vue le fait que d’énormes quantités de déchets sont toujours expédiées vers la Malaisie, l’Indonésie ou les Philippines. Par leur faute, « nous avons vu des villages vierges transformés en décharges en raison d’un tsunami de cargaisons de déchets des Etats-Unis, de Grande-Bretagne et d’Australie après l’interdiction chinoise », a observé Von Hernandez, coordinateur de la coalition mondiale d’ONG Break Free From Plastic.

A la pointe du combat contre la « circulation criminelle » des déchets, le Fonds mondial pour la nature (WWF) précise qu’environ 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, et l’essentiel finit dans des décharges ou dans les océans, générant ainsi une pollution que la communauté internationale est actuellement incapable de gérer.

Le Fonds estime à seulement 9% la quantité de plastiques produite entre 1950 et 2015 qui a été recyclée. Quid des 91% restants ? Ils sont entreposés, à coup sûr, dans des décharges sauvages ou tapissent les fonds marins, provoquant ainsi des dommages irréversibles à ces environnements fragilisés.

Il n’y a pas que l’Asie du Sud-Est qui est menacée par les déchets toxiques en provenance des pays industrialisés. L’Afrique, notre cher continent, a été très régulièrement défigurée, ce depuis les années soixante-dix, par des déchets toxiques déversés ça et là parfois à la sauvette. Même s’ils n’ont jamais réussi à brandir des preuves irréfutables, des grands médias internationaux ont souvent affirmé que des quantités plus ou moins importantes de déchets radioactifs ont été enfouies dans le désert malien dont on sait que les étendues pourraient favoriser une telle activité criminelle.

Au Sénégal, on a souvenance de cette affaire embarrassante de 500 tonnes de déchets toxiques entreposés dans le périmètre d’une ancienne usine de production d’engrais à Thiaroye, dans la proche banlieue de Dakar.

Et qui n’a pas entendu parler du Probo Koala, ce navire fantôme - un pétrolier immatriculé au Panama, appartenant à une compagnie grecque et affrété par la société hollandaise et suisse Trafigura - qui a acheminé des déchets hautement toxiques en Côte d'Ivoire en août 2006 ? C’est une vraie catastrophe environnementale portant sur 581 tonnes de déchets provenant du nettoyage du Probo Koala (mélange de pétrole, sulfure d'hydrogène, phénols, soude caustique et de composés organiques sulfurés). Ces déchets sont à l’origine de la mort de 17 personnes et de l'intoxication de plusieurs dizaines de milliers d’autres. On connaît le feuilleton judiciaire auquel il a donné lieu.

Le Nigéria, le Ghana, le Cameroun et bien d’autres pays africains ont connu des épisodes sombres liés à l’importation de déchets toxiques parfois contre espèces sonnantes et trébuchantes. Mais les déchets les plus insidieux qui font tort à l’Afrique, c’est cette industrie florissante de la « seconde main ». Qu’il s’agisse de véhicules « au revoir la France », de frigos et congélateurs ramassés sur des décharges européennes et recyclés chez nous, de vieux ordinateurs, téléviseurs, imprimantes, électroménagers, literie, friperie, jouets…, ils portent un seul nom : déchets. Et par définition, un déchet est un résidu inutilisable qui ne devrait faire l’objet d’aucune transaction économique de pays à pays, a fortiori d’un continent à l’autre.

Aujourd’hui, il est grand temps de mettre de l’ordre dans ce secteur d’activité informel qui plombe l’activité économique par une concurrence déloyale, tout en transformant nos pays en poubelles à ciel ouvert. Dans des pays où les municipalités peinent à collecter les ordures ménagères, est-il besoin de s’encombrer de déchets importés à la nature mal connue ou manifestement toxiques ? La réponse est simple comme bonjour : il faut sonner la révolte contre l’immobilisme, l’indifférence et l’anarchie qui sont des attitudes irresponsables et hautement toxiques.

Serge de MERIDIO
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