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Des réfugiés maliens en route vers l’autonomie
Publié le mardi 3 septembre 2019  |  lalibre.be
Réfugiés
© Getty Images par DR
Réfugiés maliens dans le camp de réfugiés près de M`bere Bassiknou dans la région du sud-ouest de Nema
Le 2 mai 2012. Plus de 320.000 personnes ont fui leurs foyers au Mali depuis la mi-Janvier, plus de la moitié cherchent refuge dans les pays voisins
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Fin d’après midi. Une grande tempête de sable, jaunâtre, couvrant tout le ciel, avance lentement. Femmes, hommes, enfants la surveillent, inquiets. Peu après, l’immense vent passe sur le camp, emportant avec lui nattes, tissus, couvertures; il est suivi d’une forte pluie, qui durera plusieurs heures. Dans une des nombreuses tentes, une vielle dame, vêtue de noir, est engloutie dans ses lamentations, demandant au ciel d’épargner les siens contre la foudre et le déluge.

Un peu plus loin, deux jeunes tiennent une bâche qui bat au vent, alors qu’elle doit protéger la devanture d’une tente-hutte – structure de bois et métal, entièrement recouverte de tissu très solide. Ce nouveau type d’habitat, bien que piètre, résiste mieux aux orages que ceux des hivernages passés; les gens s’abritaient alors sous une simple bâche soutenue par quelques piquets, démontable rapidement. Ce changement révèle un projet d’implantation à long terme pour ces anciens nomades, devenus réfugiés sédentaires par la force des choses dans le camp de M’béra, en Mauritanie.

Tirer les leçons du passé

C’est sur les traces de l’un des trois grands camps des années 90 que celui de M’béra a surgi, avec une centaine de milliers de personnes, au moment fort de la crise malienne entre 2012 (occupation du Nord-Mali par des djihadistes) et 2014. Au siècle dernier, beaucoup de ceux qui avaient fuit les exactions de l’armée malienne et de ses milices armées contre les populations soupçonnées de soutenir les rebelles touaregs n’étaient pas rentrés au Mali en 1995, malgré la signature d’un accord de paix entre le gouvernement de Bamako et les groupes rebelles, par manque de confiance. Ils avaient eu raison contre la grande majorité, puisque celle-ci repris le chemin de M’béra en janvier 2012. Chat échaudé craint l’eau froide. La majorité des réfugiés de M’béra ne se précipite donc plus pour rentrer au Mali, malgré l’accord de paix d’Alger.

Sept ans et demi après leur installation, ils sont aujourd’hui environ 60.000 personnes à vivre dans ce camp, originaires, essentiellement, de la région de Tombouctou, voisine de l’est de la Mauritanie. Le camp est divisé en zones, elle-mêmes subdivisées en blocs abritant chacun un groupe de familles issues, généralement, d’une même communauté, tribu, fraction ou d’une même zone de provenance.

« Il n’y a pas eu de retour »

Si certains médias au Mali ont parlé de “réfugiés rentrés spontanément chez eux”, il y a quelques semaines, pour Mohamed ag Malha, président de la coordination du camp, “il n’ y a pas eu de retour: il s’agissait, en très grande majorité, de personnes recensées récemment dans le camp, qui, tout en vivant physiquement au Mali ou près de la frontière avec leurs animaux, ont été appelés pour servir de figurants à un “retour spontané” qui n’en est pas un !” Le but de l’opération, ajoute-t-il: permettre à Bamako d’annoncer le retour des réfugiés pour soutenir le mirage de la paix.

Si les réfugiés ne se précipitent pas pour rentrer chez eux, c’est parce que les zones les plus habitées n’ont toujours pas vu le retour des services de l’État, qui a désertée cette région, en proie à la criminalité et aux tensions intercommunautaires, mais surtout à cause de l’influence grandissante des groupes jihadistes qu’on y observe, en dépit de la présence d’une armada de forces armée. C’est toute la partie allant du Macina, au centre, vers les régions du nord et les zones frontalières, qui vit dans une insécurité permanente et sous influence des groupuscules terroristes, tels que Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) et l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS). “Il ne se passe pas un jour sans qu’il n’y ait des enlèvements de personnes, des exécutions, des attaques, des mines posées, des vols et toutes sortes de brigandages. C’est le quotidien au Mali”, précise Mohamed ag Malha.

Cette situation pousse les réfugiés à imaginer comment améliorer leur quotidien et échapper, à terme, à la dépendance de l’aide alimentaire internationale, qui s’amoindrit d’année en année. « Nous sommes en train de réfléchir, maintenant de manière endogène, à comment améliorer notre vie ici et pas au Mali ! », insiste Mohamed ag Malha.

L’évolution du statut

L’aide humanitaire, à M’béra, est passée par plusieurs phases. Après la période dite d’urgence, les services des Nations unies en charge du camp ont procédé à une enquête pour repérer les ménages dont un ou plusieurs membres exercent une activité rémunératrice. Ceux-ci ne sont plus éligibles à la distribution générale des vivres, mais conservent leur statut administratif de réfugié et continuent de bénéficier de la sécurité, de l’éducation, de l’accès à l’eau et des services de bases. Elles peuvent bénéficier, par ailleurs, de prêts financiers.

Au sein d’une famille ordinaire de réfugiés, une personne bénéficie actuellement, par mois, de 450 ouguiya mauritaniens (10 euros environ), de neuf kilos de riz, d’un litre d’huile, de savon et de sel. Du coup, il est plus intéressant pour certains d’entre eux de passer directement à la phase d’autonomisation, plus viable économiquement, ce qui permet de laisser les dons aux plus nécessiteux. Parallèlement, depuis juillet dernier, la possibilité d’enregistrement des réfugiées a été étendue à tout le territoire mauritanien. un changement d’approche du HCR.

« Nous nous orientons vers un programme de développement », dit Mohamed ag Malha. Ce “Programme d’autonomisation” mené par le HCR et ses partenaires s’articule en plusieurs étapes, allant d’une sensibilisation à la formation pour aboutir à un emploi. Il a démarré cette année, sur base volontaire et des formations professionnelles sont proposées dans l’élevage – avec des formations d’auxiliaires en médecine vétérinaire notamment – le maraîchage, le commerce, l’emploi par des ONG qui travaillent dans le camp ou dans les services dans les villes et villages mauritaniens de la région. Il existe, au total, plus de 1 800 activités génératrices de revenus, financées par l’Union européenne. Environ 1000 familles bénéficient à ce jour de ce programme.
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