Avec l’adoption, samedi 28 juin, de l’ECO par les 15 États membres de la CEDEAO dont le Nigéria, le Franc CFA s’effacera progressivement. Interrogé par Sputnik France, Anouar Hassoune, PDG de Wara, se réjouit de l’avènement d’une monnaie unique ouest africaine à condition qu’elle intègre davantage les économies de la zone.
L’annonce qu’une monnaie unique de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) serait mise en circulation d’ici à 2020 a été faite à Abidjan, les 14 et 15 juin derniers par le comité des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales de la zone. Mais c’est à Abuja, au Nigéria, ce 29 juin, lors de la réunion au sommet des 15 Chefs d’État et de gouvernement, que le rapport sur le programme de la monnaie unique doit être entériné.
En plus de l’adoption du nom «ECO» pour cette future monnaie unique, les grands argentiers de la Cédéao ont retenu un «régime de change flexible comme cadre de politique monétaire»; ainsi que l’adoption du Système fédéral des Banques centrales et le respect de critères de convergence macroéconomique pour une union monétaire crédible sur la durée, selon ce rapport dont Sputnik France a eu connaissance.
Créée en 1975, la Cédéao regroupe 15 États membres totalisant 300 millions d'habitants, dont 180 millions pour le seul Nigeria, poids lourd démographique et économique de la zone, dont il représente environ 60% du PIB. C’est pour cette raison que le lancement officiel de la nouvelle monnaie se fera à Abuja, la capitale fédérale du Nigéria.
Longtemps attendue, mais jamais réalisée depuis 1983 du fait de l’opposition du géant ouest- africain à entrer dans une zone monétaire régionale intégrée, -tant que les pays de la zone franc n’accepteraient pas de se déconnecter du Trésor français-, l’adoption de l’ECO signe-t-elle, aujourd’hui, la fin du franc CFA? Pas totalement car l’Afrique centrale dispose elle aussi de cette monnaie créée en 1945, mais n’entrera pas dans le nouveau dispositif qui regroupe, pour l’heure, les seuls pays d’Afrique de l’Ouest.
Pour la plupart des commentateurs, le calendrier annoncé pour le lancement de l’ECO est «irréalisable» au vu des divergences actuelles entre les économies de la Cédéao et du chemin restant à parcourir pour leur harmonisation. En revanche, il y a un « bénéfice politique immédiat » à parler, dès aujourd’hui, de «monnaie unique». «Cela permet d'éteindre la polémique sur le franc CFA », selon un expert français cité par l’AFP sous couvert d’anonymat.
Le franc CFA est l’objet d’une polémique récurrente depuis une dizaine d’années entre ses défenseurs, qui soulignent sa stabilité, et ses détracteurs, qui l'accusent d'être une monnaie "néo-colonialiste". Mais quand bien même l’ECO serait la seule devise en circulation en Afrique de l’Ouest, les six Etats de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC), qui jouxte la CEDEAO, continueront à utiliser le franc CFA.
Pour Anouar Hassoune, PDG de WARA, une agence de notation ouest africaine agrée par l’AMF-UMOA, on retrouve cette tendance à vouloir former des «zones monétaires optimales» partout sur la planète. En conséquence, il se montre très favorable à l’adoption d’une monnaie unique ouest africaine à condition que cette dernière «permette d’intégrer les 15 économies de l’Afrique de l’Ouest, aussi bien que le franc CFA a su le faire», a-t-il déclaré au micro de Sputnik France dont il était l’invité le lundi 24 juin.
Plusieurs préalables, toutefois, devront être remplis, notamment en ce qui concerne les critères de convergence adoptés par des économies aussi diversifiées que celle du grand Nigéria, de la Côte d’Ivoire et toutes les autres, «la plupart plus fortement importatrices qu’exportatrices» afin de trouver une parité pour l’ECO « qui puisse satisfaire tout le monde », insiste-t-il. Le Pdg de Wara préconise donc un taux de change flexible pour l’ECO, contrairement au franc CFA qui a une parité fixe avec l’euro (6,56 francs CFA pour un euro, ndlr) avec «40% de dollars et 60% d’euros» pour calculer la parité de la nouvelle devise de la Cédéao dont il entrevoit la mise en circulation définitive « d’ici à trois ans ».