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Scandale des Puma d’occasion: le Mali floué et plumé
Publié le jeudi 18 juillet 2019  |  Info Matin
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© aBamako.com par A.S
Cérémonie de remise officielle et de présentation des aéronefs acquis dans le cadre de la LOPM
Bamako, le 04 octobre 2017 à la base aérienne de Sénou. Le Président de la République a, en compagnie de son ministre de la défense, réceptionné deux avions de transport de troupes et deux hélicoptères de combat qui s`inscrivent dans le cadre de la Loi d`Orientation et de Programmation Militaire (LOPM) 2015-2019.
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À peine élucidée la rocambolesque affaire des 700 milliards détournés entre 2005 et 2017 que le régime du président IBK est encore assailli par une nouvelle révélation faite par lui-même : des super-Puma achetés à la France à coup de plusieurs milliards qui restent cloués au sol pour défaut d’entretien.

Au-delà de la franchise affichée par le président de la République et le président de la Commission défense de l’Assemblée nationale, la pilule a du mal à passer dans l’opinion. En effet, s’interrogent beaucoup de Maliens : comment des hélicoptères réceptionnés en fin 2016 et à mi-2017 peuvent être cloués au sol ? Étaient-ce des hélicoptères neufs ou de mauvaise occasion acquis à coût de milliards ? Comme le suggère le député Karim Keïta, le Mali a-t-il été floué, en d’autres termes, trompé sur la marchandise ? Qui nous a floué ? Dans le cas contraire, qui est responsable de cette acquisition calamiteuse ? Qui est responsable du défaut d’entretien ?

La révélation du scandale des Puma n’est pas un scoop. La polémique sur l’opacité des conditions d’acquisition et des conditions d’entretien qui les obligent à rester au sol n’est pas nouveau.

Dans une tribune très documentée intitulée « malversations financières dans l’acquisition d’équipements militaires : comment la fraude est devenue monnaie courante dans le système IBK » publié en avril 2018 par notre confrère Le Républicain, notre compatriote Karim Sylla avait déjà ouvert la brèche dans laquelle le président du Parena s’était engouffré.

Acquisition des Puma, la mauvaise affaire

Dans cette tribune, Karim Sylla écrivait ceci :

« Malgré les problèmes connus du Super Puma, le Mali commande quand même l’hélicoptère, et reçoit son premier exemplaire, le 17 Octobre 2016, juste 10 jours après la levée de l’interdiction de vol par l’AESA. Il s’agit d’un modèle d’occasion qui a couté 3,87 milliards FCFA auprès d’Airbus Helicopters. Un deuxième exemplaire est commandé auprès de Vector Aerospace Financial Services Ireland Limited, qui était en ce temps une filiale d’Airbus Group. Ce deuxième exemplaire, également un modèle d’occasion, a couté 3,46 milliards FCFA et livré au début de l’année 2017. Et chose bizarre, cet appareil a été payé, non pas par transfert bancaire, mais en cash !

En plus du contrat pour l’acquisition des hélicoptères Super Puma, Airbus Helicopters a reçu un autre contrat de 3,9 milliards FCFA ; pour la fourniture de pièces de rechange, la formation, et l’assistance technique. L’opacité concernant ce contrat est simplement incroyable. Tout semble avoir été fait pour obscurcir les termes du contrat ; l’auditeur qui l’a analysé, conclu ainsi : « Nous avons eu du mal à̀ lire et comprendre les conditions générales de vente, car les écritures sont trop fines ».

Les deux appareils en question sont aujourd’hui cloués au sol ; « en panne », dit-on. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi l’armée de l’air, dont les mécaniciens et pilotes formés sur le matériel russe, s’engage pour un hélicoptère de type nouveau qui nécessite de nouvelles formations, pièces de rechange, et un système de maintenance onéreux et compliqués ? Pourquoi les recommandations des experts de l’armée de l’air qui préconisaient l’acquisition du Mi-17 – performances comparables, mieux adaptés aux conditions climatiques du Mali, plus facile à maintenir, prix similaire – n’ont pas été suivis ? À quoi sert le contrat de maintenance de 3,9 milliards FCFA (payé en 2016) si les hélicoptères restent cloués au sol ?

Aussi invraisemblable que cela peut paraitre, la réponse se trouve autour d’un investissement qu’Airbus a fait dans une mine d’or au Mali. »

Comment on n’en est arrivé là ?

