Hier, mercredi 17 juillet, le gouvernorat de Kidal a été assiégé par une meute de manifestants (surexcités), qui se sont attaqués aux symboles de l’Etat. Dans cette hystérie collective, certains criaient leur haine contre le Mali. L’objectif affiché de cette manifestation était, dit-on, d’empêcher une délégation des députés (en mission dans la localité) de hisser le drapeau national au niveau de certains édifices publics : le gouvernorat, l’Assemblée régionale et le camp du MOC. Cependant, tout indique que cette nouvelle violence à Kidal contre la République a été orchestrée par des responsables de certains mouvements signataires de l’accord de paix qui sont logés dans des hôtels à Bamako et s’abritent derrière la population.
Selon des témoignages en provenance de Kidal, tôt le matin, les manifestants se sont dirigés vers le gouvernorat où ils ont ordonné au protocole du gouverneur d’enlever le drapeau du Mali qui s’y trouve, pour ensuite le brûlé.
Sur les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, on y voit le drapeau national trainé à terre, puis brûlé par certains manifestants. Une manière, selon eux, de dire que la population de Kidal ne se reconnait plus du Mali. Aussi, le retour immédiat à Bamako de la délégation des députés a été ordonné par les manifestants. Le Hic ? Les responsables de la CMA, qui sont à la manœuvre de tout ce qui passe à Kidal, sont à Bamako et entretenus (logement, nourriture, salaires…) par l’Etat. Aussi, les mêmes responsables de la rébellion se pavanent entre Bamako, Paris, Alger et Bruxelles. Cette crise étant devenue pour eux un juteux fonds de commerce. Tout le monde (autorités maliennes et partenaires) sait cette triste réalité.
Ces incidents ont été savamment planifiés depuis quelques jours. En effet, pour préparer les esprits, dans une déclaration, le jeudi 4 juillet dernier, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a remis sur le tapis la question de l’accord de paix. Elle demande à ce que l’Accord d’Alger dont beaucoup exigent la révision ne soit pas remis en cause ni dans la forme encore moins dans le fond par le dialogue politique inclusif. En s’accrochant à ce document jugé inapplicable par beaucoup d’observateurs et de citoyens Maliens…
Pendant que beaucoup de Maliens réclament l’appropriation de l’Accord d’Alger par le peuple malien, la CMA tient plus que jamais à ce document. « Que l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, ne soit pas remis en cause ni dans la forme, ni dans le fond par ce dialogue », c’est l’une des conditions qu’a posé la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) pour sa participation au dialogue politique inclusif. A travers cette déclaration, la CMA prouve sa mauvaise volonté de relecture de l’Accord d’Alger.
Volonté de la CMA en contradiction avec l’article 65 de l’Accord d’Alger. Bizarrement, la déclaration de la Coordination des mouvements de l’Azawad contredit certaines dispositions du document. L’accord, au niveau des dispositions finales, dans l’article 65, précise : «Les dispositions du présent Accord et de ses annexes ne peuvent être modifiées qu’avec le consentement express de toutes les parties signataires du présent Accord et après avis du Comité de suivi ».
Cet article voudrait que le document puisse être modifié si les parties sont d’accord. Pourquoi donc la CMA ne veut pas débattre de la forme et du fond du document ? Que cache-t-on aux Maliens ? On comprend par-là, qu’elle donne raison à ceux qui pensent que l’accord contribuera à la partition du Mali en faveur de la CMA.
Comment Kidal a été perdu
Par rapport au Nord (Kidal), le plus difficile avait alors été fait sous la transition, surtout la faveur de la signature de l’accord de Ouaga, le 18 juin 2013. Sur la base de l’application de cet accord, Kidal (ré) intègre le giron du Mali : l’armée occupe le camp 1 ; le gouverneur de la région revient, s’installe à la mairie, puis dans les locaux du Gouvernorat ; tous les chefs des services régionaux suivent, de même que les banques (BMS SA). Mieux, l’administration de commandement (Préfets et Sous-Préfets) regagne leurs postes dans tous les cercles et arrondissements de la région. Il ne restait plus à IBK qu’à consolider les acquis… Malheureusement, le président multiplia les incohérences et les bourdes dans la gestion du dossier : discours va-t-en-guerre, diversification des médiateurs, traîne dans l’ouverture des négociations en violation de l’Accord de Ouaga etc. Néanmoins, IBK parvient à maintenir le cap sous le règne de son premier Premier ministre, Oumar Tatam Ly.
Jusqu’à l’arrivée de Moussa Mara, tout était tranquille et même les jalons d’un véritable début des négociations posés…
Cependant, l’épineuse question de Kidal a refait surface à l’Assemblée nationale lors de la Déclaration de politique générale, Moussa Mara. Au cours des débats, le premier ministre de l’époque, a annoncé aux députés, sous forme d’un défi, qu’il ira à Kidal, « dans les jours à venir ».
