Contrairement au football, le basketball a démontré que les résultats justifient les moyens. Dans l’histoire du sport malien, il est l’une des rares disciplines qui a ramené plus de trophées continentaux dans le pays. Bref, le basketball se porte bien, même très bien. Si le mérite revient aux différentes générations, coup de chapeau aux dirigeants, qui continuent de consentir d’énormes sacrifices pour maintenir notre basketball au sommet. Certes les temps différent, mais il faut aussi reconnaitre que cette culture de leadership a commencé à germer juste après l’indépendance en 1960, avec des talents dans les catégories masculines et féminines. Pour ce numéro de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”, nous avons rencontré un des talents de toutes ces générations qui ont contribué à tracer les sillons de l’histoire de la balle au panier au Mali. Il s’appelle Diakalia Ouattara dit Diak. Ex sociétaire du Stade malien de Sikasso, du Stade malien de Bamako, il a frappé avec fracas aux portes de l’équipe nationale pour justifier tout le bien qu’on pense de lui. Agé aujourd’hui de 74 ans, marié et père de 4 enfants, cet Ingénieur Topographe nous a reçus à son domicile sis à Kalaban Coura. Qui est Diak ? Comment son destin a-t-il basculé dans le cerceau ? Quel est son parcours ? Pourquoi a-t-il a prématurément quitté l’équipe nationale ? L’enfant du Kénédougou a bien voulu répondre à toutes ces questions.
Autant qu’il le faudra, nous ne cesserons de dire toute l’attention que les uns et les autres accordent à la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Nous nous réjouissons de cette grande marque de considération à l’égard d’une rubrique, qui à ses premiers numéros ne s’attendait à tout cet intérêt qu’on lui accorde aujourd’hui. Tout en promettant que nous reviendrons plus en détail sur toutes les contributions, dont le seul but est d’améliorer notre modeste plume, et de donner plus de dimensions à la rubrique, nous tenons à dire que c’est un de nos ainés, une référence de la presse malienne, qui nous a fait l’honneur, à travers un coup de fil. Il s’agit de Baba Djourté, ancien journaliste de Radio Mali et de l’Ortm. Au-delà des compliments et des conseils pour la bonne marche de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”, le doyen nous a mis en contact avec notre héros du jour dont il a suivi les traces sur le plancher.
C’est dans sa région natale à Sikasso que Diakalia Ouattara a appris les B.A.BA du basketball. Au second cycle fondamental, en 1961, il profita d’une séance d’éducation physique pour s’essayer sous le cerceau. La réussite des deux tentatives à main levée balança son cœur vers la balle au panier. Surtout qu’il est grand de taille et l’ambition de réussir dessina son parcours. Diakalia ne tarda pas à intégrer le Stade Malien de Sikasso et se fit la main sur le temps. Admis au Diplôme d’Etudes Fondamentales (DEF) en 1963, il est orienté à l’Ecole Nationale d’Ingénieur, pour constituer la première promotion dont le cursus a été sanctionné par le diplôme d’ingénieur de premier degré.
Diakalia Ouattara dit Diak reçoit la coupe du Mali de 1969 des mains de A Baba Diarra du CMLN
A son arrivée à Bamako, une inquiétude taraudait son esprit : comment continuer le basketball ? Parce qu’il n’avait aucun repère dans la capitale sur le plan sportif. Il poussa un ouf de soulagement en apprenant que son nouvel établissement avait une équipe de basketball, connue de tout le monde à travers ses performances, lors des compétitions inter scolaires, et même de la Fédération. Diak, au bout de quelques semaines dans l’équipe B, rejoignit l’équipe séniore. Mesurant 1m79, très adroit dans les shoots lointains et prompt à agir face aux assauts de l’adversaire, il apportait sa touche pour la stabilisation de la suprématie de l’équipe emblématique de l’ENI. Il y est resté jusqu’en 1966, après avoir remporté la coupe du Mali, un an auparavant. A l’époque, la rivalité entre les établissements scolaires était telle que les autorités craignaient qu’elle n’aboutît au pire. C’est pourquoi elles avaient suspendu le championnat, pour ensuite demander aux joueurs des différentes écoles de se transférer dans les clubs Omnisports. C’est ainsi que Diakalia Ouattara avait rejoint le Stade malien de Bamako pour continuer dans la même dynamique et se sentir toujours dans la grande famille des Blancs de Bamako.
