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Programmation du mandat de la Minusma: enjeux, priorités et attentes
Publié le mardi 2 juillet 2019  |  Info Matin
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© Autre presse par DR
Le nouveau Commandant de la Force de la MINUSMA sur le terrain pour s’imprégner des réalités
Le général de corps d’armée Dennis Gyllensporre, Commandant de la Force de la MINUSMA a effectué, ce 31 Octobre 2018, une première visite de contact avec le bataillon nigérien de la MINUSMA à Ansongo et Ménaka.
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Ce 28 juin 2019, le Conseil de sécurité a décidé, à l’unanimité, de proroger, pour un an, le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), soit jusqu’au 30 juin 2020. Pour la France, délégation porte-plume de la résolution 2480 (2019), cette décision est « un message ferme » qui souligne la nécessité de progrès urgents dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. La délégation malienne a d’ailleurs assuré de la volonté de son gouvernement de poursuivre cette mise en œuvre, les parties travaillant actuellement sur une nouvelle feuille de route.

La Mission, selon la résolution, est autorisée à utiliser tous les moyens nécessaires pour accomplir son mandat. Sa principale priorité stratégique demeure d’appuyer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix, par le Gouvernement, les groupes armés ainsi que par d’autres parties prenantes maliennes.

Le Conseil a d’ailleurs décidé que les effectifs de la MINUSMA resteront au même niveau (au maximum 13 289 militaires et 1 920 policiers). À ce propos, la République dominicaine a regretté la diminution du nombre des membres féminins au sein de la Mission.

Sa seconde priorité stratégique concerne plus particulièrement le centre du Mali. La Mission doit en effet faciliter l’application d’une stratégie globale dirigée sur le plan politique par le Mali afin de protéger les civils, de réduire les violences intercommunautaires et de rétablir l’autorité et la présence de l’État ainsi que les services sociaux de base dans le centre du pays. Le texte détaille ensuite les « tâches prioritaires » comme l’appui à la stabilisation et au rétablissement de l’autorité de l’État dans le centre du pays et la protection des civils.

Comme « autres tâches », il mentionne les projets à effet rapide et la « coopération avec les comités des sanctions ». À ce propos, le texte souligne que les personnes ou entités inscrites sur la Liste relative aux sanctions imposées par la résolution 2374 (2017) ne bénéficieront d’aucun appui financier, opérationnel ou logistique de la part des entités des Nations Unies déployées au Mali, et ce, jusqu’à leur radiation de la Liste.

Les trois membres africains du Conseil de sécurité (Afrique du Sud, Côte d’Ivoire et Guinée équatoriale) ont exprimé leurs préoccupations quant à l’approche adoptée par la résolution au sujet des sanctions, craignant qu’il y ait des conséquences inattendues sur les processus politiques Les trois délégations ont également attiré l’attention sur la nécessité de respecter la procédure du Comité des sanctions. Celles-ci, a prévenu la Fédération de Russie, doivent être appliquées avec prudence par le Conseil de sécurité, notamment après avis d’experts.

S’agissant des obligations découlant du droit international, le Conseil exhorte les autorités maliennes à amener tous les auteurs de crimes impliquant des violations des droits de la personne et atteintes à ces droits et des violations du droit international humanitaire, y compris des violences sexuelles et fondées sur le genre, à répondre de leurs actes devant la justice sans délai. Le Conseil note que les autorités maliennes continuent de coopérer avec la Cour pénale internationale (CPI), conformément aux obligations souscrites par le Mali au titre du Statut de Rome, pour les questions relevant de la compétence de la Cour. « Il s’agit d’un point absolument essentiel sur le chemin vers la stabilité durable », a estimé la France, tandis que les États-Unis ont tenu à rappeler qu’ils ne sont pas partie au Statut de Rome.

L’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire et la Guinée équatoriale ont aussi exprimé leurs inquiétudes de voir d’ores et déjà évoquées, dans la résolution, les questions concernant la stratégie de transition et de retrait de la MINUSMA, alors même que la situation au Mali est encore instable. Selon les trois membres africains du Conseil, les discussions sur la transition et les mandats des opérations de maintien de la paix doivent se faire à l’aune d’une « évaluation factuelle et approfondie » des conditions politiques et sécuritaires sur le terrain. De surcroît, ont-ils argué, de telles discussions ne doivent être envisagées que lorsque les circonstances sur le terrain connaissent une amélioration substantielle.

