Au Mali, la multiplication des conflits inter-communautaires a de quoi inquiéter plus d’un. C’est le moins que l’on puisse dire avec le massacre de plus de cent Peuls, intervenu le 23 mars dernier dans le Centre du pays.
Peu avant, soit en début d’année en cours, des heurts meurtriers avaient déjà opposé des Dozos aux Peuls dans le cercle de Koro, toujours au Mali. De quoi donner davantage de soucis aux autorités maliennes déjà en guerre ouverte contre une bande terroriste qui se révèle plutôt coriace sur le terrain et qui donne suffisamment du fil à retordre à la coalition de forces internationales en présence. C’est dire si le Mali n’a pas besoin de ces conflits intercommunautaires, véritable guerre dans la guerre, autrement plus difficile à maîtriser par des autorités centrales théoriquement astreintes à la neutralité et qui ne sauraient raisonnablement prendre parti pour un camp contre un autre. La preuve, le président Ibrahim Boubakar Kéita (IBK) en visite sur les lieux du drame, s’est gardé de toute prise de position, se contentant de rassurer ses compatriotes encore sous le choc. Pouvait-il en être autrement ? Assurément non ! D’autant que dans le cas d’espèce, l’on est porté à penser que ni Barkhane ni les forces internationales ne sauraient gérer une telle situation, car ce n’est pas le genre de conflits qui se règlent au bazooka. C’est pourquoi ces conflits intercommunautaires constituent un autre gros défi pour Bamako. En tout cas, le Mali est encore loin d’être sorti de l’auberge, malgré le déploiement d’importants moyens pour la stabilisation du pays. Car, la récurrence de ces conflits communautaires constitue une bombe ethnique à retardement qui pourrait non seulement exploser à tout moment entre les mains des autorités maliennes, mais aussi et surtout mettre à mal la cohésion sociale et l’union sacrée pour faire face à l’ennemi commun que sont les djihadistes. C’est pourquoi il est impératif, pour l’Etat, de trouver la formule pour faire baisser la tension et amener les différents protagonistes à fumer durablement le calumet de la paix. Cela est d’autant plus nécessaire que cette situation a généré beaucoup de problèmes au Mali où les amalgames aidant, certaines communautés ethniques ne sont pas loin d’être victimes du délit de faciès et de patronyme.
IBK a du pain sur la planche
Et l’appel qu’avait lancé le chef terroriste Amadou Kouffa, à la communauté peule, à rejoindre le jihad, n’est pas pour arranger les choses pour cette communauté ethnique qui se retrouve dans le collimateur d’autres groupes. D’autant que jusqu’aux forces armées maliennes, il semble y avoir de la méfiance vis-à-vis de ce groupe ethnique auquel le sinistre Amadou Kouffa a voulu donner le visage du terrorisme au Mali.Quoi qu’il en soit, nul ne saurait contester l’impact négatif de cette situation sur la cohésion sociale, sans oublier la dégradation continue de la situation sécuritaire dans son ensemble, due à l’action conjuguée des insurgés islamistes et autres groupes terroristes qui écument les parties septentrionale et centrale du pays. Toute chose qui vient en rajouter à la fragilité d’un tissu économique déjà fort désarticulé, mais qui a aussi un impact négatif certain sur d’autres secteurs d’activités comme le monde éducatif où les enseignants désertent les classes. En tout état de cause, tant que les conflits communautaires qui gangrènent aujourd’hui le Mali ne seront pas convenablement résolus, il serait utopique de penser pouvoir arriver à une paix durable. Cette denrée devenue rare sur les rives du Djoliba, après laquelle le président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) court depuis sa prise de fonction et qui est en passe d’user bien de ses babouches. Il est donc temps, pour le gouvernement, de prendre ses responsabilités. Pour ce faire, il doit aller au-delà des trémolos et sanglots crocodiliens.
Youssouf Konaré