L’Etat a interdit ces emballages non biodégradables depuis 2014. Mais l’application de la législation est loin d’être stricte. Résultat : les petits sacs continuent de proliférer
A l’origine de beaucoup de problèmes environnementaux et sanitaires aux conséquences graves sur l’homme, la faune, la flore, et malgré l’interdiction dont il fait l’objet chez nous, le sachet plastique est toujours omniprésent dans notre paysage environnemental. Utilisé comme sac, emballage, il est importé en grande quantité dans notre pays, en violation de la loi n° 2014- 024 du 3 juillet 2014 portant interdiction de la production, de l’importation et de la commercialisation des sachets plastiques non biodégradables en République du Mali.
Notre pays ne dispose pas de technologies appropriées pour la gestion de la plupart de ces déchets. C’est en vue d’apporter des solutions durables à la gestion des déchets spéciaux qui incluent les sachets plastiques que le gouvernement s’est engagé dans l’élaboration de la Politique nationale d’assainissement et de ses stratégies de mise en œuvre.
Le ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable, Housseïni Amion Guindo reconnaît que l’application de la loi n° 2014- 024 du 03 juillet 2014 se heurte à des écueils. Pour lui, la solution réside non seulement dans le strict respect de ladite loi par un contrôle rigoureux dans les frontières, mais aussi dans l’exploration de solutions alternatives. On doit faire en sorte qu’on puisse avoir des alternatives, des usines de fabrication d’emballages biodégradables.
Les sachets plastiques sont utilisés de façon très abusive dans notre pays, confirme Sokhona Tounkara, promotrice de « Zozos World » spécialisé dans la fabrication d’accessoires de mode à partir de la transformation des sachets plastiques. « Tout se fait avec les sachets. Dans les rues, dans les restaurants, quelque soit ce que tu achètes. Ce sont les sachets que tu rapportes à la maison. Jetés n’importe où, ils obstruent le passage de l’eau pluviale et de ce fait, celle-ci est obligée de se faire un autre chemin », regrette-t-elle, estimant que les récentes inondations meurtrières sont en partie dues aux sachets plastiques. « Le Mali a connu, il y a de cela quelques jours, un évènement tragique, une inondation terrible. Il y a des gens qui ont essayé de trouver toutes sortes d’explications, mais on ne peut nier que les sachets plastiques y sont pour quelque chose », soutient-elle.
Sokhona Tounkara rappelle ensuite que la durée de vie des sachets plastiques est de 100 à 400 ans. « Les sachets que nous allons laisser et ceux que nos aînés ont laissés prendront des centaines d’années avant de se dégrader », précise-t-elle, avant d’ajouter : « c’est inquiétant quand on voit des sacs de sachets jetés dans la nature. Il est nécessaire de se poser la question, à quoi va ressembler notre pays dans 10 ans si l’utilisation abusive des sachets plastiques continue? », s’interroge Sokhona Tounkara. Elle préconise la récupération de ces petits sacs qui agressent notre environnement. « Il y a beaucoup de possibilités de transformation de ces sachets. C’est possible de transformer les sachets plastiques en pavés, en produits pétroliers, etc », suggère-t-elle, rappelle qu’elle-même les transforme en accessoires de mode.
Siaka Traoré, commerçant de son état, estime lui qu’il est difficile de se passer du petit sac. « Renoncer aux sachets plastiques n’est pas chose facile pour nous ainsi que nos clients, parce qu’il faut protéger les produits contre par exemple la poussière et autres dangers », soutient-il en reconnaissant qu’il y a des clients qui exagèrent. Même pour des achats de 50 Fcfa, des femmes exigent des sacs.
« Nous jouons notre rôle par rapport à l’interdiction de l’importation parce que depuis 2014, nous n’avons pas reçu une seule cargaison transportant les sachets plastiques. Cependant, nous avons des difficultés pour faire la différence entre les sachets plastiques biodégradables et les sachets non biodégradables », relève le directeur général de la douane Mahamet Doucara.
Quant au directeur général adjoint du commerce et de la concurrence, Monzon Koné, il assure que son service ne délivre pas de titre d’importation à partir du moment où la caution tarifiée du sachet plastique n’est pas précisée. Amadou Camara, le directeur national du contrôle des pollutions et des nuisances, révèle que son service mène des activités de contrôle qui aboutissent très souvent à des saisies de stocks de sachets non biodégradables.
Selon Akory Ag Iknane, spécialiste en santé publique, les sachets plastiques sont les dérivés des résidus du pétrole. La fumée que dégagent ces particules va être inhalée et sera responsable des problèmes respiratoires ou souvent même des cancers. Même s’ils sont brûlés, les composés restent au sol et lorsqu’on y cultive des légumes ou des fruits par la suite, ils peuvent contaminer ces cultures et causer des effets néfastes sur la santé. « Par exemple quand vous mettez un aliment chaud dans un sac plastique ça se dégrade et c’est extrêmement dangereux pour la santé », avertit Akory Ag Iknane.
Les conséquences de l’utilisation des sachets plastiques sont suffisamment connues. Le problème est que l’Etat a pris une loi qu’il n’arrive pas à faire appliquer.
Rachel Dan GOÏTA