Kits incomplets et mauvaise qualité des produits, la gratuité de la césarienne, qui a été instituée en 2005 afin de réduire la mortalité néonatale, apparaît aujourd’hui comme un bien lointain souvenir.
La césarienne n’est plus gratuite. Du moins, en pratique. Beaucoup de personnes affirment avoir payé des médicaments lors de la césarienne de leur conjointe.
«Pour la césarienne de ma femme, j’ai payé une ordonnance de plus de vingt-cinq mille francs Cfa. Je rappelle que je suis affilié à l’Amo. Les médecins m’ont dit qu’il n’y a plus de kit et que je dois par conséquent payer les médicaments», rapporte M. Traoré dont la femme a subi une césarienne au CSREF (Centre de santé de référence) de la commune V du district de Bamako. «En plus des produits pharmaceutiques, j’ai donné de l’argent pour l’anesthésie», renchérit M. Berthé, rencontré au même centre de santé.
Pourtant, le décret n°5-350/P-RM du 4 avril 2005, instituant la gratuité de la césarienne au Mali, stipule dans son article 1er que les frais occasionnés par la pratique d’une césarienne sont pris en charge par le budget de l’Etat. «La prise en charge thérapeutique gratuite porte sur l’acte chirurgical et les examens préparatoires, le test pour l’intervention chirurgicale et le traitement post-opératoire, l’hospitalisation», indique l’article 3 qui précise : «aucune demande de paiement ne peut être exigée de la femme dont l’état nécessite la pratique d’une césarienne».
L’article 4 ajoute : «l’Etat met les kits pour l’intervention des établissements publics hospitaliers, des centres de santé de cercle et des communes du district de Bamako et des établissements des services de santé de l’armée. Il rembourse aux dits établissements et centres de santé, les coûts et l’acte chirurgical, de l’examen préparatoire, de l’hospitalisation et du traitement post-opératoire».
Kit césarienne vide par la faute de la PPM
C’est justement là où le bât blesse. Car des gynécologues déplorent non seulement l’insuffisance du contenu des kits de la césarienne, mais aussi la mauvaise qualité des produits. «Nous sommes obligés de prescrire les ordonnances aux malades parce que le Kit prévu dans le cadre de la gratuité de la césarienne est incomplet», témoigne un médecin en service au CSREF de la Commune V, où on fait en moyenne dix césariennes par jour.
À la pharmacie, on assure qu’on n’en est pour rien. «C’est la PPM (pharmacie populaire du Mali) qui n’arrive pas à fournir convenablement le centre de santé», se défend Dr. Ousmane Sanogo, chef de service de la Pharmacie du CSREF de la Commune V. Selon lui, c’est la pharmacie qui puisait dans ses stocks pour apporter le complément du kit.
Comme le remboursement ne se fait pas, du moins, dans les délais, et pour ne pas fermer boutique, la pharmacie s’est retrouvée dans l’impossibilité de compléter le Kit. Il affirme avoir attiré l’attention de la hiérarchie à plusieurs reprises. Sans succès.
L’hôpital Gabriel Touré fait figure d’exception (pour une fois, il faut le dire) où cent cinquante femmes subissent une césarienne par mois. Ici, le complément de kit est apporté par la pharmacie de l’hôpital. C’est ce qu’a déclaré Dr. Loséni Bengaly, chef de service de la pharmacie hospitalière du CHU Gabriel Touré, lequel confirme l’existence du problème. Il pointe du doigt l’incapacité de la PPM à satisfaire les centres de santé.
Selon nos sources, «la PPM, lors de sa dernière livraison le 2 juillet au CHU Gabriel Touré, a livré quatorze produits sur les trente-cinq qui composent le Kit». Il manquait les produits suivants : aiguille de ponction lombaire, oxytocine, gentamicine, perfuseur des fils résorbables et bien d’autres, qui ne sont pas les moindres dans la pratique de la césarienne, nous a-t-on dit. Un problème qui a été partiellement réglé. Cela à la suite de la saisie du ministre de la santé par la direction du CHU Gabriel Touré.
Il nous est revenu que la qualité des fils laisse à désirer. «Ils font l’objet de plainte quotidienne des médecins», reconnaît Losény Bengaly. Les médecins gynécologues se plaignent également du kit d’anesthésie.
La PPM se défend
Sollicitée, la direction générale de la PPM reconnaît qu’il y’a un problème de kit césarienne. Son PDG Mamady Sissoko lie la situation aux difficultés d’ordre technique et financier que connaît la structure et promet de résoudre le problème afin d’amoindrir la souffrance de la population.
Sur la raison de non livraison des produits au complet, le chef de département approvisionnement par intérim, Dr Pierre Sanou, a indiqué que «l’appel d’offres se fait par produit. Et ce n’est pas un seul fournisseur qui enlève tout le marché. N’ayant pas les mêmes capacités, il arrive qu’un fournisseur livre avant un autre». Toutefois, des dispositions ont été prises pour payer les kits au complet en 2020.
Concernant la composition des kits, qui sont au nombre de deux (simple et compliqué). Il a indiqué qu’elle est fixée par la Direction générale de la Santé. Selon lui, beaucoup de praticiens de la santé ignorent sa composition. La preuve, poursuit-il, il nous arrive de leur dire que tel produit ne fait pas partie du kit. Il a aussi ajouté que c’est l’Etat qui détermine le nombre et la répartition des kits par centre de santé.
Selon Dr. Pierre Sanou, la mauvaise qualité des produits est un problème déjà résolu. «Nos produits sont contrôlés par le Laboratoire national de la santé qui prélève des échantillons. Et à chaque fois qu’on nous a signalé la mauvaise qualité d’un produit, on le rappelle».
Par ailleurs, la direction générale de la PPM se plaint du retard dans l’expression des besoins par la Direction générale de la santé. «Le contrat plan indique que les besoins annuels doivent parvenir à la PPM au plus tard le 30 septembre de l’année en cours. Ce qui n’a jamais été le cas», déplore-t-il. Cela nous permettra de lancer les appels d’offres et acheminer à temps les produits. Car il faut cinq à six mois entre la commande et l’acheminement d’un produit au Mali.
Contactée, la direction générale de la santé n’a pas voulu répondre à nos sollicitations, où nous nous sommes rendus à trois reprises et avons même laissé notre contact. Sans succès.