Les tueries au centre du Mali, la prorogation du mandat des députés, la gestion du pouvoir d’Ibrahim Boubacar Keïta, la révision de la Constitution… Bref, Nouhoum Sarr a répondu clairement et sans détour aux questions de votre journal. Lisez plutôt !
InfoSept : Bonjour M. Sarr. Vous n’êtes plus à présenter. Nous savons que vous êtes opposés à la prorogation du mandat des députés, quelles solutions alternatives avez-vous à proposer en lieu et place de la prorogation ?
Nouhoum Sarr : Cette prorogation du mandat révèle l'incompétence du régime, l'incapacité du pouvoir a respecté la constitution. Parce quand on est le chef d’état, la principale mission c'est de respecter et de faire respecter la constitution.
A partir du moment où vous êtes incapable d'accomplir cette mission, vous perdez l'attitude à diriger ce pays. IBK n'a aucune raison de rester à la tête du Mali.
Beaucoup estime que c'est une opposition aveugle, non ! Nous avons estimés que nous ne devrions pas être dans cette situation parce qu’un gouvernement, c'est tenir le délai des élections. S'il ne peut le faire dans un délai conforme à la prescription de la constitution, ce gouvernement ne peut pas avoir des solutions pour les secteurs de la santé, l’éducation, la sécurité du pays. La constitution est le socle de la démocratie. L'assemblée nationale peut autoriser le président à légiférer pendant une période limitée. Nous insistons, nous persistons pour que la constitution du Mali soit respectée.
Etant de l’opposition, quel bilan dressez-vous des six ans de gestion du Président IBK ?
C'est un bilan calamiteux, désastreux, et extrêmement négatif pour notre pays.
En six ans, ce sont de milliers de morts, des maliens tués dans des conditions extrêmement atroces ; en six ans nous avons vu un chef d’Etat se pavaner dans le monde ; une instabilité extraordinaire du gouvernement. Six ans, six Premiers ministres ; en six ans, nous avons vu le président IBK s'embourbé et embourbé le pays dans des chantiers solitaires, hasardeux totalement contraire aux intérêts du Mali ; en six ans, nous avons vu le président s’entêté à appliquer un accord anti républicain, un accord qui impose au Mali le principe d'inégalité des citoyens, un accord qui prépare le terrain juridique, politique, diplomatique, à la partition de notre pays.
En six ans, nous avons vu des médecins allés en grève ; en six ans nous avons vu l'école malienne perdre le peu de crédit qui lui restait ; nous avons vu du sang coulé, des vieillards, des enfants brulés vifs par la faute d'un régime incapable. En six ans, nous vu l'armée malienne s’effondrer, perdre le peu de crédit que le peuple malien lui accordait ; en six ans, nous avons vu la désolation dans notre pays ; nous avons vu la corruption se généraliser, l'achat de l'avion présidentiel en est la parfaite illustration. Donc, en six ans, le bilan d’IBK est tout simplement catastrophique.
Vous avez soutenu la candidature de Soumaila Cissé lors de la Présidentielle de 2018. Quels sont aujourd’hui vos rapports avec lui ?
Nous avons d'excellents rapports politiques, de fraternité, nous travaillons dans une symbiose, nous ne sommes pas d'accord sur tout, nous avons des points de divergences qui peuvent être surmontés à travers des échanges, nos rapports sont très bons. On se respecte mutuellement et nous continuons à échanger sur les grandes questions de notre pays.
Après la Présidentielle que vous avez jugée de farce électorale, un Front avait été mis en place pour défendre la démocratie, appelé FSD, est-il toujours en vie après la rentrée dans le gouvernement de Boubou Cissé de certains de ses ténors comme Tiébilé Dramé, Oumar Hamadoun Dicko ?
Le FSD vit toujours. Quand l'arbre grandit, il acquiert des énergies, des feuilles fortes tombent. Le départ de ceux dont vous avez fait allusion, ce sont des feuilles mortes qui sont tombées de l'arbre, mais qui en réalité ne remet pas en cause l’existence de l'arbre dans sa plénitude. Vous avez suivi avec moi l'épisode malheureux de l'accord politique, nous avons qualifié cet accord de partage de gâteau, nous tenons ses propos du président IBK lui-même qui a dit que son gouvernement est un gouvernement de partage de gâteau, je n'invente rien. Il a dit clairement que des gens sont venus remplir leurs poches, ils ont quitté le gouvernement sans faire la vaisselle. Pour notre part, nous estimons que nos anciens camarades vont faire la vaisselle.
Pour nous les opposants, rien n'a changé, notre détermination est encore intacte. Combattre ce régime, sa façon de faire, et tous ceux qui rentreront dans le complot contre notre pays. Je vous informe qu'une nouvelle plate-forme a vu le jour, le mercredi 12 Juin 2019, « ANTALA, AN KO AN FASO ». C'est une plate-forme qui va réunir les énergies pour s'opposer farouchement à la révision constitutionnelle.
M. Sarr vous êtes l’un des grands animateurs de la scène politique malienne, dites-nous que vaut le Front Africain pour la Démocratie, FAD, dont vous êtes le Président ?
Le FAD va bien, c'est l'un des rares partis politiques à s'être opposé à la révision de la constitution. C'est un parti politique qui s'est inscrit comme programme la sensibilisation du peuple malien sur les dangers qui pèsent sur la démocratie. La force d'un parti politique ne se limite pas aux nombres des députes, mais plutôt à l'onde de ses valeurs, de ses convictions et de ses prises de positions à l'intérieur de son pays. Donc, le FAD est un grand parti à travers ses idées, son engagement, à travers sa posture de défense du Mali.
Notre engagement pour le Mali est un travail de tous les jours qui se fait sans considération de période électorale. J'ai l'habitude de dire qu'on ne devient pas président d'un parti politique pour être Ministre, Ambassadeur. Quand on est président d'un parti politique, c'est pour devenir président de la république, député. Dans tous les cas, personne ne sait de quoi demain sera fait. Lors de la prochaine élection présidentielle, le FAD proposera son projet au peuple malien, et c'est aux Maliens de décider. Pour le moment, nous comptons jouer notre rôle dans la défense de notre pays.
Actualité oblige, le centre du pays est en proie à un regain de tension communautaire avec son lot de massacres. Que préconiseriez-vous si vous étiez Président pour arrêter ces massacres ?
Aujourd’hui, nous sommes impuissants, nous n'avons que le pouvoir de dénoncer, mais il est évident que la situation ne doit pas rester comme telle, les massacres doivent s'arrêter, nous appelons l'ensemble des communautés Dogon, Bambara, peulh, à se retrouver. Le Mali, c'est l'unité dans la diversité. Puisqu’IBK ne veut pas de l'union sacrée, nous appelons les Maliens à se retrouver dans une véritable union sacrée, pour arrêter les dérives du Président IBK. Notre proposition serait le dialogue entre tous les Maliens pour coudre le tissu social fortement malmené par le régime IBK
Pensez-vous vraiment que ce sont des Maliens qui s'entre tuent ?
Que ces tueries soient l'acte ou pas de Maliens, ce qui est incontestable, c'est que ce sont des maliens qui sont tués. Donc, il faut mettre fin à cela.
Quel est votre mot de la fin ?
Notre pays traverse une situation extrêmement difficile. Il est urgent que les patriotes, forces progressistes se retrouvent au sein d'un vaste mouvement pour mettre fin à la gouvernance d’IBK. Le 05 avril a permis de mettre fin à la Primature de Soumeylou B Maïga. C'est à travers les mobilisations de ce genre que nous pouvons changer le cap, et d’en fixer un nouveau pour le Mali.