Juillet 2013, le vent sable abime cinq aéronefs français au nord du Mali : trois Puma détruits, un Tigre et un PC-6 endommagés. Les trois Puma ont été littéralement couchés sur le flanc.

Décembre 2015, un rapport de la commission défense de l’Assemblée nationale française en date du 9 décembre 2015 explique que selon les informations fournies par la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère la Défense (SIMMAD), trois hélicoptères Puma renversés suite à de violentes tempêtes de sable au Mali ont dû être reformés.

Mais avant, en octobre 2013 déjà, les réseaux relaient une révélation est faite par la lettre du continent que le gouvernement est en négociation avec le groupe EADS négocie, depuis des semaines l’acquisition de 6 Super Puma Eurocopter et 2 Airbus Military C295 afin d’équiper l’Armée malienne.

Y a-t-il une relation entre les Puma réformés et les Puma négociés pour l’armée malienne ?

En tout cas, l’histoire dira plus tard que les Puma acquis par cette dernière étaient tous deux des occasions qui ne feront pas 18 mois de vol sans que cela ne soit précisé qu’il s’agissait deux des trois Puma endommagés par le vent de sable au nord en 2013.

Août 2016, notre confrère L’Indépendant indexe Karim Keita comme étant chargé d’acheter les vecteurs aériens qui manquent tant au Mali, dans son combat, contre le terrorisme. Dans sa parution intitulé « Karim Keita en mission à Paris pour l’acquisition d’hélicoptère et d’avion de combat », L’Indépendant annonce que « le président de la Commission Défense et sécurité de l’Assemblée nationale, l’Honorable Karim Keita (s’était rendu) en France et immédiatement après l’attaque de Nampala, le 19 juillet dernier. Dans le but selon nos sources concordantes, de faire avancer les dossiers relatifs à l’acquisition d’hélicoptère et d’avion de combat notamment ».

Démenti immédiat du député de la commune II qui était à Bamako dans les colonnes d’un autre confrère Le 22 Septembre : « Je suis député, je n’ai rien à avoir avec les achats d’avion. Ça se fait à un autre niveau qui ne m’intéresse pas. Cela ne relève de mes prérogatives. Je souhaite bien qu’on ait ses moyens de défense, le plus rapidement possible. Mais, comprenez que ce n’est pas à moi d’aller les chercher. Je suis élu à l’Assemblée nationale et je ne sortirai jamais de mon rôle de député qui consiste à examiner les lois et à contrôler l’action gouvernementale. Toutes mes actions s’inscrivent dans ce cadre ». Si ce n’est pas Karim comme on le voit, qui alors ?

Qu’est-ce qu’on a réceptionné ?

Toujours est-il que quelqu’un a fait l’acquisition de ces Hélicoptères au nom du Mali et qu’Airbus a livré son premier hélicoptère H215 Super Puma à l’armée de l’air malienne qui le réceptionnera officiellement, le 17 octobre 2016, lors d’une cérémonie à une base aérienne située à Bamako.

En attendant l’acquisition du Second le en 2017, dans quel état le premier Puma avait-il été reçu ?

Dans le quotidien national L’Essor du 19 octobre, expliquant cette acquisition qui est l’une des retombées de la mise en œuvre de la loi d’orientation et programmation militaire, le chef d’état-major de l’armée de l’air, Souleymane Bamba, indique que « cet hélicoptère permet de renforcer les capacités de l’Armée. Nous avons eu la chance d’avoir des programmes de formation pour les pilotes de Puma. Une première formation de 3 mois sur la conduite de l’hélico et un programme de 24 mois sur les aspects techniques. Les formations sont assurées par des professionnels français ».

Après deux ans de formation « sur les aspects techniques », comment nos Puma peuvent-ils se retrouver cloués au sol « faute de maintenance appropriée » ? Où sont passés ceux qui ont bénéficié de ces 24 mois de formation sur les aspects techniques ? La réponse se trouve à l’entame.

En effet, lors de la cérémonie de présentation du premier Puma, le lundi 17 octobre, en responsable rigoureux et consciencieux, le ministre Maïga a effectué ensuite une visite de terrain pour s’imprégner des réalités de la base. C’est dans ce cadre qu’il a été informé par le chef d’état-major des difficultés auxquelles le service est confronté, notamment l’entretien des avions, les infrastructures vieillissantes, le manque de personnel qualifié. Surpris par le constat, le ministre de la Défense et des anciens combattants, selon L’Essor, relèvera que les investissements doivent être suivis impérativement de résultats. Car, pour Abdoulaye Idrissa Maïga, si l’État injecte de l’argent, c’est pour des objectifs bien précis.

