Bonjour Kôrô Président. Que la paix de Dieu règne dans notre pays et dans le monde. Notre pays sort d’une zone de turbulence que l’on sera loin d’oublier, tant la mobilisation islamo-politico-populaire était forte et croissante contre le Premier ministre sortant.
L’on s’attendait à ce que tout bascule avec y compris le pouvoir. Celui-ci semblait aux abois et ne savait plus à quel saint se vouer. Le recours secret était Dieu Lui-Même, il a d’ailleurs fini dans sa Miséricorde par trouver la solution. Cette solution de compromis et/ou de compromission (c’est selon) pour sauver moins un président que le Mali est dessinée dans l’accord politique de gouvernance du 2 mai 2019.
Kôrô Président, nous gérons aujourd’hui et ensemble l’une des conséquences du télescopage du religieux et du politique. Si l’on convient de dire que vous devez votre premier mandat aux religieux qui dans une certaine mesure n’étaient pas autant divisés qu’ils le sont aujourd’hui. Il est donc compréhensible que ces religieux tentent de vous en imposer avec y compris le gouvernement de leur choix.
Vous êtes désormais à un peu moins de quatre années de la fin de votre dernier mandat et vous devrez tout faire pour éviter que notre pays frise le chaos comme ce fut le cas ces derniers mois. Parce que nous devrons reconnaître tous ensemble que le Mali est un pays béni et aimé de Dieu. Nous devrons nous en convaincre, sinon nous n’étions pas loin de sombrer dans la situation de 2012.
Tous les ingrédients étaient réunis pour que le pouvoir bascule : mécontentement populaire, revendications comparatistes non satisfaites, l’école en lambeaux, les partis politiques désavoués par leurs militants et qui cherchaient leur marque, la société civile désabusée par la velléité de certains de ses dirigeants à trouver une place dans le gouvernement au mépris de son rôle d’arbitre dans une société elle aussi en lambeaux et au bord de l’explosion, des massacres tous les jours de civils et de militaires, les difficultés du quotidien ressenties par une majorité silencieuse qui n’a plus qu’un repas par jour, l’affairisme de bon nombre de cadres et qui se traduit par la gabegie, la mal-gouvernance, le népotisme et le nombre croissant de milliardaires dans un pays où plus des deux tiers ont moins 650 F CFA par jour.
A la seule différence que l’armée, bien qu’endeuillée tous les jours, n’a pas voulu suivre le mouvement populaire mais jusqu’à quel niveau ?
Il est vrai que vous avez “mis le paquet” pour nos Forces de défense et de sécurité qui se restructurent doucement avec l’appui de pays amis en matière de formation, d’entraînement et d’équipement.
Il est vrai aussi que c’est parce que l’opposition ne peut plus mobiliser cette marée humaine comme savent le faire Mahmoud Dicko et Cherif Madani Haïdara, deux ténors de nos confréries religieuses.
La majorité, la vôtre, celle de laquelle vous êtes issu a surpris plus d’un avec son alliance à l’opposition pour demander le départ de votre Premier ministre. Je n’ai pas souvenance d’une telle situation à travers l’histoire politique de nos jeunes sociétés démocratiques. Votre majorité a-t-elle pris suffisamment la mesure de sa décision et mesuré toutes les conséquences pour vous, pour elle-même et pour le Mali ?
En tous les cas, notre pays a tourné une page sombre de son Histoire. La rue a eu raison du Premier ministre. Il s’en est allé pour le Mali et pour la survie du Mali.
Aujourd’hui, nous avons un nouveau gouvernement de large ouverture où nous comptons des ministres de tous les bords : majorité, opposition, société civile laïc, groupements de religieux et ce à la suite de la signature de l’Accord politique de gouvernance et qui consacre la volonté de l’ensemble de la classe politique à aller vers la paix, la renonciation à toute velléité d’insurrection populaire et de déstabilisation de notre pays.
