Pour le présent numéro de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”, nous sommes toujours dans la famille Kanouté, qui se distingue par le nombre de pratiquants de Basketball, à travers des frères, des épouses et des enfants. Pour la petite histoire, au cours d’un voyage de l’équipe nationale à Dakar, la maman a passé des nuits blanches. Parce que ses trois enfants : Alassane, Séga et Boubacar Kanouté étaient dans le même avion. La vieille a imaginé le pire, du genre un crash. Dieu merci tout s’est bien passé, et la maman a retrouvé ses esprits quand, de la capitale sénégalaise, les trois frères ont téléphoné dans la famille à partir d’une cabine téléphonique et à leur retour à Bamako.
Pour avoir décidé de suivre les traces de son aîné Alassane, Sega Kanouté avait l’obligation de travailler dur. Parce que contrairement à Vieux Djan, il n’a pas une grande taille. Mais, “à cœur vaillant, rien d’impossible”, dit-on. Séga s’est créé des atouts pour se faire un chemin. Ceux qui l’ont connu dans le pavillon des sports, se rappellent d’un jeune court, très rapide et qui avait le don des dribbles, et un coup d’œil hors commun. Aujourd’hui, Sega a la satisfaction morale d’avoir défendu les couleurs nationales de son pays, et est fier que ses enfants aient suivi ses traces jusqu’au niveau mondial. Séga Kanouté est notre héros du jour. Au cours de notre entretien, en abordant ses mauvais souvenirs, Séga a versé de chaudes larmes. Parce que sa carrière a trouvé que son père est décédé. Or c’est celui-ci qui l’amenait tout petit au terrain d’entrainement du Réal, pour suivre Alassane. Noyé dans les ténèbres de l’émotion, nous avons été obligés d’écourter le débat sur la question. Pour parler de ses bons souvenirs, il se rappelle encore de sa première finale de coupe du Mali en compagnie de son grand frère Alassane, du tournoi de la Zone II en Guinée Bissau, et du Championnat d’Afrique en 1987, après treize ans d’absence du Mali. Quelle ont été les péripéties de la carrière de Séga Kanouté ? Quelles étaient ses relations avec son frère sur un terrain de basketball ? L’ancien sociétaire du Réal, de l’AS BIAO et du WAC du Maroc a bien voulu répondre à nos questions.
Piqué par le virus du basketball et décidé à égaler son grand frère, Sega est finalement devenu un abonné aux entraînements du Réal. Surtout qu’au même moment, Amadou Sow , entraîneur des catégories de jeunes, continuait toujours à s’occuper tous les week-end du centre de formation des Scorpions. Il profita de cette opportunité pour se confier au technicien. L’emploi du temps et le programme établis par ce dernier par rapport aux ambitions de Séga s’avéraient insuffisants. C’est pourquoi, il intégra une autre équipe qui s’entraînait non du terrain de l’AS Réal. C’est un ancien de la Renaissance Club de Bamako (la RCB, qui a fusionné avec le Réal), Souraka, qui encadrait également ces jeunes. Séga s’est confié à lui afin de se forger un avenir en basketball. Il y resta pendant cinq ans
(1974- 1979). L’équipe ne compétissait pas, elle se contentait des matches amicaux avec les grands clubs, et les équipes féminines nationales.
Le flair de Zito
En 1979, l’entraineur du Réal, Emile Fofana dit Zito récupéra le groupe de Souraka, pour en faire son équipe réserviste. Les Scorpions avaient un effectif de qualité, autre argument pour Zito, l’âge et l’expérience bâtis sur la confiance. En bon technicien, doté d’une bonne vision, Zito misait plutôt sur l’avenir. Raison pour laquelle il a préféré garder sous la main les réservistes, tout en leur donnant parfois l’occasion de se faire valoir dans les matches d’entrainement. Cela n’a pas été du gout de certains, qui ont pris la décision de partir du club.
En 1983, après la finale de la coupe du Mali, l’équipe du Réal fut victime de deux coups durs. D’abord, quatre ténors ont quitté le club : Abdramane Sidibé dit Bill attrape un mal incurable à la cheville, Issouf, admis au DEF est orienté à l’IPR de Katibougou, Bambo Sissoko s’exile en France, et Mody Kanouté bénéficie d’une bourse pour l’ex URSS.
Ensuite, d’autres cadres du Réal et du Stade malien de Bamako sont suspendus, pour avoir transformé le tartan, en un ring de combat acharné.
Dans ce cas Zito n’avait d’autres choix que de puiser dans sa réserve, c’est-à-dire le groupe de Séga Kanouté. Pour la circonstance, le Réal devrait rencontrer le Djoliba dans une finale de coupe, et les réservistes ont relevé le défi.
A partir de ce jour de 1983, Séga Kanouté a écrit sa propre histoire dans les annales du basketball malien, pour l’éternité, avec un double saut à l’AS BIAO et au Widad athlétique Club de Casablanca (WAC). Sa suprématie et ses atouts lui ont servi de pont pour rejoindre l’équipe nationale en 1986, à la faveur du tournoi de la Zone II en Guinée Bissau, remporté justement par le Mali.