De leur côté, les États-Unis se sont dits « satisfaits » que la résolution prévoie l’élaboration par la MINUSMA d’un plan de transition pour un transfert progressif des responsabilités au Gouvernement malien.

Dans l’ensemble, les délégations ont salué le fait que cette résolution donne à la MINUSMA un mandat fort, pour lui permettre de travailler efficacement dans le contexte actuel de la situation sécuritaire au Mali. La résolution permettra « sans doute » de faire des progrès dans le domaine politique, a résumé le Koweït en espérant notamment qu’elle apporte une solution aux nombreux problèmes, notamment sur le plan de la sécurité, dans le centre du Mali. Les États-Unis ont toutefois rappelé qu’il revient en premier lieu au Gouvernement malien d’assurer la sécurité dans cette région.

La République dominicaine et l’Allemagne ont, pour leur part, regretté que la résolution ne mentionne pas l’impact des changements climatiques sur la stabilité et la sécurité au Mali, « l’un des grands défis auxquels le Mali fait face » selon la première délégation, « des défis que la communauté internationale doit relever collectivement et urgemment » selon la deuxième.

Enfin, la Fédération de Russie n’a pas apprécié la mention, dans la résolution, des initiatives prises par le Secrétaire général en vue d’instituer une culture de la performance dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Il a estimé, comme il l’a fait pendant les consultations, que cette question ne devait pas figurer dans le texte puisqu’elle fait toujours l’objet de discussions, avant d’appeler à des « mesures conséquentes pour éviter des abus de la part des délégations porte-plume ».

Tâches prioritaires

Le conseil de sécurité a décidé que la MINUSMA appuie entre autres en priorité, la mise en œuvre des réformes politiques et institutionnelles prévues par l’Accord, en particulier dans son titre II, et surtout appuyer les efforts du Gouvernement visant à rétablir et étendre effectivement l’autorité de l’État et l’état de droit sur tout le territoire, notamment en concourant au bon fonctionnement des administrations intérimaires dans le nord du Mali selon les conditions énoncées dans l’Accord; soutient le cantonnement et le désarmement, la démobilisation et la réintégration des groupes armés, notamment grâce à l’intégration dans les Forces de défense et de sécurité maliennes d’éléments des groupes armés signataires à titre de mesure provisoire, et la poursuite de l’exécution d’un programme de lutte contre la violence communautaire, dans le cadre d’une réforme sans exclusive et consensuelle du secteur de la sécurité, en tenant compte des besoins particuliers des femmes et des enfants, et sans préjudice des plans de la Commission nationale de désarmement, démobilisation et réinsertion et de la Commission d’intégration. Elle doit aussi, dans la même dynamique soutenir l’élaboration par toutes les parties prenantes maliennes d’un plan complet de redéploiement des Forces de défense et de sécurité maliennes réformées et reconstituées dans le nord du Mali, et faciliter ce redéploiement en apportant un soutien opérationnel et logistique et un appui dans le domaine des transports pendant les opérations coordonnées et les opérations conjointes, en contribuant à la planification, en intensifiant les échanges d’informations et en fournissant un appui dans le domaine de l’évacuation sanitaire, dans la limite des ressources disponibles et sans préjudice des principes fondamentaux du maintien de la paix; et de veiller à la cohérence des efforts internationaux, en étroite collaboration avec les autres partenaires bilatéraux, les donateurs et les organisations internationales œuvrant dans ces domaines, y compris l’Union européenne, afin de reconstruire le secteur malien de la sécurité dans le cadre défini par l’Accord.

Concernant le centre, la MINUSMA est appelée appuyer i à la stabilisation et au rétablissement de l’autorité de l’État dans le centre du pays. À cet effet, elle doit aider les autorités maliennes à réduire la violence et les tensions intercommunautaires en exerçant ses bons offices; soutenir le redéploiement des Forces de défense et de sécurité maliennes dans le centre du Mali, y compris en continuant d’apporter un soutien opérationnel et logistique et un appui dans le domaine des transports pendant les opérations coordonnées et les opérations conjointes, en contribuant à la planification, en intensifiant les échanges d’informations et en fournissant un appui dans le domaine de l’évacuation sanitaire, dans la limite des ressources disponibles et sans préjudice des principes fondamentaux du maintien de la paix; aider les autorités maliennes à faire en sorte que les responsables de violations des droits de la personne et d’atteintes à ces droits, ainsi que de violations du droit international humanitaire, aient à répondre de leurs actes et soient traduits en justice dans les meilleurs délais.