Sur place, il se joignit au groupe du technicien Amadou Daouda Sall qui avait entre ses mains Kandé Sy, Jamayiri Samaké, Abdoulaye Haïdara, Ibrahima Ly, Alou Badra Diouf. Déjà ces jeunes se rencontraient dans les compétitions inter scolaires, donc à ce niveau pas trop de temps et de difficultés pour s’adapter. Ce groupe, sous la houlette du grand Amadou Daouda Sall, dominait au moins pendant dix ans (1966 -1976) le basketball malien, en remportant deux coupes du Mali (1968, 1969). Diakalia Ouattara, intronisé capitaine d’équipe a eu la particularité d’avoir reçu des mains du président Modibo Keïta sa dernière coupe du Mali en juillet 1968 et la première des nouvelles autorités du pays en 1969.
Vers la fin des années 1976 -1977 des jeunes comme Bertrand N’Diaye, Balla Gueye, Abdramane Tamboura, Dramane Coulibaly dit Draba, ont commencé à émerger pour prendre la relève des ainés. Des grands, parmi lesquels Diakalia Ouattara, ont décidé de mettre fin à leur carrière la même période. Son parcours en équipe nationale a débuté en 1967, pour ensuite participer à deux championnats d’Afrique : Maroc 1968 sanctionné par la quatrième place de l’équipe nationale et Dakar (1972) ou le Mali s’est contenté de la troisième place. Il s’est retiré volontairement de l’équipe nationale en 1972. Malgré le fait que le coach Amadou Daouda Sall eût insisté, Diak est resté campé sur sa décision de ne plus porter le maillot national. Pourquoi une telle décision radicale ? Diakalia Ouattara explique : “Quand j’ai opté pour le basketball, mon ambition était d’être au sommet. C’est-à-dire en club et en équipe nationale. C’est pourquoi je n’ai rien ménagé pour m’imposer partout. Mais j’ai fini par faire le constat amer que certains de mes coéquipiers ne se donnaient plus à fond, une fois sélectionnés en équipe nationale. Je n’ai pas apprécié cette attitude que j’ai eu de la peine à comprendre. Parce que, pour moi, le drapeau est sacré. Donc ne pas le prendre au sérieux ne pouvait que m’irriter. Après réflexion, j’ai décidé de ne plus jouer en équipe nationale. Le coach Amadou Daouda Sall a tout fait pour que je revienne sur ma position. Dommage …”.
Dans sa carrière, Diak garde toujours en mémoire deux faits comme bons souvenirs : sa première coupe du Mali en 1968 et sa bonne prestation lors du tournoi de l’Organisation des Etats Riverains du Fleuve Sénégal (Oers) remporté par le Mali à domicile. Ses mauvais souvenirs sont au nombre de trois. Lesquels ? Diakalia revient sur ces pages sombres de son parcours : “Mon premier mauvais souvenir est cette défaite du Stade en 1967 contre le Djoliba, en finale de la coupe du Mali, où j’ai passé une nuit blanche à cause de la déception. Ensuite, cette finale de coupe d’Afrique des clubs champions en Centrafrique. Mené au score, le Stade avait juste besoin d’un panier dans les ultimes secondes pour remporter la coupe. Chose que j’ai réussie dans la zone des trois points (qui n’existait pas à l’époque). C’était la joie totale sur le banc de touche. Mais contre toute attente, l’arbitre refusa le panier pour des raisons inexplicables. Nous n’avons pas eu le temps de protester, il siffla la fin du match. En son temps, le journal L’ESSOR avait titré : le Stade malien de Bamako, un roi sans couronne. A notre retour, les autorités et les dirigeants nous avaient réservé un accueil chaleureux, avec des messages d’encouragement. Enfin il y a ce match de demi-finale au Caire, toujours en clubs champions, où le Stade a été éliminé pour un problème de maillot. C’est-à-dire que l’équipe sénégalaise a délibérément choisi les couleurs du Stade, pour ensuite ne rien comprendre. Bien que le Stade fût favori pour ramener la coupe, la commission avait tranché en faveur des Sénégalais et le Stade fut éliminé. Quel coup dur ! “.
Dans la vie, Diakalia aime le sport, la lecture, et déteste le mensonge, l’hypocrisie. Ingénieur Topographe, il a fait valoir ses droits à la retraite en 2007, après avoir occupé successivement les postes de directeur régional de la Topographie à Mopti (1979-1994), chef de Division technique (1994-1996), directeur national adjoint de la Topographie (1996- 2000) et directeur général adjoint de l’Institut géographique du Mali (2000-2007). Sa retraite est consacrée à la marche, la mosquée et ses petits-enfants.