L’Etat seul n’en peut plus. Le maire du district de Bamako, Adama Sangaré croit pouvoir apporter une bouée d’oxygène si et seulement si les habitants de Bamako consentent à la citoyenneté en payant régulièrement la taxe de développement régional et locale (TDRL). « Si les TDRL étaient régulièrement payés, je suis sûr qu’il n’y aurait pas d’arriérés de 20 milliards de FCFA ». C’est le montant que l’Etat malien doit à l’entreprise marocaine Ozone qui a en charge par délégation, de l’assainissement de la ville de Bamako. L’entreprise malgré ce contexte difficile reste à Bamako, parce qu’il y a une décision politique à la base, le Roi Mohammed VI ayant promis d’aider à assainir Bamako. D’ailleurs, les déchets constituent une manne financière en perspectives, avec possibilité de transformation industrielle, énergétique et de compostage profitable, comportant de nombreux projets valorisants et porteurs d’emplois.
Début 2015, les autorités maliennes délèguent l’assainissement de la ville de Bamako, la capitale malienne ayant perdu sa lueur de ville propre, à une entreprise privée marocaine, Ozone. Cinq après, les résultats ne sont pas satisfaisants, ni pour la partie malienne ni pour le prestataire du service d’assainissement, encore moins les habitants de la capitale. La capitale Bamako est dans un état de délabrement inouï. Seulement 40 % des 1 600 tonnes de déchets produites par jour, est enlevé par Ozone. C’est dire que l’espoir suscité par l’excellent début de travaux effectués par Ozone (avec recrutements de nombreux jeunes, des femmes) a fait long feu. Le lieu de décharge pose problème. La situation actuelle est vécue par tout le monde sans exception : l’Etat, les opérateurs économiques, les habitants très éprouvés par les inondations coûtant des dizaines de vies humaines. Avec des pluies diluviennes, les ordures non enlevées viennent boucher les canalisations, causant des inondations avec des courants d’eau très forts, qui emportent des voitures, cassent les maisons, avec des conséquences incalculables. La situation est sans doute un drame vécu par la ville qui est le point de convergence des gens venus de toutes les régions du pays. L’assainissement de la ville de Bamako est une question nationale.
Le mariage de raison entre Ozone Mali et Bamako connait de sérieuses difficultés, mais les partenaires sont loin de rompre, chaque partie rumine ses peines en patience, en entendant un lendemain meilleur. Abordant l’avenir avec espoir, le Président Directeur général d’Ozone, Aziz El Badraoui a débarqué à Bamako la semaine dernière et a donné une conférence de presse le 28 juin 2019, avec à ses côtés, le maire du district de Bamako Adama Sangaré et leurs proches collaborateurs, dans la salle de conférence de la mairie de Bamako. La situation est certes grave, mais il n’y a pas péril en la demeure, trouvent les conférenciers. L’Etat malien est redevable de 20 milliards de FCFA (arriérés de paiement) à Ozone. L’entreprise marocaine d’assainissement reproche également à son partenaire malien de n’avoir pas mis à disposition un lieu de décharge finale pour les ordures transportées de la ville de Bamako, le site de Noumoubougou, qui avait été prévu par l’Etat n’étant toujours pas opérationnel. Les habitants de ce village qui ne sont pas d’accord avec la présence de la décharge dans leur environnement bloquent les véhicules de transport des ordures. Conséquence, l’entreprise Ozone dont le contrat consiste à collecter les ordures pour les déverser sur le site de décharge, se voit dans l’obligation supplémentaire de payer l’espace de dépôt. « Aujourd’hui, on paie pour déverser, cela n’était pas de notre ressort », se défend le Président Directeur général d’Ozone, Aziz El Badraoui.
Ozone au Mali, une décision politique
Pour le Président Directeur général d’Ozone, Aziz El Badraoui, avec « les matériels amenés pour rendre la ville propre, le changement a été perceptible. Aujourd’hui on voit la couleur du trottoir, on voit le goudron ». Avant l’intervention d’Ozone des tonnes de poussière couvraient les artères de la capitale qui n’étaient pas souvent balayées. Mais pourquoi Ozone semble avoir des ailes de plomb aujourd’hui ? Selon son Président Directeur général d’Ozone, Aziz El Badraoui, « on n’arrive pas à atteindre les objectifs pour des facteurs loin de Ozone. L’Etat doit mettre à notre disposition un lieu de décharge », mais la situation est telle que c’est l’entreprise elle-même qui se cherche ce lieu et paie pour ça, déplore le Marocain. Malgré les impayés d’Ozone qui se chiffrent à 20 milliards de FCFA, l’entreprise continue. Et elle a amené de nouveaux matériels coûtant 4 millions d’euros (soit plus de 2 milliards 600 millions de FCFA) et s’est mise à jour concernant les salaires de ses 1 454 ouvriers. Pour le Président Directeur général d’Ozone, Aziz El Badraoui, il y a une volonté de l’Etat marocain de continuer à collaborer. Il y a l’implication du ministère des Affaires étrangères compte tenu des relations d’amitié entre le Maroc et le Mali. « Ce projet est politique à la base. Après 5 ans les résultats sot mitigés, l’Etat n’est pas satisfait, encore moins la mairie et l’Ozone », a expliqué le maire du district Adama Sangaré. Après sa visite à Bamako, le Roi Mohammed VI a promis de contribuer dans l’assainissement de la ville et a envoyé Ozone. Ceci explique cela, sinon Ozone est une entreprise privée qui serait partie avec les difficultés qu’elle a connue à Bamako. Des matériels qui ont une durée d’amortissement de 7 ans l’ont été au bout de 5 années de dures tâches sans relâche.
Ordures, projets industriels
La mairie de son côté, perçoit la mesure des enjeux et croit pouvoir aider l’Etat à payer le montant dû. Pour le faire, cependant la mairie a besoin que les populations aient le reflexe citoyen. Pour le maire du district Adama Sangaré, « si les TDRL étaient régulièrement payés, je suis sûr qu’il n’y aurait pas d’arriérés de 20 milliards de FCFA ». D’où son appel aux habitants de Bamako à s’acquitter annuellement de la TDRL (Taxe de développement régional et local) qui est de 3000 FCFA, et des taxes de voirie. Ces contributions aideraient la mairie du district à intervenir efficacement aux côtés de l’Etat, et pourquoi pas prendre les choses en main, parce qu’en tout état de cause, l’assainissement est d’abord une question de gestion locale. Le paiement des taxes peut permettre à ce que « la ville se substitue à l’Etat », croit fermement Adama Sangaré.
Mais l’assainissement n’est pas seulement synonyme de charges, c’est également une question industrielle énergétique et de compostage profitable, comportant de nombreux projets valorisants et porteurs d’emplois. Des pistes à explorer pour permettre à Adama Sangaré de réaliser son rêve de Bamako ville propre, et à Aziz El Badraoui de réaliser à Bamako le projet de tri et de transformation des déchets, comme à FES où se trouve le plus grand site de transformation et de recyclage du monde.