Dans le cadre de la protection civile, la MINUSMA doit assurer, sans préjudice de la responsabilité prépondérante des autorités maliennes dans ce domaine, la protection des civils menacés de violences physiques; prendre des mesures actives, à l’appui des autorités maliennes, pour anticiper et décourager toute menace contre la population civile, notamment dans le nord et le centre du Mali, et pour y répondre efficacement, en adoptant une démarche globale et intégrée.

Déclarations

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a déclaré que la résolution adoptée aujourd’hui envoie un message ferme quant à la nécessité de progrès urgents dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Elle définit cinq mesures, concrètes et réalistes, dont le Conseil de sécurité souhaite voir la pleine réalisation d’ici un an et dont la mise en œuvre fera l’objet d’un premier bilan à mi-parcours par le Secrétaire général d’ici six mois, a rappelé le représentant. Les conséquences associées à l’absence de respect de cet objectif sont également clairement établies: ceux qui bloquent la mise en œuvre de l’Accord s’exposent aux sanctions, a souligné M. Delattre.

La résolution 2480 (2019) tire également les conséquences de la dégradation de la situation dans le centre du Mali, a ajouté le représentant, et elle appelle les autorités maliennes à y déployer sans délai une stratégie globale pour mettre fin aux violences et assurer le retour de l’État. La résolution demande à la Mission de veiller à consacrer suffisamment de moyens à son mandat dans le centre du pays. La résolution trace également une perspective claire s’agissant de l’avenir de la MINUSMA, en établissant que sa stratégie de sortie repose sur le redéploiement des forces armées maliennes sur l’ensemble du territoire malien ainsi que sur la pleine opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel, sans pour autant porter atteinte aux efforts consentis jusqu’ici pour la stabilisation du Mali et du Sahel.

Le Conseil de sécurité continue, à cet égard, de promouvoir une logique de partenariats entre les différentes présences de sécurité déployées sur le terrain, dans le respect des mandats de chacun, a estimé M. Delattre. À ce titre, il étend le périmètre géographique du soutien apporté par la MINUSMA à la Force conjointe du G5 Sahel dans le cadre de l’accord technique, pour autant que toutes livraisons au-delà des frontières maliennes soit réalisées par un tiers, et en contrepartie d’un engagement du Conseil à réexaminer le dispositif mis en place par la résolution 2391 (2017) d’ici un an.

Conformément aux recommandations formulées dans le cadre de la stratégie Action pour le maintien de la paix, cette résolution entend octroyer « un mandat clair, réaliste et concis » à la MINUSMA, a réitéré le représentant. En outre, elle rappelle l’importance du respect par le Mali de ses obligations en vertu du Statut de Rome. « Il s’agit d’un point absolument essentiel sur le chemin vers la stabilité durable », a prévenu M. Delattre qui s’est dit convaincu qu’au Sahel, plus que partout ailleurs, il importe que l’ONU et les gouvernements locaux prennent pleinement en compte dans leurs actions les impacts sécuritaires des changements climatiques et des autres facteurs environnementaux.

Mme KARIN GOEBEL (Allemagne) a souligné quatre aspects de la résolution qui, en premier lieu, confirme la priorité stratégique de la Mission, à savoir l’appui à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. En deuxième lieu, la MINUSMA a aujourd’hui une série de tâches clairement définies afin de soutenir le Gouvernement malien à affronter la crise dans le centre du Mali. La représentante a salué le fait que la nécessité d’un appui opérationnel de la Mission à la Force conjointe du G5 Sahel ait été reconnue. Elle a en revanche regretté que la résolution ne fasse pas mention des négociations sur les impacts des changements climatiques sur la stabilité et la sécurité au Mali. Ce sont des défis que la communauté internationale doit relever collectivement et urgemment, a-t-elle estimé.

M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) a souligné la nécessité de donner à la MINUSMA un mandat adéquat pour faire face à l’escalade de la violence et responsabiliser les parties signataires, ce que la résolution adoptée aidera à accomplir. Il a salué le fait que le centre du Mali, la région la plus dangereuse du pays, soit désormais au cœur de la seconde priorité stratégique de la Mission, visant à renforcer le soutien aux efforts du Gouvernement malien pour améliorer la protection des civils et le respect des droits de l’homme en rétablissant dans le centre une présence de l’État constructive et respectueuse de ces droits. Le délégué a en même temps rappelé qu’il revient en premier lieu au Gouvernement malien d’assurer la sécurité dans cette région.