Cette première aventure avec les Aigles, à côté de son aîné Alassane, fut le déclic. Il ne quitta sous le drapeau qu’en 1998, date de sa retraite.
Avant, il a participé à six phases finales de championnat d’Afrique (Tunisie 1987, Egypte 1989, Angola 1991, Kenya 1993, Algérie 1995, Sénégal 1997).
Au Réal, Séga a remporté cinq coupes du Mali. Comme nous l’avions écrit dans le précédant numéro, la BIAO (actuelle BIM sa), dans sa nouvelle politique de donner une autre dimension à sa notoriété, décida de la création d’une équipe de basketball. C’est ainsi qu’elle débaucha des cadres dans les grands clubs. Séga faisait partie des choix, et l’enfant de Médina Coura a enflammé durant une saison la salle du Pavillon des Sports par ses mouvements de diversion, ses contre-attaques et pénétrations en force. Il offrit à l’AS BIAO une coupe du Mali en 1989, et un titre de champion, deux ans plus tard.
En 1992, suite à une demande du WAC du Maroc à la recherche d’un meneur, la Fédération Malienne de Basketball, porta son choix sur Séga Kanouté. C’est ainsi qu’il quitta Bamako pour Casablanca. Le directeur de la BIAO n’a pas apprécié cette démarche du bureau fédéral, ni compris la décision de Sega par rapport à la proposition des Marocains. Parce qu’il était recruté à la banque avec un salaire, sans compter les primes de matches.
L’heure de la retraite
Comment peut-il laisser tout cela au profit d’une aventure inconnue ? Exacerbé par la tournure des événements, le Directeur de la BIAO se rend au Maroc, pour casser le contrat de Séga en payant des dommages et intérêts. Il retourne avec lui et améliore ses conditions de travail à la banque. L’enfant de Médina Coura ne pouvait rêver mieux. Une fois de plus, il donne de nouvelles ailes à l’équipe des banquiers. Cependant, un coup de tonnerre viendra frapper cette génération talentueuse de l’AS BIAO, au top de sa forme.
Après avoir éliminé l’ASEC d’Abidjan en coupe d’Afrique des clubs champions, et au retour de la phase finale de la compétition, l’équipe apprendra que le Directeur a été affecté à l’agence de Togo. Cette nouvelle cassa du coup le moral des joueurs, et à juste titre. Quelques mois après, l’équipe est dissoute, et les joueurs qui avaient été recrutés à la banque sont licenciés. Séga Kanouté et Cheick Oumar Fofana ont échappé à cette mesure, parce qu’ils n’avaient pas la même nature de contrat que les autres. Mais, ils ne résisteront pas plus tard à la compression déclenchée par les nouveaux responsables, pour une meilleure restructuration de la banque. Séga finira par ester la banque en justice, les droits proposés étaient en déphasage par rapport à son grade.
L’avocat de la banque ayant vite compris que Sega avait le bon bout, a suggéré un arrangement à l’amiable. A défaut, son client risquerait de payer cher la compression de l’ancien joueur, dont le souci demeurait son poste à la BIAO.
Selon Séga Kanouté, de tractations en tractation, il sera roulé dans la farine par son propre avocat, qui a combiné avec l’autre partie contre ses vrais intérêts. Au finish, il juge s’en être sorti avec des miettes, c’est-à-dire en deçà de ses droits réglementaires.
Après cet orage, il retourne à la Maison, le Réal, où il prendra sa retraite en 1998, après avoir raté deux coupes du Mali (1996 et 1998).
Quelles étaient les motivations de sa décision de retraite ? Quelle a été la suite de sa vie ? Notre héros explique : “Chaque chose a son temps. J’ai commencé le basketball dès le bas âge, et je me suis donné à fond durant plus de dix ans. J’ai fait plusieurs pays avec le Réal, l’AS BIAO et l’équipe nationale. A un moment donné, j’ai senti la fatigue dans mon corps. Donc, il fallait savoir arrêter, avant que les muscles ne craquent. Ce qui pouvait amener d’autres complications pour le corps. Après ma retraite, j’ai pris les rênes de l’équipe féminine du Réal jusqu’à ce jour. Entre temps, quelques mois après ma compression, j’ai décroché un autre emploi à la Banque Commerciale du Sahel. A ce niveau, mon contrat a également pris fin. Heureusement que l’actuel ministre Me Jean Claude Sidibé m’a embauché à la Fédération sous son mandat. Jusqu’à ce jour, j’y travaille.”
Au cours de notre passage dans la famille Kanouté, une chose nous a frappés : l’amour réciproque entre les frères. On ne sait pas qui aime le plus les autres. Et nous n’avons pas hésité à poser la question au cadet Sega. Il affirme que le bonheur d’une famille réside dans l’entente des enfants du même sang. Ils ont été élevés dans un climat basé sur les principes de la famille traditionnelle, où le droit d’aînesse est primordial. Quant à lui-même, ses relations avec Alassane se sont plus intensifiées quand ils ont joué ensemble au Réal, en équipe nationale et à l’AS BIAO. Chaque fois qu’il devrait poser un acte sur le terrain, il pensait au respect inculqué dans la famille avant de se raviser.