Très belle initiative serait-on tenté de dire et si elle peut apaiser le climat social et permettre aux enfants de notre pays de se retrouver autour de l’essentiel : le Mali.
Mais est-ce que cela suffira pour calmer le jeu, calmer l’ardeur de certains opposants de notre pays qui n’accepteront jamais de faire partie de ce gouvernement de large ouverture. Ils resteront durablement dans la contestation. Ils rechercheront une légitimité que les urnes ne leur ont pas donnée. Ils s’accrocheront donc à leur “vérité” à eux pour contester tous les jours votre victoire, votre mandat et votre légitimité.
Eux ils savent que le peuple ne les suivra pas dans leur délire. Ils feraient mieux de se préparer à assumer les charges de président de la République en 2023 au lieu de rester dans la contestation stérile qui au lieu de leur servir de tremplin pour les joutes prochaines, sera le boulet qu’ils traineront toujours au pied. Ils ont refusé de faire partie du gouvernement de “consensus” pour rester dans l’opposition, une opposition radicale qui n’acceptera jamais d’être comptable d’une infime partie de la gestion d’un gouvernement dont elle n’a jamais reconnue la légitimité. Et ceux des leurs qui ont “risqué” d’y être sont déjà critiqués par elle.
J’ai suivi sur RFI la déclaration de l’un de ces opposants plutôt l’insulte qu’il a faite au peuple. Il a affirmé que les Tiébilé Dramé, Thiam et autres sont allés au partage du “gâteau” ; le Mali est donc pour cet homme politique un gâteau autour duquel des affamés doivent se retrouver, chacun avec son couteau pour y couper la part qui lui convient.
L’autre opposant, si je ne m’abuse a parlé de la “soupe”, le Mali c’est aussi et pour ce responsable politique, une soupe autour de laquelle ils se retrouvent, chacun avec sa cuillère pour ingurgiter la plus grande quantité possible.
Si nous sommes ainsi jugés par eux qui sollicitent notre suffrage, alors nous ne sommes pas encore sauvés.
J’ai honte de ce que je suis dans l’imaginaire de ceux qui se précipitent à créer un parti. Leur objectif est donc clair : être à la “mangeoire” au mépris du peuple, du pays, de la nation, des notions qui ne leur disent rien. Voilà donc ce que pensent de nous, certains qui briguent nos suffrages pour être nos députés, maires, présidents ou ministres.
Il y en a d’autres qui ont été remplacés à la tête de leur administration parce que leurs ministres ont changé et les nouveaux sont venus avec leurs “hommes”, ce qui est normal. Mais eux ne comprennent pas la chose ainsi. Ils avaient pris des habitudes, bénéficiaient d’avantages et d’autres privilèges dont ils doivent à présent se départir.
Mais l’on pense que vous êtes pour quelque chose dans leur disgrâce. Ils restent amers et attendent au tournant. Ils auraient perdu des privilèges et par votre faute.
Il y a cette autre catégorie de citoyens qui, hier vivaient bien du fait de leurs relations avec les gouvernants précédents mais qui n’ont pas trouvé les astuces nécessaires pour “s’accoquiner” avec les rois du jour. Ils n’ont plus tellement le moyen de maintenir le train de vie d’hier (le véhicule a vieilli et son entretien pose problème, il n’y a plus de carnets de bons l’essence, les frais de scolarité des enfants dans les écoles privées se paient désormais difficilement, les épouses ne vont plus accoucher en France ou aux USA). On a plus les moyens d’envoyer les parents se soigner au Maroc ou en Tunisie, leurs filles ne sont plus royalement dotées à leur mariage, les boubous Bazin vieillissent et rien ne va plus désormais.
Kôrô Président eux aussi ne vous portent pas dans leur cœur, parce qu’ils vous tiennent pour responsable de leur descente en enfer.
Et toutes ces catégories de personnes iront voir leurs marabout, leurs féticheurs, leurs géomanciens, leurs “connaisseurs” pour vous “attacher”, vous ensorceler pour que le hasard fasse qu’un jour vous pensiez à eux, vous leur jetiez le petit regard qui puisse changer leur vie.
