Le mouvement des chasseurs Dan Na Amassagou se défend d'être derrière les attaques dans le centre du pays. Son porte-parole a répondu aux questions du Point Afrique. Propos recueillis par Olivier Dubois
Depuis le début de l'année, la région centre du Mali vit une nouvelle page particulièrement sanglante et sombre de son histoire, avec les massacres de Koulongo, Ogossagou ou Sobane Da, sans que l'on sache vraiment comment tout cela a pu arriver et quels nouveaux événements funestes viendront en noircir les pages. Ces deux dernières années, certaines zones du Centre ont connu une multiplication des actes de banditisme, des pillages et des vols menant à une augmentation nette et dramatique des violences communautaires entre Dogons opposés aux Peuls, accusés d'héberger et d'être en collusion avec les islamistes. Dans le contexte de crise socio-politico-sécuritaire que vit le pays, le communautarisme est petit à petit devenu une norme, exacerbant les conflits et se concrétisant par des luttes fratricides qui opposent d'abord individu contre individu, puis groupe contre groupe et ensuite communauté contre communauté. Des conflits qui ont occasionné de nombreuses victimes, poussé des milliers de familles sur les routes, provoqué la dégradation des champs de culture, la perte de milliers de têtes de bétail et qui ont permis, avec l'avènement des djihadistes, l'apparition de milices à caractère ethnique surarmées et de mouvements d'autodéfense, comme le mouvement des chasseurs Dan Na Amassagou (en dogon : « les chasseurs qui se confient à dieu »). Une profusion d'acteurs qui, dans une impunité quasi totale, due à l'absence de l'État, ont plongé les populations dans une insécurité quotidienne et inédite. Marcelin Guenguéré est le porte-parole national du mouvement des chasseurs Dan Na Amassagou, le seul, selon lui, à faire face aux menaces qui gangrènent ces zones. Il a accepté de répondre aux questions du Point Afrique, au moment où certaines zones de la région de Mopti, comme les cercles de Koro, Bankass et Bandiagara, tendent à basculer dans un conflit général qui s'étend, alors que les solutions peu conséquentes et posées tardivement par le gouvernement malien sur le terrain ne donnent aucun résultat.
Le Point Afrique : Après les cercles de Koro et de Bankass, c'est maintenant celui de Bandiagara qui a basculé dans les affrontements entre Peuls et Dogons. Les attaques s'y multiplient. Les gens fuiraient Bandiagara, le chef-lieu du cercle, qui serait menacé d'une attaque imminente par des hommes armés. Que se passe-t-il à Bandiagara ?
Marcelin Guenguéré : Il y a toujours une stratégie opérante pour créer de l'amalgame et faire circuler de fausses rumeurs pour entacher la crédibilité du mouvement Dana Ambassagou. À Bandiagara vivent les populations Dogons, Peuls, mais aussi toutes les autres communautés. Nous avons appris qu'un message a été diffusé par la communauté peule pour informer tous les Peuls de quitter Bandiagara, parce qu'il y avait une menace d'attaque sur la ville. Une menace djihadiste, des Peuls veulent attaquer Bandiagara et il est dit dans ce message qu'ils vont attaquer Bandiagara porte par porte, donc, ils ont demandé via ce message à leur communauté de quitter Bandiagara avant l'offensive. Il y a même eu une réunion, et les autorités administratives de Bandiagara ont eu cette information par écrit. Nous exigeons que cette information soit montrée au public pour que la population, la communauté nationale et internationale sachent que cette rumeur est fausse. C'est la communauté peule qui projette d'attaquer la ville de Bandiagara, et ils ont demandé à tous leurs ressortissants de quitter la ville.
Pourquoi des Peuls voudraient-ils attaquer Bandiagara ?
La ville de Bandiagara, c'est la vitrine du pays dogon, ils veulent frapper fort en attaquant cette vitrine. C'est stratégique !
Ce conflit entre Dogons et Peuls s'est considérablement envenimé depuis ces trois dernières années, avec une nette aggravation depuis le début de l'année 2019. Comment expliquez-vous un tel conflit entre vos deux communautés, entre les frères d'hier devenus des ennemis aujourd'hui ?
Ce sont les Peuls qui ont été les premiers à attaquer, à tuer, à incendier nos villages, et par la suite, nous avons été obligés de nous défendre en créant notre mouvement, Dan Na Ambassagou. Nous avons tout essayé auprès des autorités pour qu'elles sécurisent les populations, qu'elles ramènent l'ordre, mais aucune disposition sécuritaire conséquente n'a été prise, et nous avons continué à être la cible de tous ces ennemis de la paix qui viennent tout le temps pour nous envahir. Nous avons été obligés de nous sécuriser nous-mêmes. Les chasseurs sont traditionnellement chez nous les gardiens du terroir, ce sont eux qui protègent les populations, leurs biens et la faune, ils ont donc pleinement rempli leur rôle. Vous savez, les personnes qui nous ont attaqués, ces terroristes, ces djihadistes, je vous assure que ce sont des personnes que nous connaissons, ce sont nos voisins peuls qui sont avec nous sur le territoire dogon. Je n'incrimine pas tous les Peuls, mais ce sont les Peuls qui vivent avec nous qui sont à l'origine de tout cela, ils ont leur agenda. Ils ont ensuite fait une large campagne et un grand lobbying pour embobiner la communauté internationale, les institutions internationales, même l'État malien, afin de faire croire qu'ils sont une minorité qui est combattue par la majorité qui est dogon, mais c'est archifaux !
Marcellin Guenguéré est le porte-parole du groupe d'autodéfense dogon Dan Na Ambassagou .
Vous parlez d'agenda, comme si tout cela était planifié, qu'elle serait l'agenda de ces Peuls autrefois au côté des Dogons, selon vos affirmations ?
Ils veulent un lieu de pâturage propre à eux, c'est pourquoi ils ont planifié de chasser tous les Dogons qui sont sur la plaine qu'ils appellent Seno pour les faire monter sur la falaise et réoccuper toute la plaine. Cette plaine conduit jusqu'au Macina où il y a la zone d'Amadou Kouffa, et ça continue dans le nord du Mali pour aller finir vers le Tchad et le Soudan, c'est une zone qu'ils veulent dégager pour leurs activités. Nous, nous sommes un peuple qui vivons sur nos terroirs et nous n'allons pas accepter de nous faire déplacer comme ça, car c'est nous qui les avons accueillis, c'est nous qui les avons installés et nous leur avons donné une partie de nos terres pour cohabiter avec nous, mais, maintenant, ils sont en train de faire croire qu'ils sont minoritaires et qu'ils sont là-bas depuis longtemps, que nous sommes devenus très nombreux et que l'on veut leur retirer tout ce qui leur appartient, tout ça est fait pour créer de fausses pistes et masquer leur agenda.