Sur-le-champ, il a instruit au chef d’état-major Bamba de faire une proposition de projet global qui sera étudié. Cette proposition devrait prendre en compte toutes les préoccupations. Quelle a été la suite de cette instruction ? Le gouvernement a-t-il pris en charge le budget demandé ? Comment ce budget a-t-il été géré ? Autant de questions sans réponse, sauf une seule : les Puma sont cloués au sol.

Liaisons opaques ?

Juillet 2017, selon Bloomberg, la mine d’or de Kodiéran au Mali qui n’a jamais produit beaucoup d’or suscite des questions sur la curieuse participation d’Airbus. En effet, en 2012, la mine a attiré l’intérêt d’un curieux actionnaire : Airbus. Le fabricant d’avions a acheté sa participation en utilisant 15 millions d’euros d’un fonds interne, à travers une série d’entités dans les îles Vierges britanniques, le Luxembourg, la Suisse et l’Allemagne. L’incursion d’Airbus dans l’exploitation minière ne s’est pas bien passée, car la société a perdu presque tous ses investissements. Par contre, son activité principale a connu un succès, un premier contrat avec l’armée malienne pour vendre deux hélicoptères d’occasion Super Puma. Airbus a livré les deux hélicoptères Super Puma à la fin de 2016 et au début de 2017.

Le Parquet financier de Paris poursuit Airbus dans un scandale de corruption impliquant l’homme d’affaires Aliou Diallo pour « corruption d’agent public étranger », « abus de biens sociaux » et « blanchiment de trafic d’influence international » concernant un investissement de 14 millions d’euros réalisé dans une mine d’or malienne.

Le milliardaire, qui a toujours clamé son innocence et n’avoir rien à voir avec l’achat d’avion, défie le président IBK à la présidentielle. Il arrive 3e. Suite à ce nouveau rebondissement, c’est le responsable de la jeunesse de son parti qui monte au créneau.

Pour Cheick Oumar Diallo, « c’est complètement bidon. Ces appareils ont été achetés par un régime avec lequel nous avons rompu la collaboration depuis des années. Et pour ton information, Aliou Diallo n’a jamais, de toute sa carrière, ni exécuté ni été de près ou de loin en rapport avec un marché d’État. En quoi peut-il bien être impliqué dans cette affaire ? Franchement le minimum c’est de te renseigner avant de sortir des énormités pareilles ! Cette Une est mensongère, grossière, diffamante et absolument infondée ». Comme Karim Keïta, Alou B Diallo clame aussi son innocence sans être contredit.

Deuxième Puma, deuxième scandale

Début octobre 2017, le gouvernement organise en grande pompe la cérémonie de réception du Super Puma de l’Armée de l’Air du Mali. Tout le monde était là : le président IBK, les membres du gouvernement et tout le gotha de l’armée malienne. On en profite pour aligner les nouvelles acquisitions (les vecteurs aériens) dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation militaire. Onze « vecteurs aériens » !

Un CASA 295, deux Y12 (avions de transport), un Super Puma, deux MI-35… ont participé au défilé aérien sous l’œil admiratif du Commandant en Chef de l’armée malienne.

On jubile, on loue la vision et le pragmatisme du chef, « les nyangos vont maigrir », se moquent les soutiens du régime.

Sans jouer aux cassandres, commentant l’Acquisition de 2 hélicoptères « Super Puma S 332 L » (marque française), un compatriote twittait ceci : « si ça ne date pas de 40 ans, c’est bien ».

Six mois après, le 25 avril 2018, l’empêcheur de tourner en rond, le rabat-joie N° 1 de la République met le pied dans le plat. Il sort encore avec des « révélations » au sujet des micmacs et les détournements sur l’achat d’équipements pour l’armée malienne, particulièrement le cas de l’hélicoptère super Puma payé en espèces et le mystère des avions brésiliens.

Malgré les démentis officiels du gouvernement, Tiebilé Dramé qui reste de marbre, maintient ses dénonciations. En plus du Super PUMA « d’occasion acheté en Irlande et payé en espèces », le gouvernement malien, dira-t-il, a déboursé près de 3,5 milliards de FCFA pour payer, cash, un hélicoptère de transport type « Super Puma » en violation de toutes les règles élémentaires de procédure d’achat. Vant d’enfoncer le clou : le scandale, c’est que cet hélicoptère est cloué au sol malgré l’achat de pièces de rechange à hauteur de 3 milliards de francs CFA. Avant de révéler qu’un officier supérieur a déclaré au magazine américain en ligne « Bloomberg.com » que les deux Super Puma étaient « cloués au sol ». Ils n’étaient pas en mesure de voler à la fin janvier 2018, avait révélé Tiebilé Dramé.

