Le Canada, un des membres du groupe donateur, a réalisé en 2018, un audit des comptes du Mali sur la période 2005-2017. Au-delà du détournement de plusieurs milliards de FCFA, le rapport final révèle que 11,6% des plaintes adressées par le Bureau du Vérificateur général au ministère public ont été traités.
La lutte contre la corruption demeure le talon d’Achille des autorités maliennes où l’impunité règne en maître. C’est ce qui ressort, en tout cas, du rapport final (dont le journal Le Wagadu a reçu copie) de l’audit des comptes du Mali sur la période 2005-2017, révélé par le royaume des Pays-Bas.
L’étude conclut sur la base des rapports de la Cour des comptes, entre autres, que les autorités maliennes ont engagé des dépenses irrégulières de 1,13 milliard d’euros sur la période 2005-2017 soit 700 milliards de FCFA. Ce qui représentait 4,4% des dépenses totales du gouvernement au cours de cette période.
Il faut toutefois ajouter qu’une distinction est faite ici entre les dépenses publiques entrant dans la catégorie de mauvaise gestion (729 millions d’euros) et les dépenses pour lesquelles il existe des soupçons de fraude (401 millions d’euros).
Une quasi-impunité dans la lutte contre la corruption
Selon le document, le suivi des recommandations des treize ans de rapport des structures de contrôle maliennes (Bureau du Vérificateur général, Cour des comptes, CASCA, etc.,) est très insuffisant. À titre d’exemple, «Sur les 2472 recommandations, seulement 22% ont été mises en œuvre et vérifiées par le Bureau du Vérificateur général (BVG)». Quant aux plaintes, le rapport révèle que «seulement 11,6% des plaintes adressées par le BVG au ministère public sont traités». La justice s’en défend et évoque très souvent un manque de moyen.
Toutefois, le manque de visibilité dans les procédures judiciaires renforce le sentiment d’impunité chez beaucoup de Maliens qui s’interrogent de plus en plus sur l’utilité des rapports de contrôle.
Dans les colonnes du quotidien «L’Indépendant», Dietrich Becker, l’ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne, en fin de mission dans notre pays, jette du «discrédit» sur la justice. Il affirme qu’il «n’encouragerait pas un Allemand à investir au Mali vu l’Etat de la corruption de la justice». «Personnellement, j’ai plus confiance aux populations dans les campagnes et aux sages dans les villages qu’aux institutions de la République du Mali», a-t-il ajouté.
Les bailleurs de fonds tapent du poing sur la table
Face à cette situation, les bailleurs de fonds haussent le ton et demandent des explications au gouvernement. C’est dans ce cadre que le ministre de la Coopération internationale des Pays-Bas a rencontré, le 25 juin, le Premier ministre Dr. Boubou Cissé pour la suite à donner à l’affaire. Selon nos informations, le ministre néerlandais a exprimé ses préoccupations au sujet des dépenses du gouvernement malien, de la mauvaise gestion et des fraudes présumées.
«Le gouvernement malien doit veiller à ce que cela soit et reste une priorité, que l’utilisation des fonds publics soit transparente et que ces dépenses soient comptabilisées», rapporte une source néerlandaise. Il faut rappeler que la part de risque des Bataves dans cette malversation s’élève à 13,7 millions d’euros.
Pour le moment, la réaction officielle du gouvernement se fait toujours attendre. Toutefois, il nous est revenu que le Premier ministre s’est engagé à fournir une réponse écrite à l’étude et s’est déclaré disposer à examiner le cadre institutionnel des organes de contrôle et de surveillance. C’est d’ailleurs le Premier ministre qui a demandé de divulguer le contenu de l’étude.
La publication de ce rapport est intervenue quelques jours avant celui du Vérificateur général, qui a, lui aussi, révélé des manquements très graves. Au vu de ce qui précède, ces malversations risqueront hélas de rester impunies.