Les assaillants les accusaient d'avoir collaboré avec l'armée malienne, ils les ont "identifiés", "mis à part" puis ils les ont "tués devant nous": agent de sécurité à Bamako, Abdoulaye Goro, rescapé de la dernière tuerie qui a visé deux villages dogons du centre du Mali témoigne.
Les villages de Gangafani et de Yoro, près de la frontière burkinabè, ont été frappés lundi soir par des attaques qui ont fait 38 morts et de nombreux blessés, selon un bilan officiel provisoire du gouvernement.
Abdoulaye Goro, se rendait ce jour-là en camion aux funérailles de son père à Dinagourou, localité proche des deux villages visés, quand une quarantaine d'hommes armés, certains lourdement, et "tous des Peuls", les ont interceptés et fait descendre du véhicule, déclare-t-il à un correspondant de l'AFP.
M. Goro et ses compagnons de route sont emmenés "dans la brousse" et rassemblés "sous les arbres", où se trouvent déjà une centaine de personnes placées sous surveillance, selon son récit.
"Ils ont procédé au contrôle des identités. Ils ne cherchaient que les habitants de Yoro et Gangafani. Tous ceux qui étaient de ces deux villages ont été mis à part", poursuit M. Goro.
Ensuite, "ils les ont tués devant nous, avec des fusils. C'est après qu'ils nous ont libérés", affirme ce dogon, qui dit n'avoir eu la vie sauve que parce qu'il est natif d'une autre localité.
- Acte de vengeance -
Pendant l'attaque, les assaillants ont reproché aux habitants de ces deux villages d'avoir "coopéré" il y a une quinzaine de jours avec des militaires maliens et burkinabè en intervention dans la localité voisine de Dinagourou, poursuit Abdoulaye Goro.
Les soldats avaient alors "arrêté beaucoup de personnes" dont une majorité de Peuls, selon ce témoin qui évoque une "vengeance ciblée".
Depuis l'apparition en 2015 dans le centre du Mali du groupe jihadiste du prédicateur Amadou Koufa, recrutant prioritairement parmi les Peuls, traditionnellement éleveurs, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, pratiquant essentiellement l'agriculture, qui ont créé leurs "groupes d'autodéfense".
Les violences ont culminé avec le massacre le 23 mars, attribué à des chasseurs dogons, de quelque 160 Peuls dans le village d'Ogossagou, près de la frontière avec le Burkina Faso. Le 9 juin, une attaque contre le village dogon de Sobane Da, proche de Bandiagara, faisait 35 morts.
A Yoro, Abdoulaye Goro dit avoir "personnellement compté une vingtaine de corps". "Ils ont tué surtout des jeunes qui revenaient des champs" à motos ou sur des charrettes.
A Gangafani, à une quinzaine de kilomètres de là, "nous avons trouvé 17 corps. Là-bas aussi, ils ont tué les gens dans les champs et brûlé une partie du village. Ils sont revenus (mardi) tuer une personne à Gangafani qui avait bien identifié les assaillants", ajoute-t-il.
- Traque difficile -
L'armée malienne renforce sa présence aux environs des deux villages attaqués, selon des sources concordantes.
Mais les groupes armés disposent d'un important réseau d'informateurs locaux qui rend leur traque difficile, affirme Abdoulaye Goro.
"Une patrouille se met en route: ils sont informés. Des forains prennent des cars pour les foires: ils sont au courant. Des enfants prennent le chemin de l'école ou des champs: on leur dit tout. Ils suivent tous les trajets de nos militaires et mettent des mines partout", explique-t-il.