Des poissons tués par le cyanure et un lit envahi par les déchets directement déversés par les caniveaux et les collecteurs de la capitale ! C’est le triste visage que présentait le fleuve Niger après les premières grosses pluies de la saison à Bamako. Malgré les discours politiques, le cours d’eau vital au Mali (comme à l’ensemble des pays traversés) est plus que jamais menacé. Ses eaux sont déjà sérieusement polluée par les activités humaines comme les unités industrielles, la teinture artisanale, le maraîchage et de plus en plus par les dragues et les produits toxiques des orpailleurs. Quel avenir pour ce précieux cours d’eau exposé de nos jours à toutes les sources de pollution ?
A Quel destin condamnons-nous les futures générations ?
Le lit du fleuve Niger est de plus en plus la destination finale des ordures et des eaux souillées des caniveaux et collecteurs de la capitale. Entre incivisme et l’irresponsabilité des décideurs, Bamako continue de crouler sous le poids des déchets de toute sorte avec des caniveaux et des collecteurs devenus des dépotoirs.
Ce qui fait que, à la moindre pluie, le fleuve Niger se transforme à son tour à un large dépotoir avec des déchets plastiques suspendus sur l’eau sur des kilomètres et des kilomètres. Ces ordures vont finir par se déposer au fond du cours d’eau pour une éternité devenant ainsi une source importante de pollution en plus du mercure, du cyanure… déversé dans le Djoliba et ses affluents par les orpailleurs.
Beaucoup seront surpris par le temps de décomposition de nos déchets qui se retrouvent dans le Niger comme les bouteilles en plastique. Ces durées s’étalent sur plusieurs générations. En effet, la durée de vie des déchets dans la nature va de 2 semaines à 5000 ans. Et pourtant, comme nous rappelle une activiste, «on a beau nous répéter depuis l’enfance qu’il ne fallait pas jeter ses déchets n’importe où, le message n’a jamais été aussi d’actualité».
Ainsi le temps de décomposition du papier toilette est de 2 semaines à 1 mois ; d’un mégot de cigarette de 1 à 5 ans ; un papier de bonbon et ou de chewing-gum d’au moins 5 ans ; une canette en aluminium ou en acier ainsi que les pneus jusqu’à 100 ans ; d’un sac plastique jusqu’à 450 ans ; d’une serviette et tampon hygiénique ainsi qu’une couche jetable 400 à 450 ans ; d’une boîte de conserve en aluminium de 100 à 500 ans, d’une bouteille en plastique de 100 à 1000 ans ; d’une cartouche d’encre de 400 à 1000 ans ; d’une carte SIM de près de 1000 ans ; les objets en verre jusqu’à 5 000 ans…
C’est dire qu’une bouteille plastique dans le fleuve Niger aujourd’hui sera probablement encore dans l’eau à la naissance de nos arrières-arrières-petits-enfants. Un constat qui doit sans doute nous donner le tournis. La plupart des déchets, notamment plastiques, ne sont pas biodégradables et leur présence dans la nature n’est pas sans conséquences. L’invasion des déchets les cours d’eau, comme dans les océans, affecte toutes les espèces avec des particules plastiques qui finiront un jour leur course dans nos assiettes.
Si l’importance de ne pas jeter ses déchets dans la nature semble couler de source pour nombre de citoyens, le message est encore loin d’être ancré dans tous les esprits. Comme nous le voyons, par nos habitudes et nos activités socioéconomiques, nous sommes en train de polluer notre écosystème sur plusieurs générations déjà. C’est pourquoi il est plus que jamais urgent que chacun apprenne à jouer sa partition pour préserver la nature.
Le déchet le plus facile à éliminer est celui que l’on ne produit pas.
Et surtout que, le changement climatique aidant, les Maliens constatent d’année en année, la sécheresse précoce du fleuve Niger parcourant 4185 km. Sans compter que les activités humaines ont conduit à la dégradation et l’assèchement de cours d’eau mythique vecteur d’échanges commerciaux et de brassage socioculturel. «C’est tout jeune que j’ai connu ce fleuve plein de vie. Je me souviens encore du temps où les hippopotames venaient jusqu’à la berge du Palais de la Culture Amadou Hampâté Ba… Je suis surpris et très triste de le voir dans son état actuel par incivisme et par manque d’une réelle volonté politique en faveur de sa sauvegarde», déplore M. Aomar Hammouch, un Algérien qui a passé une grande partie de sa vie au Mali. Ce temps est révolu et le Djoliba se meurt depuis des décennies.
La perte du fleuve Niger sera le début du déclin de ces cultures dont il est une niche. Et pour sauver le fleuve Niger, nous ne devons plus compter sur les politiciens car ils sont tous des démagogues ! Vous ne pouvez imaginer combien d’élus (députés et conseillers municipaux) sont impliqués dans la pollution du fleuve Niger par l’utilisation des drags, du mercure et du cyanure dans l’orpaillage au Mali ! Il faut surtout une prise de conscience des populations pour enrayer toutes ces menaces. Une action citoyenne est aujourd’hui indispensable pour que les populations prennent conscience de leur impact sur leur environnement. A l’image de cette pétition lancée il y a quelques années par des citoyens sensibilisés et acquis à sa cause suite au constat amer de sa disparition.
Cette pétition, «#SaveFleuveNiger», vise à sensibiliser le maximum de Maliens, d’Africains, de citoyens du monde sur l’urgence de sauver le fleuve Niger à travers des campagnes d’information et de la sensibilisation, des activités de prévention de son lit… Il s’agit aussi de faire le lobbying pour accentuer la pression sur le gouvernement afin de lancer des initiatives d’envergure indispensable à sa sauvegarde, comme par exemple un projet de canalisation du fleuve pouvant contribuer à sauvegarder ce patrimoine précieux. Ne serait-ce que parce que «Amane Imane» : «L’eau c’est la vie», disent les touaregs !