Difficile d’échapper à tous ces marabouts, à tous ces féticheurs, à leurs sacrifices, à leurs offrandes, à leurs prières, etc.
C’est pourquoi au Mali être Président parait être un suicide. On vous “attache” tellement que très souvent vous ne savez plus où aller et quelle décision prendre ! Et il n’y a que Dieu qui peut sauver les présidents africains et aussi la baraka.
Le gouvernement de Dr. Boubou Cissé est désormais en place et s’il reste le fruit d’un consensus national, il doit pouvoir très rapidement reprendre langue avec les syndicats, la société civile, les autres partis politiques avec y compris ceux de l’opposition dite radicale pour mettre à plat l’ensemble des problèmes de nos populations sans démagogie, aucune (l’Etat n’a pas et ne peut avoir les moyens de tout résoudre à la fois) et leur trouver les solutions justes et durables qui soient acceptées par tous. Pour une fois Kôrô Président, le Mandinka que vous êtes a su piéger le Peul reconnu très généralement pour son intelligence sa ruse, etc.
Quand ça allait mal, c’est le Dr. Boubou Cissé qui était à l’Economie et aux Finances, dont il connait l’état. Et l’essentiel des revendications d’alors étaient pécuniaires (indemnités réclamées par les enseignants, primes sollicitées par les cheminots qui attendaient de mourir de leur grève de la faim, coupures d’eau et d’électricité, etc.)
C’est parce que le ministre de l’Economie et des Finances n’a pas trouvé la juste réponse à ces revendications que la grogne s’est simplifiée.
Vous n’auriez pas du filer cette “patate chaude” à quelqu’un d’autre. L’ancien titulaire du portefeuille mérite, que cumulativement avec sa fonction de Premier ministre, il continue de gérer tout ce qui “pendait” à son temps. Il n’y a pas mieux que Boubou pour reprendre les négociations là où il les avait laissées.
A mon sens Kôrô Président le gouvernement du Dr Boubou Cissé doit s’atteler à résoudre :
La crise scolaire : l’école malienne ne doit plus être prise en otage par les enseignants et les élèves. Il faut donc sortir l’école du giron politique. Notre école est devenue une vache laitière pour certains étudiants de carrière à cause de ce qu’ils tirent comme profit de la gestion des infrastructures scolaires et universitaires, ils ne voudront jamais que l’on voie clair dans la gestion de celles-ci. Ils sont plus riches que les recteurs, les vice-recteurs, etc… Ils possèdent de nombreuses villas construites par eux et qu’ils mettent en location, ils ont des Sotrama et des Taxis en circulation et tout le Mali est au courant de cette situation. Et à chaque élection de bureau ce sont eux qui arment et “motivent” leurs camarades pour qu’ils terrorisent les autres candidats avec des machettes, des pistolets, des couteaux, etc.
Qui n’est pas au courant de cette situation dans nos écoles et universités ?
Mais l’on a peur de l’évoquer et ce sont les parents qui sont eux aussi pris en otage par leurs enfants.
Nous sommes quel pays-là ?
La politique même au niveau scolaire est devenue tellement alimentaire que les renouvellements de bureau AEEM sont pires que ceux des partis politiques. Dépolitisons l’école pour que nos enfants puissent enfin s’asseoir dans les salles pour apprendre un minimum de savoir dans un monde où souvent les meilleurs ont du mal à s’imposer à fortiori ceux qui ont très peu de chose dans leur “caboche”.
Les revendications corporatistes ou du moins à s’asseoir avec les syndicats et dans un langage de vérité dire ce que le budget d’Etat peut supporter et ce qu’il ne peut pas supporter.
