Ancien chef de la diplomatie malienne, négociateur pour le compte du gouvernement malien de l’accord de Ouagadougou, Tiébilé Dramé, 58 ans, est candidat à l’élection présidentielle dont il conteste le calendrier, exigeant son report. Il s’en explique.
Jeune Afrique : Pourquoi avez-vous saisi, le 7 juillet, la Cour constitutionnelle pour obtenir l’annulation de la convocation du corps électoral pour le premier tour de la présidentielle, le 28 juillet?
Tiébilé Dramé : Parce-que les articles 27 et 30 de la Constitution disposent que le président de la République est élu au suffrage universel direct, sur l’ensemble du territoire érigé en circonscription unique. Le gouvernement malien a pris, le 30 mai, une décision énonçant que la mise à jour des listes électorales s’étalerait du 5 au 25 juin. Cette mise à jour est confiée aux commissions administratives locales. Or, à échéance, l’administration était encore absente de Kidal et de l’ensemble de ses cercles (sous-préfecture). Cela signifie que les listes acheminées, selon le ministre de l’Administration, le 12 juillet, n’ont pu être mises à jour. Elles sont donc caduques. Or, le vote à Kidal, épicentre d’un problème que traîne le Mali depuis l’indépendance et symbole, aujourd’hui, du recouvrement de son intégrité territoriale, est éminemment politique.
Des efforts soutenus par la communauté internationale ont permis d’aboutir à un accord préliminaire pour la tenue de la présidentielle. Ils ont été ruinés par l’entêtement des autorités de la transition à maintenir, coûte que coûte, le calendrier d’une élection dont les conditions sont pour le moins bancales car illégales. La précipitation mène au bricolage. Un report de trois mois, un temps envisagé en haut lieu, aurait suffi pour se mettre en conformité avec les textes. L’idée a fait long feu. Au lendemain de la saisine de la Cour constitutionnelle par mes soins, le président Diouncounda Traoré a réuni les 28 candidats ou leurs représentants. Il a reconnu que le processus était bancal mais il a tout de même maintenu la convocation du corps électoral pour le 28 juillet.
Pourquoi, selon vous, le président Traoré et son gouvernement sont si pressés d’organiser cette élection ?
Ils ne sont pas pressés, ils sont sous pression. La communauté internationale, particulièrement la France, exigent que le premier tour du scrutin se tienne en juillet. Plus grave : je constate que le chef de la diplomatie française est devenu notre Directeur général des élections (DGE) quand il parle du vote des réfugiés, celui des déplacés et celui de la diaspora. Je ne savais pas que Laurent Fabius avait été nommé par le président Traoré à la place du général Siaka Sangaré [DGE depuis plus d’une décennie, NDLR].
Pensez-vous que la saisine de la Cour constitutionnelle va porter ses fruits et que ses magistrats décideront d’un report du scrutin ?
Si la Cour dit le droit, elle ne peut que prendre en considération notre argumentaire qui se nourrit du texte fondamental et des lois de ce pays. Elle constatera d’elle-même que le scrutin ne saurait être crédible faute d’universalité des suffrages. Mais je crains le pire, les magistrats n’étant pas à l’abri des pressions subies par les autorités de la transition.