Sur les questions des massacres dans la région de Mopti, la prorogation du mandat de la 5e législature et le dialogue politique, Soumaïla Cissé et les autres leaders de l’opposition, réunis au sein du Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), tirent sur le corbillard. Les analyses du FSD sont impertinentes dans un contexte de fragilité qui nécessite un sursaut national.
Dans une sortie médiatique, le chef de file de l’opposition et ses camarades, réunis dans le Front pour la sauvegarde de la démocratie, ont annoncé que c’est à la suite du constat de graves périls planant sur la Nation et la nécessité subséquente d’une union sacrée autour du Mali que le FSD a demandé, avec insistance, l’instauration « d’un dialogue national inclusif » avec toutes les forces politiques et sociales significatives du Mali. La finalité : établir un diagnostic précis des maux dont souffre le pays, en vue de leur apporter des solutions efficaces et pérennes. « A cet effet, le communiqué conjoint FSD-COFOP, publié le 19 avril 2019, indiquait que conscients des délais de préparation d’un tel dialogue, nous proposons que soit adopté sans délai et préalablement à toute autre initiative, un Accord politique clair de partage de responsabilités assorti d’une feuille de route transparente connue de tous ».
« La longue quête de cet accord politique a connu des moments importants, notamment la rencontre entre le président de la République et le chef de file de l’opposition politique, suivie d’autres rencontres avec plusieurs responsables politiques, ainsi que les discussions engagées par le Premier ministre autour du document élaboré par le FSD intitulé : « Accord politique et feuille de route », a indiqué Soumaïla Cissé au cours de presse organisée à la Maison de la presse de Bamako.
In fine, sans aucune information préalable, et de manière discourtoise pour ses rédacteurs initiaux, ce document a été remplacé par un autre texte, où était purement et simplement biffée toute la partie relative au partage de responsabilités, déplore-t-il.
« Il a également été vidé de sa substance dans une partie importante de la Feuille de route. De plus, le nouveau texte comporte, dans son préambule, des affirmations inexactes. Au total, ce texte se ramenait substantiellement à la révision constitutionnelle et à la prorogation du mandat des députés qui en étaient les préalables alors que le FSD souhaitait une approche plus globale et plus ambitieuse pour le Mali », a ajouté M. Cissé, non moins président de l’URD.
« Par conséquent, conformément à la loi régissant le statut de l’opposition, ses membres sont de l’opposition et ne peuvent ni siéger au gouvernement ni soutenir son action. A cet égard, il est regrettable qu’au cours de la cérémonie de signature de l’Accord politique de gouvernance, une confusion semée par le maître de cérémonie et certains signataires ait pu induire en erreur de nombreuses personnes dont des militants de notre regroupement, quant à une prétendue adhésion du FSD audit accord. Le FSD n’est pas signataire de l’accord politique de gouvernance », précisera-t-il.
Au sujet de la prorogation du mandat des députés, les responsables du FSD indiquent que la prorogation du mandat des députés est d’abord une violation grave de l’Accord politique de gouvernance, mais aussi et surtout une négation des prérogatives du dialogue politique inclusif. « Dans le chapitre I de l’Accord politique de gouvernance, l’article 2, alinéa 5 indique clairement que le Programme d’actions du Gouvernement sera articulé autour des axes suivants: l’organisation de consultations référendaires, des élections législatives, locales et régionales dans les délais convenus lors du dialogue politique inclusif ».
« Nonobstant cette disposition claire, le gouvernement ôte au dialogue politique inclusif tout pouvoir de connaître de la date des élections législatives en imposant son propre agenda. Une telle violation par le gouvernement de ses propres engagements sur une question aussi substantielle nous édifie sur sa conception instrumentaliste du dialogue politique inclusif. Pour cette première raison, le FSD rejette la prorogation du mandat des députés ».
Une deuxième raison de notre refus d’adhérer au projet est la violation flagrante de notre Constitution, poursuivent-ils.
« Au-delà du débat qui a opposé les constitutionnalistes sur le respect de la légalité par la Cour constitutionnelle elle-même dont l’avis avait servi de base juridique à la première prorogation, il est symptomatique de constater que l’avis de la haute juridiction n’a pas été sollicité cette fois-ci. Il se murmure, qu’en vérité, des membres de la haute juridiction, en quête de restauration d’un minimum de sa crédibilité perdue, ont refusé de suivre le gouvernement dans ses errements. Cette fois-ci donc, l’habillage juridique manque. Il ne reste donc, et c’est notre troisième raison, qu’un argument politique bancal, selon lequel je cite: l’évaluation de la situation politique et sécuritaire du pays révèle la persistance des difficultés et contraintes qui ne permettent pas la tenue d’élections législatives régulières et transparentes… »
La situation est quasiment similaire dans le Gourma et dans le Nord-est du pays. Le plan de sécurisation du Centre apparaît, à cet égard, comme un échec patent: le nombre de localités où l’Administration est absente, ne faisant qu’augmenter depuis les dernières élections présidentielles. Il ne saurait plus être question de croire à un nouvel engagement d’un pouvoir qui n’a su organiser en six années ni les élections communales sur l’ensemble du territoire ni les élections locales, et encore moins les élections régionales.
S’agissant de la révision constitutionnelle, le FSD dira qu’outre l’absence de visibilité sur les motivations et les objectifs de la révision constitutionnelle, faute de message clair du président de la République, il est clair, aux termes de l’article 118 alinéa 3 de la Constitution en vigueur qu’« aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. »
Avant donc tout référendum sur la révision de la Constitution, il faut d’abord assurer l’intégrité du territoire en libérant Kidal et en le faisant revenir dans le giron national.
« La présence d’un Gouverneur, qui reconnaît n’avoir aucun moyen coercitif à sa disposition, les conditions de voyage et de séjour des plus hautes autorités dans cette localité, le fait pour le Président de la République de n’avoir pu s’y rendre qu’une seule fois, non pas en sa qualité de chef de l’Etat, mais comme candidat à l’élection présidentielle et sans ses éléments de sécurité, l’interdiction faite aux FAMa de s’y rendre, sont autant d’éléments objectifs sur Kidal, occupée. De surcroît, la révision constitutionnelle devrait être l’aboutissement du dialogue politique envisagé. Il ne peut donc être organisé avant… »
C’est au regard de la mesure de tous les périls qui assaillent notre nation sur les plans sécuritaire, politique, social et économique, que nous avons accepté d’ouvrir la porte du dialogue. « Nous avons, donc, en toute responsabilité, accepté la main tendue pour promouvoir un dialogue républicain de sortie de crise. La plus urgente mesure de sortie de crise était la tenue indispensable d'un dialogue politique national inclusif, pour permettre à tous les Maliens de se parler afin de sauvegarder l’essentiel, aujourd’hui, dangereusement menacé par une crise multidimensionnelle sans précédent ».
Pour l’une des rares fois, le chef de file de l’opposition a tiré à côté. Puisque la détérioration de la sécurité dans le centre du pays a de quoi nous alarmer. L'ampleur des conflits a atteint des seuils jamais vus dans notre pays, et les évaluations contradictoires du gouvernement rajoutent à la confusion.
Aujourd’hui, l’insécurité a atteint un seuil intolérable qui menace la survie voire l’existence même de notre pays. Les analyses du FSD sont impertinentes dans un contexte de fragilité qui nécessite un sursaut national.
André Traoré