En principe, notre budget s’il est bien géré doit pouvoir prendre en charge une bonne partie des revendications de nos travailleurs. Le Premier ministre doit comprendre que si les travailleurs insistent tant sur certaines de leurs doléances c’est qu’ils ont la preuve que les ressources de l’Etat sont en mesure de les prendre en charge. Au-delà de son cabinet, de nombreux cadres informent au quotidien les syndicats de qui se passe dans nos administrations. Et puis Dr. Boubou ne doit jamais substituer les caisses de l’Etat à sa propre propriété pour dire : moi “je ne peux pas ceci ou cela”. Il ne s’agit pas du coffre-fort personnel du Premier ministre mais des caisses de l’Etat à lui confiées.
Un de ses prédécesseurs a fait la preuve que le Mali peut se prendre en charge au moment où la Cédéao a mis notre pays sous embargo. Ça allait tellement bien pour notre économie que ce Premier ministre ne voulait pas de la fin de cet embargo.
La question de la Conférence d’entente nationale. Kôrô Président vous avez pour une fois l’occasion de consulter sans grands frais notre peuple.
Renvoyez la question à la base, demandez à vos populations depuis le niveau village ce qui ne va pas et les solutions qu’elles préconisent.
Faites remonter les informations reçues et recueillies à ce niveau pour les faire remonter à celui de l’arrondissement, de l’arrondissement au cercle, du cercle à la région et de la région au niveau national.
En une ou deux semaines au plus, Kôrô Président vous aurez recueilli tout ce que votre peuple vit au quotidien, ce qu’il ressent de votre gouvernance et ce qu’il peut vous proposer comme solutions pour nous permettre de sortir de cette crise multidimensionnelle et à la résolution de laquelle chaque citoyen a son mot à dire.
Vous gagnerez, je pense en temps, en efficacité, en moyens. Pour la nation chacun compte.
Kôrô Président, vous comprendrez dès lors qu’il ne s’agit pas d’une question d’IBK qu’on aime ou qu’on n’aime pas, mais de la nature versatile même du Malien que nous sommes. Nous restons d’éternels insatisfaits et quel que soit le leader que l’on mettra à la tête de notre pays, il connaîtra pire que vous parce qu’il aura en face de lui des Maliens qui n’aiment personne et même pas leur propre personne.
Car comment comprendre autant de haine, de hargne contre un président qui a tout essayé pour que le pays avance et qui restera toujours bloqué par la volonté de ceux qui veulent voir le Mali leur propre pays à genou.
Allez-donc comprendre leurs vraies motivations.
Enfin Kôrô Président, je voudrais vous suggérer, de prendre votre temps pour vous rendre le plus fréquemment possible auprès de vos concitoyens.
Allez à votre peuple en toute humilité, c’est-à-dire sans fanfare, ni trompette, sans toute cette escorte qui fait peur et qui est loin d’être discrète.
Descendez dans l’arène, allez voir au marché de Médine, les femmes vendeuses de poissons, les ferrailleurs. Allez par surprise rendre visite à l’Université de Kabala pour y rencontrer les étudiants et les professeurs.
N’attendez pas que les familles fondatrices viennent “casser” le jeûne à Koulouba, faites le contraire.
Venez visiter les artisans au Dabanani, les artistes de l’Ensemble instrumental, faites une visite-éclair dans certaines de vos administrations et vous serez avec votre peuple et à son écoute.
Vous apprendrez mieux et entendrez plus de leurs complaintes.
Kôrô Président, je voudrais vous suggérer d’éviter de tomber dans le piège de la communauté internationale, celui de vous obliger à appliquer en l’état et l’Accord d’Alger avec son corollaire de révision constitutionnelle, le découpage administratif et toutes choses qui ne sont pas conforment à notre souveraineté et qu’on nous imposent comme une camisole de force.
Enfin vous avez réussi le plus difficile, celui d’avoir réussi à mettre en place un gouvernement “d’union nationale” dont l’échec nous ne le souhaitons pas sera celui du peuple entier et pourrait nous conduire vers des destinations incertaines. Que Dieu nous en garde. En tous les cas, nous sommes avec vous.
Qu’Allah SWT permette au nouveau gouvernement de travailler pour le Mali et pour le bonheur des Maliens.