Effectivement, à partir du 16 mai 2014, soit quarante jours après sa nomination, Mara entame une visite dans les régions du Nord et qui devait le mener à Tombouctou, Gao et Kidal. La première étape se passe sans anicroche. Mais, pour celle de Kidal, le PM en fut fortement déconseillé aussi par la Minusma que par les forces de Serval. Pour elles, le contexte ne s’y prêtait pas. Peine perdue. Mara s’entête et atterrit à Kidal, le samedi 17 mai 2014. Conséquence : six administrateurs civils égorgés et deux civils tués le même jour par les rebelles de la CMA. Mara quitte Kidal la tête baissée. Et déclare la guerre au Mnla. Le 21 mai, l’armée malienne est mise en déroute par les rebelles. Kidal retombe entièrement dans l’escarcelle de la CMA, qui chasse toute présence malienne et tout symbole du pays dans la ville…
Le septentrion sous contrôle de la CMA
En allant à Kidal, Mara, sciemment ou inconsciemment, a rendu un grand service aux groupes armés qui, aujourd’hui, fédère toutes les forces djihadistes du Mujao et terroristes d’Aqmi et, surtout, la France qui n’a jamais voulu combattre certains d’entre eux.
La complicité française dans le dossier de Kidal est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Le jeu flou entretenu par les libérateurs du 11 juin 2013 était dénoncé en privé à Bamako par des responsables politiques, des officiers de l’armée malienne et même par certains élus. Deux exemples concrets sous forme d’interrogations. Primo, pourquoi les forces Serval ont libéré les régions de Mopti, Ségou, Tombouctou et Gao et installé l’armée malienne tout en interdisant l’entrée des Fama dans Kidal ? Secundo, qu’est-ce qui explique l’inaction des forces étrangères (Minusma et Barkhane) lors de la bataille du 21 mai à Kidal ?
Et le drame, c’est que l’on ne dit pas toute la vérité aux Maliens sur la situation qui s’achemine vers le scenario exécuté au sud-Soudan. En effet, derrière les discours, sur le « respect de l’intégrité territoriale du Mali », se cache-t-elle une volonté voilée d’aller vers une autonomie de Kidal, puis l’auto-détermination et enfin l’indépendance de l’Azawad.
Depuis la débâcle de l’armée à Kidal, en mai 2014, une vaste campagne d’intoxication était menée par la CMA auprès des populations. Le mouvement affirme que l’Etat malien ne reviendra plus dans la zone.
Mohamed Sylla
Encadré
Kidal : IBK rattrapé par ses propos !
Dans une interview accordée par IBK au journal «Construire l’Afrique» en 2007. De la crise du nord à l’Accord d’Alger 2006, en passant par le cas de Kidal. Voici ce que IBK disait :
« J’ai été Chef du Gouvernement, au plus fort de la crise du Nord ; je me suis immédiatement rendu sur le terrain, dans le Nord, au moment où le sang était encore frais ; j’ai vécu et partagé, sur place, la douleur des familles qui ont perdu un des leurs.
J’ai rencontré les insurgés et leur ai dit que, seul l’Etat avait le droit d’user de la force et, cela, dans des cas bien spécifiques ; que tout soulèvement d’éléments des Forces armées et de l’ordre était, pour moi, illégal et illicite. J’ai marqué ma détermination à combattre toute revendication faite en usant de la force et j’ai enjoint aux rebelles de déposer les armes.
Dans le cas présent de la récente mutinerie de Kidal, il n’était point nécessaire d’aller chercher la médiation d’un pays ami, de l’impliquer dans ce dossier et d’en faire une partie prenante, au point que le Comité de gestion et de suivi mis en place comprenne, outre les Représentants de l’Etat malien, ceux des mutins et du Médiateur étranger. En tant que Malien, drapé dans sa dignité, je me sens mal dans ma peau.
Nous avons tous constaté que nos dirigeants ont fait preuve de faiblesse et de manque de courage dans cette affaire ; ils n’ont pas réalisé que c’était là, l’occasion pour eux, de se mettre à la hauteur de leur mission historique, de garantir l’intégrité territoriale du pays et de mettre la Région de Kidal au même niveau de préoccupations que toutes les autres Régions du Mali.
En réalité, il y avait une crise de confiance entre les mutins du Nord et le pouvoir central ; les mutins n’ont pas cru à la volonté d’ATT de respecter sa parole ; à la veille de leur soulèvement, ils venaient, en effet, de quitter le Président de la République…
Le Mali a cette chance d’être une Nation depuis des temps très anciens ; c’est une Nation, historiquement fondée sur les bases d’une communauté de territoire, de langues, de vie économique et d’organisation sociale communes, qui se fondent dans une communauté de culture, de traditions et de partage.
Grand et vieux pays de l’Afrique Occidentale, carrefour de civilisations fondatrices d’entités prestigieuses, le Mali est constitué en Etat depuis le 11ème siècle, date de la création du premier Etat fondé et géré par des Africains. Ce fut l’empire du Ghana ; ce premier Etat africain et noir a émerveillé les historiens, par son haut degré d’organisation et sa place rapidement acquise dans le monde d’alors.
Ce sont, là, des atouts exceptionnels que nous devons savoir conserver, préserver et transmettre, de génération en génération.
C’est ce qui nous permet, chaque fois, de rebondir et de faire en sorte que tout problème soit pris en charge par les Maliens, en puisant dans nos valeurs communes.
Au Mali, nous devons donc arriver à résoudre nos problèmes et nos différends, dans le cadre d’un dialogue confiant ; ce qui a manqué entre les rebelles et ATT.
Dans cette affaire de Kidal, oui, je crois, que nos dirigeants ont fui leur responsabilité. Car, leur comportement remet en cause les fondements constitutionnels de la République, de même que les bases de l’équité et de l’équilibre entre les Régions ».