La flambée des prix des produits de première nécessité sévit chaque année. L’argent devient de plus en plus rare. Malgré tout, les familles privilégient le bien manger le jour de la fête.
Le marché « Château » est situé au quartier Hamdallaye B dans la Commune de Ségou. Nous sommes mercredi, jour de marché qui, d’habitude, n’attire pas grand monde. Mais il est 6 heures du matin. Et il y a déjà foule sur l’aire de vente. Cette cohue est composée à majorité de ménagères matinales. Elles sont venues s’approvisionner à hauteur de souhait pour fêter la Tabaski, « la fête des moutons ».
La masse des vendeuses et des clientes avoisine celle du « Ségou Tène », le lundi de foire hebdomadaire à Ségou.
L’ambiance est particulière. Les commerçants grossistes, les détaillants et les clients marchandent dans la gaieté. La bonne humeur aide à faire de bonnes affaires. Cependant, si commerçants et détaillants se frottent les mains, les clients, notamment, les femmes, ne savent plus à quel sain se vouer.
Le marché “Château” en ébullition
Cette veille de fête tombe mal. La ville de Ségou vit une période de vache maigre. Malgré tout, les familles subissent la dure loi du marché. A peine le jour s’est-il levé, un brouhaha inhabituel règne sur le marché « Château ». Des villages environnants de Ségou arrivent dans des charrettes transportant des vendeuses et leurs marchandises. Comme au marché de « Wonida » à Bamako, ce marché est une bourse des légumes et des condiments. Les produits vendus ici sont moins chers par rapport aux autres marchés de la ville de Ségou. Les ménagères se lèvent tôt pour espérer faire des bonnes affaires. En effet, les vendeuses d’ailleurs viennent s’approvisionner au « Château » pour aller revendre plus cher.
Assise sur sa charrette, Mme Diarra Djoba peine à défaire ses paniers. Elle est déjà entourée par de potentiels clients. Cette dame vient de Massala à environ 40 Km de Ségou. Elle propose des produits maraîchers : les choux, les carottes, les piments, l’aubergine. Elle commence à déballer ses paquets dans un bruit assourdissant. Les interpellations des clientes fusent de partout. Chacune veut être servie la première.
Imperturbable, la vieille Djoba arrive à calmer le « jeu ». Elle assure que tout le monde sera servi. Commence un marchandage serré entre la commerçante et ses potentiels clients. A la surprise générale, la dame Djoba a renchérit tous ses produits. Le lundi dernier, elle proposait un panier moyen de chou à 5000 Fcfa. Mais aujourd’hui, le même panier vaut 10.000 Fcfa. A prendre ou à laisser.
Mme Maïmona Diarra, vendeuse de légumes au marché de Médine, ne cache pas son mécontentement. Elle est douchée par cette flambée des prix. Cette inattendue hausse de prix à la veille de la fête laisse entrevoir, déjà, les anxiétés des femmes. « Le ton est donné. Nos clientes seront déçues. Hélas, nous subissons la même pression de la loi du marché. Comment comprendre cette hausse en l’espace d’un jour ?», se demande-t-elle.
Faute de recours, Maïmouna fini par acheter deux paniers moyens de choux. Elle a acheté aussi un sac de courge, des carottes, des tomates, des épices pour une valeur de 175 000Fcfa. Elle espère en tirer plus de 35 000 Fcfa de bénéfice. La demande est trop forte. Les femmes n’hésitent pas à payer le prix fort parce qu’elles sont obligées d’offrir à leur famille un repas copieux et savoureux pour la fête. Mme Diarra Djoba a liquidé ses marchandises en moins de deux heures. Cette foraine expérimentée a son idée sur cette soudaine hausse des prix des denrées.
RARETÉ DES LÉGUMES. Elle déclare sans gène que les clients font grise mine alors qu’ils sont tous conscients des difficultés du maraîchage. « Comment comprendre que je cultive, je transporte mes produits et que les citadines prétendent tirer un meilleur profit que moi ? Nous sommes au mois d’août. En cette période les produits maraîchers sont rares » explique Djoba de Massala. Elle retourne satisfaite après avoir empoché un gros gain. La rareté des produits maraîchers complique une situation déjà non tenable dans les familles.
Mme Coulibaly Djebou Koné est venue faire ses achats de fête au marché « Château » réputé pour ses prix abordables. Elle préfère venir tôt avant de joindre son bureau. Mme Coulibaly a pris l’habitude de faire le marché chaque année à une semaine de la fête. Celles qui attendront les derniers jours pour faire leurs emplettes auront « chaud ». Cette année, Mme Coulibaly n’a pas respecté la tradition. Néanmoins, elle estime qu’elle est encore dans le temps. « On sent déjà que ça ne va pas. Il y a une semaine j’ai acheté dans ce même marché le petit panier de tomate à 600 Fcfa. On me demande aujourd’hui 1500 Fcfa », dit- elle triste.
