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Bamako : Immersion dans l’univers des enfants mendiants
Publié le jeudi 25 juillet 2019  |  Le Républicain
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Au Mali, la mendicité des enfants revêt des proportions préoccupantes, plus particulièrement dans la ville de Bamako. Les enfants mendiant nourriture ou argent sont repérables aux carrefours, aux feux rouges et dans les espaces publics (marchés, mosquées, banques, etc.). Âgés de moins de 15 ans pour la plupart, ces enfants mendiants sont très pauvres et vivent dans une extrême précarité. Exploités le plus souvent, ils sont aussi susceptibles d’être livrés au trafic humain, aux abus sexuels, et à maintes autres formes de violence.

Dans la capitale malienne, les mendiants sont partout : devant les mosquées, les carrefours, les marchés…certains font même du porte-à-porte. Mody Bollé, âgé de 15 ans, est l’un de ces enfants qui passent la journée à se faufiler entre les automobilistes pour avoir la recette journalière exigée par son maître coranique. Rencontré près de la station service Khassonkela, le petit Mody raconte sa journée de travail : « Je suis originaire de Koulikoro. C’est mes parents qui m’ont envoyé chez un de mes oncles à Kati pour apprendre le coran. Mais chaque jour, dès l’aube jusqu’au crépuscule, je vais en ville pour mendier avec mes autres amis talibés. Je gagne au minimum 500 FCFA par jour. » De retour à la maison, l’oncle de Mody prend la moitié de ce qu’il gagne, n’ayant pas la chance d’aller à l’école Mody dit n’avoir n’a pas d’autre choix que de mendier.

Parmi les enfants mendiants, les talibés (écoliers coraniques) sont de loin les plus nombreux. Eloignés de leurs familles et communautés, ces enfants vivent chez leurs maîtres où ils sont censés se réunir pour apprendre le Coran et les valeurs islamiques, sous la direction du maître coranique. Le temps disponible pour l’apprentissage auprès du marabout est très souvent insuffisant.



Hamed Fofana, 10 ans, vient du Macina. Il vit chez son maître coranique à Quinzambambougou. Le rêve de Hamed est de devenir un grand maître coranique. Sur les sept jours de la semaine, il n’apprend que le coran pendant trois jours (vendredi, samedi et dimanche). Le reste du temps, Hamed arpente, vêtu de haillons, les principales artères de Bamako avec sa besace. « Je suis obligé de gagner 1000 FCFA par jour. Mon maitre ne me donne rien de ce que je gagne », explique le petit mendiant.

La difficulté de survivre en milieu rural a poussé les maîtres coraniques et leurs talibés à migrer vers les villes. Ne parvenant plus à soutenir leur existence, ceux-ci partent s’installer à la ville ou dans ses alentours, à la recherche de moyens de subsistance et de revenus. Ils passent une grande partie de leur journée à mendier pour leur subsistance mais aussi, bien souvent, pour pouvoir verser chaque jour au maître une certaine somme d’argent. La quête des enfants apporte un revenu non négligeable au maître, pour lequel ces enfants deviennent alors un moyen d’existence. Lorsque les enfants ne rapportent pas en fin de journée la somme fixée par le maître, ils peuvent être soumis à de mauvais traitements et à diverses formes de violences.



Selon Bassirou Dembélé, un maître coranique, envoyer son enfant dès le bas âge chez des maîtres coraniques à certes des points positifs, mais aussi de multiples conséquences néfastes. C’est une pratique ancienne, mais de nos jours, dira-t-il, certains maîtres coraniques n’exercent pas bien leurs devoirs car c’est une lourde responsabilité de s’occuper de beaucoup d’enfants. En mendiant, certains enfants peuvent adopter des mauvais comportements (vol, délinquance), ils peuvent aussi être abusés susceptibles d’être livrés au trafic humain, aux abus sexuels, et à maintes autres formes de violence. Pour l’imam, c’est le manque de moyens qui poussent beaucoup de parents à envoyer leurs enfants chez des maîtres coraniques dans les grandes villes. « Les parents qui envoient leurs enfants en ville chez les maîtres coraniques n’ont pas assez de moyens pour les prendre en charge. Ces maîtres coraniques doivent assumer leurs responsabilités: traiter les petits talibés comme ils traitent leurs enfants, ils doivent recevoir une bonne éducation, surtout ils doivent apprendre le coran. Il y a certains maîtres coraniques qui peuvent encadrer au moins 10 enfants sans compter leurs propres enfants. Ce n’est pas toujours évident de bien s’occuper de tous les enfants vu leur nombre élevé. Voilà pourquoi beaucoup de maitres coranique envoient leurs élèves mendier dans la rue », explique l’imam Bassirou Dembélé. Pour lui, l’une des solutions au problème peut être une implication des autorités dans la gestion des écoles coraniques : « Les autorités doivent prendre des mesures tel que construire des écoles coraniques dans des villages pour que ces enfants cessent de venir en ville chez des maîtres coraniques. Ces enfants peuvent rester auprès de leurs parents et bien apprendre le coran. On peut aider, avec des dons, ces maitres coraniques afin qu’ils arrêtent d’envoyer les enfants mendier. »

Aissé Tounkara, stagiaire

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