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Notre président est-il devenu un ‘’pleureur’’ pour les morts étrangers ?
Publié le dimanche 28 juillet 2019  |  Carrefour
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© aBamako.com par A.S
Lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita
Bamako, le 11 juin 2015, le CICB a abrité la cérémonie de lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita, c`était sous la Haute présidence de SEM, Ibrahim Boubacar KEITA
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Au Mali, comme ailleurs, les pleurs se font de manière discrète chez les hommes en général et dans un vacarme pour les femmes. Les hommes par le silence, ou les larmes qui coulent lentement, prouvent qu’ils ont la maîtrise de leur émotion devant la gravité et la surprise. Quant aux femmes, leur degré d’émotion est tellement fort, qu’elles n’arrivent généralement pas à s’abstenir de crier à haute voix et de larmoyer chaudement. Les hommes qui réagissent exactement comme les femmes lors des décès ou des funérailles, sont traités de ‘’femmes’’ non pas physiquement, mais émotionnellement. Il y a des pays qui sont reconnus pour leur pratique de pleure lors des funérailles. Parmi ces pays il y ala Côte d’Ivoire, le Ghana, la République Démocratique du Congo (RDC). Cependant, on rencontre dans ces pays, des pleureuses professionnelles.

Au Mali, ce sont les femmes qui pleurent généralement devant les portes de la famille du défunt après qu’une d’entre elles ait donné le ton. Elles peuvent même se lamenter jusqu’à se jeter à terre marquant ainsi leur degré d’émotion, suite à la perte de la personne. Elles n’en font pas une profession comme dans certains pays côtiers.

La pratique peut paraître bizarre. Elle est pourtant développée dans quelques pays de la sous-région ouest-africaine. Comme en Côte d’Ivoire où des femmes en font leur métier. Des pleureuses professionnelles rencontrées au centre de la Côte d’Ivoire ne cachent pas leur pratique. Ces dernières peuvent même se livrer à des démonstrations pour convaincre de potentiels clients. « C’est mon métier. Je le fais parce que j’aime le faire », affirme l’une d’entre elles. Comment cela se passe-t-il ? Pour s’attacher leur service, une famille endeuillée peut directement prendre contact avec elles ou passer par leur manager. « On nous parle du défunt. Et nous savons après comment le pleurer », confie Delphine, 40 ans, pleureuse professionnelle depuis quinze ans. Avec quatre prestations souvent par mois, elle peut se retrouver avec près de 500000 FCFA. Ce qui lui permet de payer son loyer et de s’occuper de ses enfants. Il faut dire que depuis le décès de son mari en 2010, Delphine ne vit que de son métier.



A l’est de l’autre côté de la frontière, Doris, une de ses connaissances est également pleureuse. Dans ce pays où les enterrements sont très bien organisés et rythmés parfois par des moments festifs, enterrer un mort avec la présence des pleureuses est entré dans les réflexes. Cette Ghanéenne excelle aussi dans son métier. Elle peut ainsi parcourir en un mois près de 1000 kilomètres, sillonnant les régions du pays, et pleurant aux funérailles auxquelles elle est invitée. « Chaque week-end je suis dans une localité pour faire mon travail. C’est parfois fatigant, mais j’aime faire ça », rappelle Doris. Avec ses amies, elles peuvent par prestation toucher jusqu’à 300000 FCFA avec d’autres avantages. On leur prépare à manger et elles sont parfois logées. Pour Doris qui est également commerçante, il s’agit de perpétuer une pratique familiale. « Ma maman était pleureuse professionnelle ».

A l’autre bout de son quartier situé à la périphérie de la capitale, Doris voit son métier s’éteindre. Certaines de ses amies ont en effet choisi de raccrocher, de ne plus exercer le métier. Incapable de supporter les critiques et les interrogations au bout de quelques années. Certaines familles préférant aussi abandonner les grandes cérémonies funéraires pour des enterrements plus simples. Malgré sa longévité, la pratique n’est pas toujours considérée par certains comme un « métier normal ». « Il faut respecter les morts. On ne peut pas faire du faux avec eux », explique Enock qui s’est opposé, malgré son jeune âge, à la décision de sa famille d’engager des pleureuses après le décès de sa mère. « Je ne conçois pas qu’on puisse simuler. Elles n’avaient jamais connu ma mère. Elles ne peuvent pas la pleurer », ajoute-t-il. Avant de lâcher : « C’est devenu un jeu pour elles ».



Ce n’est pourtant pas ce qu’estime Kwesi Adams. Pour ce sociologue qui s’intéresse depuis dix ans à la pratique, il est important de comprendre ce que c’est que pleurer un mort. « Les familles ne décident pas au hasard de faire appel aux pleureuses », justifie-t-il. Le chercheur explique que certains morts ont besoin d’être pleurés « comme le font ces femmes ». Selon lui, les chants, les pleurs sont destinés à vanter le défunt. Ce qui permet au disparu de « bien se reposer ». La pratique n’est pas constatée dans certains pays de la sous-région. Mais il n’est pas exclu qu’elle s’exporte et se généralise.

Au Mali, le Président IBK pleure beaucoup lors des funérailles. Il a surtout pleuré lors de l’assassinat de Gislaine Dupont et Claude Verlon, le 2 novembre 2013 à Kidal après une séance de reportage, à l’arrivée des corps à l’aéroport Modibo Keïta. IBK n’a pas pu retenir ses larmes, il a pleuré quand, il a vu les deux cercueils. La télévision malienne n’a pas manqué de capter cela pour l’histoire.

Le 21 mai 2014, lorsque les FAMA ont été chassés par les rebelles touareg à Kidal avec la complicité des forces françaises, IBK a passé toute la journée du 22 mai 2013 avec des larmes aux yeux à cause de l’ampleur de la débâcle qui a été sanglante. Ce jour, là la fraicheur des climatiseurs n’a pas pu arrêter sa transpiration. Tout juste la semaine dernière lors des obsèques du défunt Ousmane Tanor Dieng, ce haut dirigeant politique du Sénégal pendant des décennies, notre président présent aux obsèques dans le village du défunt en compagnie du Président MackySall du Sénégal n’a pas pu encore retenir ses larmes eu égard la relation plus que décennale qui les liait. Mais le comble de ces pleurs est que lorsqu’il s’agit de morts tragiques au Mali, concernant les soldats maliens ou les pauvres populations, même des centaines, notre Président se retient de verser des larmes. C’était le cas à Koulongo en janvier 2019, à Ogossagou en mars 2019, à Sabane Da en mai 2019. Quelle explication peut-il donner au peuple par rapport à cette attitude de sa part. Un mort n’est-il pas égal à un mort ? IBK est-il devenu un pleureur pour les morts étrangers ?

La question mérite en tout cas une réponse claire pour le peuple malien ?

Badou S. KOBA

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