Si le putsch du 22 mars a réglé le problème que les hommes du rang avaient avec le chef suprême de l’armée qu’était Att, il n’a pas du tout arrangé l’économie du pays. Aucun chiffre précis ne sera disponible avant ce week-end où la Banque mondiale aura fini son évaluation en cours des incidences de la rupture de légalité sur l’économie nationale. Mais concernant sa propre assistance au Mali, elle chiffre à environ 400 milliards de fcfa l’aide présentement gelée à cause du coup d’Etat. Trois nouvelles opérations de 70 milliards fcfa n’ont pu être présentées au Conseil d’administration de la Banque et au titre des projets approuvés près de 200 milliards Cfa sont gelés, en attendant les résultats de la revue de la situation malienne depuis le 6 avril avec le retour de la légalité constitutionnelle. Quant à notre plus grand bailleur, l’Union européenne qui injecte annuellement quelques 85 milliards fcfa, la crise aura empêché le décaissement de près de 30 milliards fcfa qui peuvent être perdus même en cas de reprise de la coopération en raison des procédures de Bruxelles. Et si l’Ue continue son programme humanitaire, tous les projets de développement qu’elle soutient sont pour l’instant suspendus, y compris les projets routiers.
Centaines de milliards perdus
L’Uemoa, la Bad, la Boad ont-elles aussi gelé leur assistance pour un montant cumulé de plus de 20 milliards fcfa en trois mois. Fait curieux, même la Chine dut suspendre, un moment, sa coopération, notamment la construction de la voie expresse Bamako-Ségou dont certains ouvrages – les ponts surtout- doivent pourtant être terminés avant l’hivernage pour ne pas gêner le trafic entre les deux villes. Le mastodonte MCA, un don de plus de 300 milliards Cfa que les Etats-Unis accorde aux pays africains jugés démocratiques et bien gouvernés, est un des tout premiers projets à avoir souffert de la crise.
Les engagements pour les travaux démarrés à l’aéroport vont être maintenus. Mais c’est tout : tout ce qui n’avait pas démarré est gelé. Bamako ne verra donc pas de sitôt son nouvel aérogare dont la maquette faisait la fierté du Pdes d’Att. Tous les projets de l’Usaid sont dans cette situation. L’aide américaine autre qu’humanitaire ne reprendra qu’aux prochaines élections ! Beaucoup d’autres acteurs occidentaux n’ont pas encore repris leur aide budgétaire alors que les recettes fiscales et douanières sont en chute libre.
Et pour cause. Le patron du Conseil Malien des Chargeurs, Babalaye Daou, s’arrache les cheveux. « Ce sont 200 000 tonnes de marchandises, s’inquiète t-il, qui attendent à Abidjan et Dakar ». Sucre, Riz, lait et autres denrées de première nécessité constitueraient l’essentiel de ces marchandises à quelques semaines du mois très sensible du Ramadan. Et pourquoi ces marchandises ne sont-elles pas à Bamako ? « Faute d’accompagnement », tranche M. Daou.
Tout le monde est touché
En effet, les importateurs ont besoin des banques pour emprunter les fonds nécessaires à l’acheminement de ces biens. « Car rien que 30 000 tonnes nécessitent 750 voyages de camions de 40 tonnes». Or les banques se couvrent en mauvais temps et c’est le cas présentement au Mali où notre risque-pays est devenu dissuasif. En conséquence, les crédits fournisseurs fondent et les assureurs s’étranglent dès qu’ils entendent le nom du Mali. Les banques qui ont perdu près de 18 milliards fcfa rien qu’au Nord du Mali avec la chute des villes de Kidal Gao et Tombouctou ont drastiquement réduit leur enveloppe selon cet opérateur économique qui n’avait pas, à ses dires, de mal l’an dernier à accéder à un crédit documentaire de dix milliards fcfa contre à peine le dixième cette année. Bref, la totale quoi ! L’effet-cascade de la crise noie hôtels et restaurants. L’hôtel de l’Amitié est resté fermé pendant plusieurs mois, son malheur étant également de faire face à la radiotélévision nationale. L’hôtel Kempinski dut même tourner un moment avec quatre clients. Naturellement, le Btp est la grande victime collatérale de la crise. Ce secteur, dans son portefeuille public, étant financé à 90% par l’aide extérieure justement suspendue. Alassane Touré, architecte : « la situation est plus qu’alarmante. Ingénieurs, architectes, ouvriers, nous sommes tous sur les genoux ». Ils ne sont pas les seuls. Les détaillants, camelotiers et autres revendeurs ne savent pas, eux non plus, à quel saint se vouer, à l’image de Moussa, dynamique quadra qui faisait un chiffre d’affaires de 50 000 fcfa avant le putsch pour un bénéfice de 7500 fcfa/jour. Il en fait aujourd’hui moins de 15000 fcfa. « Or s’indigne t-il, même le prix de la viande qui est un produit local a augmenté ».
La liste de ceux que le destin emballé du Mali a mis en chômage technique, en faillite, en situation de licenciement ou simplement sur la paille doit être très longue. Et cela pourrait aller jusqu’au secteur de l’eau et de l’électricité. Edm et Somagep ne sont pas loin de mettre la clé sous le paillasson, elles qui n’ont survécu ces cinq dernières qu’au prix d’une subvention astronomique -une quarantaine de milliards fcfa qu’ATT concédait pour éviter la hausse des prix -. La facture pétrolière des deux compagnies a plombé ses fournisseurs qui ne peuvent même pas compter sur l’illusion d’un paiement par traite pour rentrer dans leurs fonds.