En effet, les prix sont montés. Celles qui iront dans les autres marchés de la ville de Ségou débourseront plus pour avoir la même quantité de tomate. Les légumes frais, les épices, l’échalote, les pommes de terre sont au plus haut. La flambée des prix est perceptible à tous les niveaux. Comme on pouvait s’y attendre cette hausse des prix au marché d’approvisionnement est ressentie dans les différents marchés de la ville de Ségou que notre équipe de reportage a sillonnés. Comme pour respecter la tradition, les femmes au foyer se ruent sur les fruits et légumes. On les croise au marché de Médine, sous le hangar aux légumes du grand marché de Ségou, dans les allées du marché de Sécoura .
Les légumes frais et l’échalote sont incontournables dans la cuisine
LE CONSTAT EST LE MÊME. Tout est cher. Le comble est que les prix ont grimpé en moins d’une semaine. Nous avons rencontré, Mme Binta Koné devant un étal au marché de « Sécoura. Elle trimbale des sachets pleins de provisions.
Comme bon nombre de femmes au foyer, elle s’insurge contre la cherté des prix en cette veille de fête. Notre interlocutrice explique que la situation du marché était différente, il y a moins d’une semaine. Le kilogramme de l’échalote était cédé la semaine dernière entre 350 et 375 Fcfa.
Ce mercredi dans les marchés de Ségou, le kilo de l’échalote est cédé entre 450 et 470 Fcfa par endroit. Le prix de l’huile a aussi grimpé. Le litre est vendu présentement à 800 Fcfa contre 700 Fcfa la semaine dernière. Le prix du kilo de la pomme de terre a changé du jour au lendemain.
« Hier, dans ce marché j’ai acheté le kilo de la pomme de terre à 550Fcfa. Aujourd’hui, le même vendeur me demande de débourser 650 Fcfa. Comment, expliquer cet état de fait », s’interroge-t-elle visiblement dépassée par la situation.
Les amateurs de gros oignons dépenseront 475 Fcfa pour le kilo contre 375 Fcfa, il y a quelques jours. Les femmes face à cette situation ne savent plus à quel saint se vouer. « On ne peut rien acheter.
Le prix de tous les produits nécessaires a augmenté. Regarde la taille du poivron qu’on cède à 100 Fcfa (elle pointe du doigt la dame assise auprès de son étal de légume) ici, un petit panier de poivron est à 2500 Fcfa contre 1500 Fcfa, il y a quelques jours », martèle une autre ménagère mécontente.
Il était 12 heures à notre arrivée au marché de Médine sous une fine pluie. Les ondées ne semblent pas jouer sur l’ambiance de ce grand marché. Nous tombons sur la revendeuse Mme Maïmouna Diarra que notre équipe de reportage avait rencontrée une heure au marché « Château ». Maïmouna n’allait pas faire de cadeau à sa clientèle. Comme pour se « venger », la revendeuse à son tour ne fait aucune remise à sa clientèle. Elle compte tirer le maximum de profit. Elle reconnaît que cette période est cruciale pour améliorer les chiffres d’affaires. Les commerçantes détaillantes n’ont pas d’état d’âme. Elles tireront leur épingle du jeu en respectant la loi du marché. Ne jamais vendre à perte, parce que les prix des légumes, et surtout des denrées de première nécessité ont grimpé. Comme pour nous prendre en témoin, Maïmouna déclare : « Ce n’est pas de notre faute si les choses se passent ainsi. Le problème vient de nos villages qui alimentent la capitale en légumes frais ».
Compliments aux femmes qui ont la lourde tâche de faire le marché en cette veille de fête de Tabaski. Elles réclament unanimement une solution à cette flambée de prix qui sévit à chaque veille de fête dans notre pays.
Les autorités doivent prendre des mesures idoines et durables pour une sortie de crise. Il faut impérativement mettre fin aux spéculations des prix des denrées de première nécessité lors des veilles de fête. Ces périodes sont mises à profit au vu et au su de tous par certains commerçants, sans état d’âme. Les spéculateurs profitent de la faiblesse des clients et des circonstances. Ils font de bonnes affaires sachant bien que leurs clientes n’ont d’autre choix que de se plier à la loi du marché.
Bonne fête. Sambé Sambé, à toutes et à tous.
Mariam A. Traoré
Amap-Ségou