Comme si l’histoire donnait raison à Tiébilé. Dramé, qui entre temps, a choisi de tronquer son blouson d’opposant contre un costume sur mesure de ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement, le président IBK confirme lui-même fin juin-début juillet 2019 que les hélicoptères Puma sont cloués au sol. Dans Jeune Afrique N° 3051 du 30 juin au 6 juillet 2019, le président IBK dira : « Lorsque j’ai été élu pour mon premier mandat, en 2013, il n’y avait aucun appareil en état de voler. Depuis, nous avons acquis auprès de la France un transport de troupes Casa et deux hélicoptères Puma – lesquels, hélas, sont encore cloués au sol faute de maintenance appropriée ».

Silence de la classe politique. Même les réseaux, par égard pour le président IBK, n’ont pas trop parlé de cette affaire gênante. Alors même qu’on croyait passer la polémique ou les polémiques au sujet de cette interview, samedi dernier, le président de la commission défense de l’Assemblée nationale, Karim Keïta, lors d’un colloque à Paris déclare : « les hélicoptères que nous avons achetés ne peuvent plus voler, ça marchait au début, mais vraisemblablement on a un problème d’entretien, depuis l’achat, je me demande si, on n’a pas été floué à l’achat »… Remettant à la Une un scandale dont les acteurs et les responsabilités gagneraient à être situés.

Que retenir ?

En attendant donc, les conclusions de l’enquête, si enquête il y a ou s’en suit on peut retenir :

– L’information a pris le pas sur la communication sur cette affaire d’avions d’occasion achetés par le gouvernement. Comme on l’a vu depuis janvier 2018, les Puma français acquis par le Mali pour le compte de l’armée malienne sont cloués au sol. En confirmant l’information, le président IBK met un terme à la polémique.

-l’hypothèse de la tromperie sur la marchandise soulevée par le député Karim Keïta qui se demande si le Mali n’a pas été floué relance la polémique autour des conditions opaques d’acquisition de nos avions. Par conséquent, oblige le gouvernement à faire un audit indépendant de ces acquisitions pour se blanchir et situer les responsabilités ou l’Assemblée nationale à prendre son courage pour ouvrir une enquête parlementaire afin de répondre aux interrogations et indignations légitimes des Maliens.

-En raison de la présomption d’innocence, et de leur niveau respectif de responsabilités et de culture, nous pensons à Info-Matin, qu’il convient plutôt de chercher à décrypter l’objectif de la communication du président IBK et de son fils en disant que les hélicoptères sont cloués au sol et qu’il est possible que le Mali ait été floué plutôt que conclure sous la colère et l’indignation légitimes à leurs responsabilités. S’ils étaient impliqués de quelque manière que ce soit dans cette affaire, pensez-vous qu’ils allaient revenir là-dessus et même suggérer une enquête ? En effet, quand un député et président de Commission de défense affirme publiquement qu’il se demande si son pays n’a pas été floué, il soulève non seulement une piste à prospecter, mais indique aussi clairement une voie à suivre : il faut enquêter.

-la confirmation des révélations de l’opposition sur les conditions ténébreuses et scandaleuses d’acquisition et les prix de ces Pumas d’occasion, payés au cash disait Tiébilé Dramé en son temps indiquent apparemment que le Mali n’a pas été seulement été floué, il peut aussi avoir été plumé de plusieurs milliards.

-À l’indignation compréhensible de beaucoup de Maliens, pourquoi des casses ou au-revoir la France au lieu des hélicoptères neufs, il faut simplement rappeler qu’au regard de ses faibles moyens et des défis multiples auquel il fait face (mais aussi des rétro commissions et des tonitruantes surfacturations dans le circuit des marchés), le Mali n’a certainement pas encore les moyens d’offrir à son armée des hélicoptères Puma neufs. Ça ne calmera certainement la fureur de tout le monde, au contraire, ça au risque de nous faire subir la fatwa de certains qui nous accuserons de faire l’avocat du diable, mais il est utile de rappeler que même l’avion du président du Mali est un avion-casse, un Boeing d’occasion.

Donc, cherchons qui nous a floué et qui nous a plumé.

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