SociétéMaster Soumy, rappeur et opérateur culturel malien : “Mon nouvel album arrive bientôt… Et je suis sollicité pour jouer dans une série télévisée”
Pourtant juriste de formation avec une Maitrise en Droit des Affaires décrochée à la Faculté des sciences juridiques et politiques de Bamako, le destin a conduit Master Soumy dans le monde de la culture, notamment dans la musique. Aujourd’hui, Ismaïla Doucouré de son vrai nom est sans doute l’un des rappeurs maliens les plus influents, jouissant d’une renommée internationale grâce non seulement au succès de ses albums, mais aussi ses engagements et combats pour la cause des plus démunis. Entrepreneur culturel depuis quelques années, Master Soumy est également impliqué dans les mouvements sociaux. Nous l’avons rencontré et il a bien voulu répondre à nos questions.
Aujourd’hui-Mali : Bonjour qui est Master Soumy en quelques mots ?
Master Soumy : A l’état civil Ismaïla Doucouré et artistiquement appelé Master Soumy. Je suis artiste musicien, rappeur, auteur, compositeur producteur et également entrepreneur culturel.
Peut-on savoir ce que signifie le surnom Master Soumy et comment il est venu ?
A mes débuts dans le rap, quand j’étais encore au niveau second cycle, j’avais un camarade de classe qui, à chaque fois que je faisais du rap devant lui, m’appelait le “maitre” du rap malien, alors que je n’étais même pas connu sur le plan national à plus forte raison d’être considéré comme le maitre du rap malien. Et quand on est passé à l’apprentissage de l’anglais, il disait “Master” (maitre en anglais). Soumy étant le diminutif Soumaïla, le surnom a finalement donné “Master Soumy” un surnom que j’ai tout de suite apprécié.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontés dans vos débuts dans le rap ?
Les difficultés on les rencontre partout et le plan artistique n’est pas une exception, surtout dans un pays sous-développé comme le Mali. Dans un premier temps, vous n’êtes pas sans le savoir que le rap a été considéré pendant longtemps comme une musique de délinquants. Un genre musical de dépravation car un genre importé. Ainsi, nos parents pensaient que le rap allait être un obstacle pour les études car ils se souciaient de notre avenir et nous leur sommes reconnaissants pour cela. Vous savez, quand j’ai commencé, on avait un groupe ” Megga Best ” qui au fil du temps et sous la pression des parents a éclaté. Les autres ont lâché, mais j’ai continué dans la clandestinité car souvent je me cachais pour aller jouer dans les soirées ou dans les petits concerts ainsi qu’à des concours de rap dans les quartiers. J’ai été aussi confronté à des problèmes de moyens car quand nous commencions il n’y avait pas plus de 3 studios d’enregistrement à Bamako. Donc c’était difficile sur ce plan également.
Quelles sont vos principales distinctions décrochées et laquelle vous a-t-elle plus marqué ?
Il y en a beaucoup. Mon tout premier, le trophée du meilleur parolier, je l’ai décroché en 2008 au Mali Hip-hop Awards et le Tamani d’or en 2009. J’ai le trophée de Mali Music Awards avec le meilleur Album. J’ai été décoré par l’Etat, médaillé du Mérite national avec effigie Abeille. Et récemment j’ai obtenu le trophée de Mali Awards. C’est le Tamani d’Or qui m’a le plus marqué car j’étais nominé à l’époque avec des grands frères comme Yeli Fuzzo et Ramès du groupe Tata-pound. C’était vraiment touchant et très encourageant pour moi.
Quels sont vos projets ?
Beaucoup de projets je dirais. Comme je l’ai dit au début, je suis entrepreneur culturel depuis quelques années et avec mon manager, nous avons initié le festival dénommé Festi Hip-hop (Rapou Dogokun). Un festival au cours duquel nous formons des jeunes rappeurs maliens, mais aussi d’ailleurs. Nous avons déjà formé 150 rappeurs aux techniques d’écriture, la gestion de la carrière, entre autres. Nous travaillons déjà sur la 3e édition. Personnellement, je prépare un album dont je ne saurais vous donner une date de sortie vu mes engagements sur le plan professionnel. Je suis également sollicité pour jouer dans une série télévisée que les téléspectateurs verront bientôt sur leurs petits écrans.
Quel regard portez-vous sur la musique malienne aujourd’hui ?
Je pense que la musique malienne a vraiment évolué. Vous avez, au départ, on avait beaucoup de difficultés en ce qui concerne les moyens techniques pour l’enregistrement des albums et la réalisation des clips de bonne qualité. Aujourd’hui, nous avons beaucoup de jeunes réalisateurs au Mali qui font la fierté de l’art malien. Nous avons de nombreux jeunes beat makers qui sont très respectés tant au niveau national qu’international. En plus, quand vous partez dans les boites, ce sont nos musiques qui y sont jouées, contrairement au passé où on accordait très peu de valeurs à nos musiques. Cela a changé aujourd’hui. Cependant, en termes d’industrialisation du domaine, je pense que nous sommes en retard parce ce que l’époque des cassettes et CD est révolue et les musiques sont plus vendues sur internet et ainsi les gens attendent que quelqu’un les télécharge, tous l’écoute sans pourtant payer un centime.
Tu verras qu’une chanson peut sortir et cartonner, alors que le chanteur lui-même n’a rien. Aujourd’hui, un artiste ne vit que des concerts. J’invite donc l’Etat à fournir beaucoup d’efforts afin que les artistes puissent vivre de leur métier.
Je salue l’initiative d’Orange-Mali qui vient de mettre de l’argent à la disposition du Bureau malien de droits d’auteur pour les artistes dont elle utilise les œuvres. Ce genre d’initiatives doivent être encouragées par l’Etat afin que les artistes puissent vivre de leur art eux aussi et de façon digne.
Vous êtes cités en tant que porte-parole d’un nouveau collectif “Stop ! Trop de morts”. Pouvez-vous nous en parler ?
Ce collectif est né de la consternation et de l’indignation parce que qu’hier on parlait de Kidal, Tombouctou et Gao comme zones de conflits au Mali et aujourd’hui on parle de Mopti et de Ségou, avec des nombreux morts et des villages incendiés. Et demain, ce serait où ? Nous disons vraiment stop à ces conflits car si cela continue nous risquons de perdre le Mali. Nous jeunes, nous nous sommes dit que c’est une obligation morale pour nous de nous lever pour dire stop. Ce collectif est composé de personnes de tous les bords qui ne veulent qu’une chose, la paix au Mali dans toute sa diversité.
Quel sera votre dernier mot ?
En dernier mot, je remercie les médias maliens à travers vous et votre journal. Je vous remercie de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer. J’invite la presse à nous accompagner dans cette mission noble et citoyenne. Nous avons vraiment besoin de la paix car sans la paix il est difficile pour un pays de se développer.