Les États-Unis ne cachent pas leur déception devant la lenteur de la mise en œuvre de l’accord de paix de 2015, a dit le délégué américain avant de rappeler que le texte adopté ce matin prévoit des critères d’évaluation des progrès dans les dispositions de l’Accord relatives à la politique et à la sécurité. Nous nous attendons à ce que les parties réalisent rapidement des progrès significatifs par rapport à ces critères, a-t-il dit.

Pour renforcer cette attente, il a noté que le Comité des sanctions est sur le point de désigner davantage de personnes sous le régime de la résolution 2374, ce qui enverra un message clair aux parties que le Conseil tiendra responsables ceux qui bloquent les progrès dans la mise en œuvre de l’Accord.

Il a rappelé que la MINUSMA est une mission particulière qui évolue dans un environnement sécuritaire marqué par la présence d’extrémistes ciblant les Casques bleus. Il a apprécié en particulier l’appel de la résolution à améliorer la performance des troupes et de la police de la Mission. Le représentant a aussi noté avec satisfaction que la résolution prévoit l’élaboration par la MINUSMA d’un plan de transition pour un transfert progressif des responsabilités au Gouvernement malien.

En outre, les États-Unis notent que le texte fait référence à la Cour pénale internationale (CPI) à laquelle ils ne sont pas liés, puisque non-signataires du Statut de Rome. M. Hunter a tenu cependant à rappeler l’attachement des États-Unis à la justice internationale, notamment dans des situations de crime contre l’humanité ou pour les cas de génocide.

La délégation a salué par ailleurs le fait que le texte prévoie un appui aux contingents de la Force conjointe du G5 Sahel qui opèrent en dehors du Mali, par la fourniture de biens consommables, par le biais du mécanisme de soutien remboursable prévu dans la résolution 2391 et dans l’accord technique entre l’ONU, l’UE et le G5. Il a dit attendre une évaluation de cette option par le Secrétaire général pour examiner la nécessité de maintenir ce mécanisme ou non.

Pour le représentant des États-Unis, le terrorisme est une réalité pour le Sahel comme pour d’autres régions du monde. Il a donc suggéré d’appréhender cette question au cours d’un débat plus large sur les défis du terrorisme en Afrique de l’Ouest, en tenant par exemple compte des efforts déployés dans la région pour lutter contre ce fléau. Il a enfin dit espérer que les parties maliennes voient en cette nouvelle résolution une invitation à mettre en œuvre l’accord de paix.

M. ISSA KONFOUROU (Mali) a promis qu’il allait transmettre les observations faites par les membres du Conseil aux autorités maliennes. Il a assuré de la volonté de son gouvernement de poursuivre la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. En ce moment, a-t-il annoncé, les parties maliennes travaillent sur une nouvelle feuille de route, assortie de tâches et de chronogrammes réalistes, qui sont conformes aux étapes prévues par la résolution de ce matin.

Par ailleurs, le Cadre politique de gestion de la crise au centre du Mali, présenté par le Gouvernement est, a expliqué M. Konfourou, la réponse holistique combinant l’approche politique et l’approche militaire. De même, le processus d’organisation du dialogue inclusif voulu par le Président malien est entré dans sa phase active, notamment avec l’installation des éminentes personnalités nationales chargées de le conduire, a-t-il dit.

Revenant sur la résolution adoptée par le Conseil, le représentant s’est félicité du fait que la MINUSMA ait pour mandat de continuer d’accorder une priorité stratégique à l’appui de la mise en œuvre de l’accord de paix. M. Konfourou a aussi salué le fait que le texte prévoie comme seconde priorité stratégique pour la MINUSMA le soutien au Mali et à ses forces armées et de sécurité, en vue de la stabilisation durable de la situation sécuritaire dans les régions du centre du Mali. Il a terminé en rappelant que ce nouveau mandat nécessite la mise à disposition de moyens matériels, financiers et humains adéquats. C’est pour cette raison, a-t-il justifié, que le Gouvernement du Mali ne cesse de plaider pour voir les capacités opérationnelles de la MINUSMA renforcées, de manière à permettre à la Mission d’accomplir pleinement et efficacement son mandat.

La Rédaction

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