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Blocus routier : Kayes à l’unisson
Publié le lundi 26 aout 2019  |  Info Matin
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Comme annoncé, la jeunesse de la région de Kayes a mis à exécution sa menace. Depuis jeudi minuit, les jeunes soutenus par toute la population et la Diaspora kayésienne sont sortis de partout pour bloquer les routes et ponts. L’objectif de ce blocus régional est de réclamer la réhabilitation de la Route national N°3 (RN3) ; le redémarrage du train voyageur et l’ouverture de l’aéroport Dag-Dag de Kayes. Par cette détermination populaire il s’agit d’amener les autorités à respecter leurs engagements en matière de désenclavement et de développement dont le premier attendu par l’ensemble de la région est la réparation de la route Kayes-Bamako.

Pourquoi les Kayésiens sont fâchés ?
Trois raisons sont à la base du blocage de la route nationale N°3, ce vendredi par les jeunes venus de partout dans la région de Kayes :
1°) Ils estiment que la région est délaissée et marginalisée, malgré la présence des 70% des sociétés d’extraction d’or qui ramènent 22% des recettes budgétaires de l’État malien. Sans compter l’apport inestimable de sa dynamique diaspora au développement économique et social du pays.
La région de Kayes est de très loin la première recette douanière du Mali.
Malgré tout cet apport, notre région est livrée à elle-même sans aucune route reliant les 7 Cercles (préfectures) entre eux, l’arrêt des trains voyageurs depuis une dizaine d’années tuant l’économie des villes et villages tout le long des rails et provocant l’exode massif des bras valides échouant dans le Sahara ou en Méditerranée (mais bien entendu les trains marchandises continuent à ravitailler Bamako depuis le port de Dakar).
2°) La route nationale 3 qui dessert les postes de douane les plus lucratifs du pays est impraticable du camp militaire de Kati à Diboly, malgré les promesses de campagne du candidat-président IBK. Cette route nationale est la plus meurtrière du Mali. En outre, il faut compter environ 18 heures de temps de trajet entre Bamako et Kayes sur une distance d’environ 650 km.
3°) L’aéroport de Kayes est fermé depuis 2013, car classé en zone rouge or celui de Mopti est ouvert 7J/7, 24h/24 alors que c’est la région la plus infestée par les djihadistes, les bandits de grand chemin massacrant des bébés aux vieillards depuis 3 ans.
Il est enfin temps que toute la région kayesienne se mobilise pour bloquer tous les accès routiers, afin que les véhicules transportant des marchandises ne passent plus jusqu’à ce qu’IBK décide de réhabiliter nos routes, la reprise des trains voyageurs et l’ouverture totale de l’aéroport de Kayes.

La route nationale N°3 c’est quoi ?
Cette fameuse voie qui traverse l’histoire du Mali de Bélédougou va de Kati jusqu’à Didiéni. Après le Bélédougou, des farouches résistants Bambara conduits par les Traoré, c’est le Royaume des Massassi de Kaarta avec les Coulibaly jusqu’à Dièma. Après Diéma, c’est Nioro, autrement dit le Kingui, le Pays des Diawara qui, à côté des descendants de Djim Kaba, a reçu un temps la Dina d’El Hadj Oumar, puis Cheick Hamahoullah, le père du Chérif de Nioro. Après Nioro, c’est le Kaniaga, le Diafounou… puis la patrie des Soninké du Ouagadou.
En effet, si vous bifurquez vers Nara, c’est l’empire du Ouagadou, puis les Peuls Sambori, la Famille Hel Souad à Dilly….
Voici l’importance historique de cette route nationale N°3 qui traverse tout le Bélédougou et qui dessert le Kaarta, le Kingui, le Kiniaga, le Diafounou, Diema, Kayes, le Sénégal, la Gambie, la Mauritanie et même le Maroc jusqu’en Espagne.
Une route qui contribue en grande partie aujourd’hui au désenclavement et à l’approvisionnement de l’ensemble du pays, mais qui hélas est devenue par l’oubli et la négligence des autorités le purgatoire voire l’enfer pour ses usagers. Ce n’est plus une route, mais l’enfer reconnaissent tous, y compris Mme la ministre qui dit d’elle qu’elle est complètement « pourrie ». On comprendra alors pourquoi la jeunesse de la région a estimé qu’il était temps d’en appeler aux autorités, à travers une mobilisation sans précédent.
Pour marquer leur détermination et leur attachement au Mali qui a oublié leur région, les jeunes de la région de Kayes ont organisé en signe de protestation et de sensibilisation des autorités le blocage de la RN3. Ils ont commencé, pour ce faire, leur manifestation ce vendredi matin par entonner à 7h30 l’hymne national du Mali.

Comment s’est déroulée cette journée de forte mobilisation ?
A Kayes, capitale régionale, les jeunes ont bloqué depuis 00h du matin le seul pont liant les deux rives de la ville. Le blocus a été renforcé toute la journée. Aucun camion, aucun car, aucun véhicule n’a franchi ce vendredi le pont. Seuls étaient tolérés les motocyclistes, les ambulances et les corbillards.
Ailleurs dans la région, la nécessité de cette manifestation faisant l’unanimité chez les populations des autres cercles, le mot d’ordre a été partout suivi sur fond de slogans : trop d’accidents ! Trop de morts ! Trop de blessés !
Depuis 06H00, le blocage de la route était total presque partout. Le trafic est paralysé un peu partout dans la première région. De Kati à Kolokani, de Djidjéni à Diéma, de Nioro à Kayes, Nara à Yélimané, Kayes, de Kita à Kenieba, de Kenieba à Baloubé… chacun a joué sa partition. Les jeunes ont partout érigé des barricades pour bloquer la circulation et interdire aux camions de circuler. Même les camions du Chérif de Nioro n’ont pas circulé ce vendredi.

Une opération réussie
Pour les organisateurs, l’opération est un succès total. Ce ne sont pas seulement les jeunes qui sont sortis. On a vu sur les images des leaders venus de partout (Bamako, Europe) pour manifester, mais aussi des notables et de très vieilles personnes aux cotés des jeunes avec un seul objectif : le désenclavement de la région. Le temps d’une journée, Kayes a parlé d’une seule voix ; même si certains manifestants ne voulaient pas de politiciens coupables à leurs yeux de la situation actuelle de la région. Ainsi à Kayes, le député GASSAMA a été un moment hué avant de réussir à parler. Les organisateurs ayant rappelé aux jeunes que les députés ont bien joué leur rôle en interpellant le gouvernement sur la question de la route comme en avril dernier.

Quelle leçon tirer ?
Après le succès éclatant de la journée de blocage de la route RN3, à l’initiative de la jeunesse de Kayes, place aux enseignements.
La manifestation s’est déroulée de manière pacifique. Aucun incident n’a été enregistré.
Les mots d’ordre des organisateurs ont été suivis à la lettre : pas de prolongation systématique. Le trafic a repris ce samedi partout à 0h00.
Malgré la discipline et la courtoisie des manifestants, les autorités ont répondu par le silence. Le Ministère des Infrastructures et de l’Équipement a jugé bon de faire un communiqué pour dire que l’État n’avait pas les moyens de débloquer 350 milliards pour faire la route nationale N°3.
Face à cette annonce, les organisateurs sont en train de se concerter pour donner suite à cette surprenante déclaration. Parce que la même ministre des Infrastructures et de l’Équipement, Mme TRAORE Seynabou DIOP, avait assuré les députés, en avril dernier, que les fonds étaient disponibles pour la réhabilitation de la route.
Autres enseignements du blocage de la route RN3, à l’initiative de la jeunesse de Kayes, soutenue par l’ensemble des 7 cercles de la région.
Une route, des trains, un aérodrome fonctionnel pour Kayes où pilulent de zones aurifères industriellement exploitées, ce n’est pas trop demander.
À combien s’élève le manque à gagner pour le trésor public cette seule journée de blocage ? Des centaines de millions voire plus du milliard estiment les professionnels du transport.
En termes de priorités du gouvernement, les grands axes routiers doivent être pris en compte pour qui sait que le Mali est un pays continental.
Cette action citoyenne doit sonner comme un sévère avertissement pour les autorités : il est temps d’agir et de tenir les promesses faites.

Sambou SISSOKO
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